Le marché de l’emploi US commence à se fissurer

Michaela Huber & Stefan Eppenberger, Vontobel

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De plus en plus de signes indiquent que le marché du travail américain a commencé à ralentir, ce qui entraînera des répercussions sur l'inflation.

©Keystone
Les mesures de la Fed commencent à laisser des traces

Pourquoi les autorités monétaires et les marchés financiers s’intéressent-ils tant au marché de l’emploi US? Parce que la hausse du chômage est un indicateur assez fiable de récession et de tout ce que cela implique. Et parce qu’un marché de l’emploi sous tension est susceptible de pousser l’inflation en exerçant une pression constante sur les salaires.

Il convient à cet égard de noter que les entreprises américaines ont non seulement su conserver leurs employés, mais qu’elles ont également créé de nouveaux postes au fil des mois. Cela est dû, entre autres, à la vigueur continue de la masse salariale non agricole (les employeurs américains ont créé 236’000 emplois en mars, après une augmentation révisée à la hausse de 326’000 en février).

Cette vigueur du marché de l’emploi tient à plusieurs raisons. La première est celle, classique, du jeu de l’offre et de la demande. Ce que cela signifie? La politique monétaire de la Fed vise à faire baisser la demande de biens et de services afin de réduire ainsi la demande de main-d’œuvre. Mais la Fed n’a qu’une influence très limitée sur la composante «offre» de l’équation, c’est-à-dire sur la main-d’œuvre disponible. Ce volant de main-d’œuvre a nettement diminué après la COVID-19 et reste inférieur aux niveaux pré-pandémiques, car les travailleurs âgés, notamment, ont quitté la vie active dans des proportions supérieures à la moyenne.

Au vu des évolutions antérieures, les «non-farm payrolls» pourraient devenir négatifs dès mai 2023.

Les entreprises ont, en outre, bien résisté jusqu’à présent. Si leurs marges bénéficiaires ont diminué, elles demeurent historiquement élevées. Cela permet aux entreprises de conserver leur main-d’œuvre, voire d’embaucher – du moins pour le moment.

Les indicateurs de l’emploi sont des indicateurs retardés

Retardés ne veut toutefois pas dire annulés: le marché de l’emploi met généralement du temps à suivre le reste des évolutions économiques. Les nouvelles commandes de l’Institute for Supply Management (ISM) en sont une illustration. Les chiffres de l’emploi hors agriculture ont généralement trois trimestres de retard sur les entrées de commandes. Au vu des évolutions antérieures, les «non-farm payrolls» pourraient devenir négatifs dès mai 2023.

Indicateur avancé du marché de l’emploi US, les normes d’octroi de crédit ont généralement trois trimestres d’avance sur le nombre de pertes d’emplois. Après le durcissement des normes d’octroi de crédit par les banques au cours des derniers mois, les pertes d’emplois devraient donc bientôt suivre.

Apparition de premières «fissures»

En janvier, nous avons présenté notre scénario de base pour 2023, en soulignant le risque de récession. Une partie de ce scénario envisageait également un net ralentissement du marché de l’emploi US. Nous continuons de penser que l’impact négatif des hausses des taux d’intérêt se fera sentir sur le marché de l’emploi avec un décalage de neuf à douze mois, soit au cours du deuxième trimestre. En effet, de plus en plus de signes indiquent que le marché du travail américain a commencé à s'essouffler. Selon un rapport de l'agence pour l'emploi Challenger, 89’703 licenciements ont été annoncés en mars, soit 15% de plus qu'en février. Parmi les autres signes de ralentissement, citons les offres d'emploi, qui ont fortement chuté en février, les demandes initiales d'allocations chômage, qui sont désormais clairement orientées à la hausse, et la baisse du taux de démission, qui témoigne d'une moindre confiance dans le marché du travail.

Nous estimons que ce ralentissement pourrait donner lieu à un affaiblissement de la croissance élevée des salaires, laquelle est un important moteur de l’inflation. C’est d’ailleurs ce qui se profile déjà. Le salaire horaire moyen a commencé à baisser. L’indice des coûts de l’emploi, qui est établi par l’Office US des statistiques du travail sur la base des bulletins de salaires des employeurs, a également baissé ces derniers temps. Les enquêtes menées par les banques fédérales régionales – comme celle de la Fed de Dallas – dressent un tableau similaire.

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