Le gouvernement chinois fait un premier pas important

Jan Viebig, ODDO BHF SE

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Face aux problèmes structurels auxquels la Chine est confrontée, les instruments de la banque centrale ne suffisent pas.

Le gouvernement chinois est déterminé à lutter contre les difficultés économiques. Fin septembre, la banque centrale a annoncé une première série de mesures. Elle a abaissé les principaux taux d’intérêt, y compris les taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires existants, ainsi que le taux des réserves obligatoires. Le paquet contenait également des mesures visant à stabiliser les marchés boursiers, notamment la mise à disposition de liquidités pour l'achat d'actions sous la forme d'un mécanisme de swap et d'une facilité de refinancement pour le rachat d'actions.

Cette série de décisions a été plus agressive que les précédentes, d'autant plus que le gouvernement et la banque centrale ont annoncé que les mesures pourraient être élargies. Cependant, face aux problèmes structurels auxquels la Chine est confrontée – crise immobilière, endettement élevé des gouvernements locaux (provinces, villes) et faiblesse de la consommation – les instruments de la banque centrale ne suffisent pas. C’est pour cette raison que les dirigeants chinois ont annoncé des mesures musclées en matière de politique financière.

Les acteurs du marché ont bien accueilli ces mesures. La réaction des marchés financiers chinois a été tout aussi euphorique. Les cours des actions - mesurés par l'indice Shanghai Shenzhen CSI 300 - ont augmenté de 35% depuis leur plus bas de septembre 2024 jusqu'à leur plus haut d'octobre 2024. Cependant, les investisseurs ont été positifs trop rapidement.

L'événement organisé par le régulateur au début de la semaine dernière a ainsi été décevant. Le ministre des Finances, Lan Fo'an, a réitéré le 12 octobre son intention de relancer l'économie avec des mesures ciblées et séquentielles. Beaucoup espérait alors un programme de dépenses massif.

Le ministère des Finances a ainsi annoncé sept mesures:

  1. Face à la crise de la dette des gouvernements locaux, le gouvernement met à disposition 400 milliards de renminbis (56 milliards de dollars) provenant des quotas d'émission non utilisés des années précédentes.
  2. Les fonds provenant d'un quota inutilisé d'obligations de 2300 milliards de renminbis (325,3 milliards de dollars) devraient pouvoir être utilisés par les gouvernements locaux.
  3. Le plafond de la dette des gouvernements locaux sera relevé de manière significative, une seule fois, afin qu'ils puissent transférer la totalité de leur dette
  4. Les gouvernements locaux sont autorisés à utiliser des obligations spéciales pour acheter des terrains vacants à des promoteurs en difficulté.
  5. Les marchés de l'immobilier commercial et des logements subventionnés bénéficieront du soutien de l'Etat.
  6. La TVA sur les immeubles d'habitation classiques sera supprimée.
  7. Le quota des bourses d'études sera doublé et le montant par personne augmenté.

Les plans du Ministère chinois des finances visent, à juste titre, à résoudre les problèmes financiers des gouvernements locaux et à atténuer la crise du logement. Selon le ministre Lan Fo'an, le gouvernement chinois dispose d'une grande marge de manœuvre pour s'endetter davantage. La Chine émettra également des obligations pour injecter de nouveaux capitaux dans les banques et stabiliser le secteur immobilier. Il est actuellement impossible d'évaluer dans quelle mesure les gouvernements locaux utiliseront réellement les produits des obligations pour soulager le secteur immobilier par le biais d'achats immobiliers.

En Chine, cependant, les revenus des sociétés de financement locales (LGFV) ne suffisent pas toujours à assurer le service de la dette. De plus, les recettes de la vente des terrains se sont effondrées de manière spectaculaire. Les dettes exorbitantes des sociétés de financement locales sont devenues un risque pour la stabilité de tout le marché financier chinois. Selon les estimations du Fonds monétaire international, la dette des plus de 10’000 LGFV s'élève à environ 65’000 milliards de renminbis, soit 9000 milliards de dollars, ou environ 50% du produit intérieur brut.

La Chine souffre également d'une crise dans le secteur immobilier. On estime que 25 à 30% du produit intérieur brut dépendent directement ou indirectement de ce secteur. Evergrande, Country Garden et d’autres promoteurs immobiliers ont accumulé des milliards de dettes. Les prix dans l'immobilier chutent, les logements vacants augmentent et de nombreux projets de construction restent inachevés. Outre les projets de financement pour la reprise de biens immobiliers par les gouvernements locaux, il a été annoncé lors d’une conférence de presse du ministère de la Construction que le plafond de crédit pour le financement ultérieur de projets de construction sélectionnés («Liste blanche») serait augmenté à environ 560 milliards de dollars.

Cependant, les marchés estiment que cette augmentation est insuffisante.

Toutefois, les problèmes de l’économie chinoise ne se limitent pas au secteur immobilier et aux problèmes d’endettement des gouvernements locaux. Le 13 octobre, le Bureau national des statistiques a annoncé que les prix à la consommation chinois n'avaient augmenté que de 0,4% sur un an en septembre. Les prix à la production ont chuté plus que prévu en septembre, diminuant de 2,8% par rapport à l'année précédente. La consommation stagne et les surcapacités industrielles exercent une pression sur les prix. L’économie chinoise est sur une tendance déflationniste. Lutter contre la crise du logement ne suffira donc pas. Le succès du modèle économique chinois dépend essentiellement de la stimulation de la faible demande des consommateurs ainsi que de la poursuite des projets d’infrastructures publics.

Mais jusqu'à présent, un message clé manque dans les déclarations du ministre des Finances. Les acteurs du marché attendent des chiffres concrets quant à la stimulation d’une consommation atone et d’une demande en baisse. Après les déclarations plutôt imprécises du ministre chinois des Finances, les investisseurs espèrent que le gouvernement présentera ces chiffres après la prochaine réunion du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale, prévue pour fin octobre 2024.

Malgré la récente hausse des cours, les actions chinoises restent modérément valorisées par rapport aux bénéfices, une progression qui pourrait se poursuivre à court terme. Cependant, pour que les marchés boursiers chinois comblent l’écart de valorisation avec d’autres marchés, il est essentiel que le gouvernement remédie aux vulnérabilités structurelles de l’économie chinoise. Les dirigeants ont fait un premier pas dans cette direction. Des mesures plus concrètes doivent suivre, notamment en ce qui concerne la politique budgétaire et les réformes structurelles.

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