Le Mexique: un marché à chouchouter?

Luc D'hooge, Vontobel AM

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Après une année difficile, le Mexique reste un marché compliqué. Les investisseurs attendent la prise de pouvoir effective du nouveau président.

© Keystone

Depuis une année environ, les cours des actifs mexicains sont à la peine et ils n’ont pas non plus été épargnés la semaine dernière. En effet, selon certaines rumeurs, le MORENA (mouvement de régénération nationale), parti du président actuel, Andrés Manuel López Obrador (alias AMLO), aurait l’intention de limiter les commissions des banques. En outre, d’autres rumeurs suggèrent que le Canada pourrait revenir sur les modifications demandées par les États-Unis dans le cadre du texte du nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada, l’USMCA, qui succède à l’Alena.

Fin 2017 et début 2018, le marché s’inquiétait d’un changement de régime, ce dernier passant d’une orientation libérale vers une politique beaucoup plus à gauche, telle que préconisée par AMLO. A mesure que les sondages évoluaient en faveur du candidat du MORENA, l’angoisse sur le marché se faisait plus palpable et les valorisations se tendaient.

Le marché attend pour voir quel sera le comportement
d’AMLO lorsque le pouvoir lui aura effectivement été transféré.

La tension s’est ensuite relâchée au vu du changement intervenu dans le discours du camp AMLO: à l’approche des élections, il a pris une tonalité plus «orthodoxe». De plus, le marché s’est trouvé rassuré par le style de gestion d’un AMLO qui, durant son mandat de maire de Mexico, avait eu pour principal objectif la lutte contre la violence et la corruption.

Le marché s’est alors montré plus accueillant vis-à-vis du candidat AMLO  et les négociations autour de l’USMCA ont offert un répit bienvenu durant la période électorale de juillet dernier. La «lune de miel» s’est ensuite poursuivie jusqu’en début d’automne. Mais les tensions sont réapparues lorsqu’AMLO, dorénavant élu président, a annulé le dernier projet d’aéroport de Mexico, un projet très médiatisé, mais aussi très controversé. Par cette décision, il a ébranlé la confiance du marché dans le cadre institutionnel du pays ainsi que dans son style de leadership. Résultat, le marché a, une nouvelle fois, sous-performé.

A l’heure actuelle, nous sommes donc dans l’expectative. L’investiture du nouveau président étant prévue pour le 1er décembre prochain, le marché attend pour voir quel sera le comportement d’AMLO lorsque le pouvoir lui aura effectivement été transféré.

Les obligations mexicaines étant devenues très
bon marché, nous ne réduisons plus notre exposition.

Dans ce contexte, fidèles à notre propre «style» qui consiste à prendre de l’exposition en phase d’incertitude et à la réduire en phase d’effervescence, nous avons pris des positions inverses à celles du marché. Fin 2017, nous avons donc accru notre exposition alors que les valorisations se tendaient puis nous sommes revenus sur une exposition neutre lors du rallye du printemps dernier.  En juin, nous avons ensuite profité de la faiblesse du marché liée aux négociations autour de l’Alena pour reprendre de l’exposition. En l’occurrence, il s’est agi pour l’essentiel d’étoffer notre position sur la compagnie pétrolière mexicaine Pemex, en plus d’une position de cœur de portefeuille dans l’emprunt GBP/EUR de l’Etat mexicain à 100 ans.

Plus récemment, étant très peu convaincus par l’attitude du président AMLO, nous avons «voté avec nos pieds» et réduit notre exposition, allant jusqu’à vendre en phase de baisse. Par conséquent, nous avons diminué notre engagement dans Pemex, les obligations libellées en euros ayant surperformé au début de la phase de liquidation. Cette décision a été également motivée par le fait que ce débiteur paraît dorénavant plus risqué, Moody’s ayant menacé de déclasser l’entreprise et de la faire passer au-dessous de la catégorie «investissable». Or une telle décision obligerait un certain nombre d’investisseurs à se défaire de ces obligations.

Cela dit, de récentes analyses effectuées par UBS indiquent que le Mexique serait l'un des grands gagnants du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, et cette conclusion semble tout à fait  plausible. Au stade actuel, du fait de leurs récentes sous-performances, les obligations mexicaines étant devenues très bon marché, nous ne réduisons plus notre exposition et maintenons une certaine surpondération. Car, après tout, le Mexique reste l’un de nos «chouchous».

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