Le COVID-19 et les marchés: des réponses à vos questions

Philippe G. Müller, UBS

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La trajectoire du rebond sera tributaire de la capacité des pouvoirs publics à limiter les faillites d'entreprises et les destructions d'emplois.

©Keystone

Au travers d’un certain nombre de visioconférences, la Recherche d’UBS établit sa perception des marchés qui, dans les circonstances actuelles, évoluent particulièrement rapidement. A cette occasion, ce groupe d’économistes répartis sur toute la planète s’efforce de répondre à un maximum de questions. Voici les réponses à cinq des questions les plus fréquentes.

1. Quand le rebond interviendra-t-il? Sera-t-il graduel ou rapide?  

A court terme, la trajectoire de la croissance économique et de la performance des marchés dépendra probablement du délai nécessaire à la normalisation de l'activité économique après la levée des mesures d'endiguement du virus. Elle sera aussi tributaire de la capacité des pouvoirs publics à limiter les faillites d'entreprises et les destructions d'emplois. On peut envisager trois scénarios, le scénario central étant certainement le plus probable:

  • Scénario central

Le nombre quotidien de nouveaux cas amorce une décrue début avril en Europe et à la mi-avril aux Etats-Unis. Les restrictions les plus drastiques visant à limiter la propagation du virus sont levées vers la mi-mai. Une deuxième vague d'infections, avec un nombre de cas potentiellement plus élevé aboutit au rétablissement ponctuel des restrictions au deuxième semestre en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. 

En fin d'année, l'indice S&P 500 tournerait autour de 2’650 points.

Une réponse monétaire et budgétaire coordonnée finit par apporter un filet de sécurité aux entreprises et aux secteurs d'activité touchés, mais est trop tardive pour les sauver tous. Cela donnerait une reprise économique poussive (en forme de U) entre le troisième trimestre 2020 et le premier trimestre 2021. En fin d'année, l'indice S&P 500 tournerait autour de 2’650 points.

  • Scénario optimiste

Le nombre quotidien de nouveaux cas a déjà amorcé une décrue en Europe et en fait de même aux Etats-Unis courant avril. Les mesures visant à limiter la propagation du virus sont levées graduellement à compter du mois de mai. 

En fin d'année, l'indice S&P 500 oscillerait vers 2’900 points.  

Certaines restrictions resteront probablement en place tout au long de l'année 2020 afin de maîtriser une deuxième vague d'infections. L'effort de relance des gouvernements suffit à éviter des dommages durables pour l'économie et favorise une reprise en forme de V au second semestre. En fin d'année, l'indice S&P 500 oscillerait vers 2’900 points.  

  • Scénario pessimiste

Le nombre quotidien de nouveaux cas continue d'augmenter en Europe et aux Etats-Unis jusqu'en mai ou juin. Les restrictions restent en place pendant l'été et sont rétablies ponctuellement lors des derniers mois de l'année en raison d'une deuxième vague d'infections qui s'avère difficile à contrôler en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. 

En fin d'année, l'indice S&P 500 serait tombé autour de 2’100 points.

Les mesures gouvernementales ne parviennent pas à compenser suffisamment le choc de demande durable et la croissance suit une trajectoire en L tout au long de l'année 2020. En fin d'année, l'indice S&P 500 serait tombé autour de 2’100 points.

2. Les marchés d'actions ont-ils déjà touché le fond?

Même si les marchés ont quelque peu rebondi, il est difficile de savoir avec certitude s'ils ont déjà touché le fond. Encore une fois, à court terme, l'évolution des marchés dépendra probablement du délai nécessaire à la normalisation de l'activité économique et de la capacité des pouvoirs publics à limiter les faillites d'entreprises et les destructions d'emplois. 

Il n'est pas exclu que le scénario pessimiste se vérifie, auquel cas il faudrait s'attendre à une rechute des marchés d'actions. Par conséquent, il est préférable de s’exposer aux obligations plutôt qu'aux actions car leur valorisation reflète davantage notre scénario pessimiste. S'agissant des actions, la sélectivité est de mise après le récent rebond, c'est pourquoi il faudrait privilégier les titres survendus et ceux qui font preuve d'une belle résistance, mais aussi guetter les opportunités pour investir à bon compte dans des tendances séculaires Quant à ceux qui sont déjà exposés, il leur fut diversifier leur portefeuille à l'échelle mondiale et entre les différentes classes d'actifs..  

3. Quel est le meilleur moment pour investir? Dès aujourd'hui ou d'ici trois à six mois?

Les actions mondiales sont encore dans un marché baissier, ce qui n'empêche pas les investisseurs à long terme de faire fructifier à bon compte leurs liquidités excédentaires. Investir d'emblée une somme rondelette augmente les chances de réussite. Cela dit, les investisseurs qui redoutent d'investir au mauvais moment étant donné la volatilité des marchés peuvent toujours suivre d'autres stratégies pour construire leur portefeuille. 

Avoir recours aux options permet de se positionner
au cas où des achats à très bon compte se présentaient.

Pour les investisseurs qui peuvent avoir recours aux options, la volatilité marquée implique un rendement plus élevé pour la vente d'options de vente. Cette stratégie permet aussi de se positionner au cas où des achats à très bon compte se présentaient. En outre, il est possible de la conjuguer avec une stratégie d'achats échelonnés consistant à déployer du capital conformément à un calendrier déterminé pour lisser les fluctuations à court terme.  

4. Je suis inquiet pour mon épargne retraite. Quel impact la pandémie aura-t-elle à court et à long termes?  

Lorsque les marchés dégringolent – au premier trimestre, l'indice S&P 500 est entré dans une configuration de marché baissier avec une rapidité inédite – certains investisseurs sont tentés de vendre pour éviter de nouvelles pertes potentielles. Néanmoins, les responsables politiques font preuve de volontarisme, le virus est désormais contenu en Chine et sa propagation semble ralentir en Italie. Cela a permis aux marchés de rebondir et il est possible qu'ils ne s'arrêtent pas en si bon chemin, mais on ne peut pas non plus exclure une rechute. 

La diversification géographique et entre les différentes classes d'actifs est le meilleur moyen d'atténuer les risques baissiers. Par ailleurs, il convient de se souvenir que les marchés baissiers, aussi douloureux soient-ils, sont rares et relativement éphémères. Depuis 1945, les marchés baissiers de l'indice S&P 500 se sont traduits par un repli du pic au creux de 34,5% en moyenne. L'indice a effacé en moyenne 65 mois de progression et il lui a fallu 39 mois pour atteindre un nouveau sommet historique. 

Il paraît clair que la pandémie de COVID-19
accélérera certaines tendances à plus long terme.

Pour éviter de céder au biais comportemental consistant à vendre au mauvais moment, il convient d'établir un plan financier rigoureux Les investisseurs doivent chiffrer précisément leurs besoins à court terme et mettre de côté une somme suffisante pour réaliser des investissements à long terme. 

L'approche 3L d’UBS (Liquidity. Longevity. Legacy) peut aider les investisseurs à atteindre leurs objectifs financiers, à atténuer leur anxiété face aux risques à court terme et à saisir les opportunités à plus long terme. Par exemple, si l’on fait en sorte de disposer de suffisamment de liquidités pour couvrir ses besoins à court terme, il ne sera pas nécessaire de vendre des actifs susceptibles de générer des revenus et des plus-values considérables à long terme.  

5. A quels changements durables faut-il s'attendre une fois achevée la crise du coronavirus?

Un bon nombre des bouleversements intervenus dans la vie quotidienne à cause du coronavirus seront, espérons-le, relativement éphémères. Néanmoins, il paraît clair que la pandémie de COVID-19 accélérera certaines tendances à plus long terme. Trois domaines sortent du lot:  

  • La télémédecine permet d'accéder à des soins médicaux courants sans s'exposer à d'autres risques pour sa santé, ni surcharger des hôpitaux déjà débordés. De plus, elle est susceptible de faire baisser le coût des soins pour les individus en leur évitant de recourir à des établissement hospitaliers où les soins sont onéreux, et d'améliorer l'accès aux soins dans les déserts médicaux. Les technologies de santé sont donc promises à un bel avenir et il y aura des opportunités à saisir.  
  • Il a fallu moins de 30 jours aux chercheurs pour séquencer le génome du SARS-CoV-2, le virus responsable de la maladie COVID-19, contre cinq mois pour son prédécesseur à l'origine de l'épidémie de SRAS en 2002. Le faible coût du séquençage, ainsi que la disponibilité des appareils de séquençage, ont probablement aidé les chercheurs à répliquer le virus en un temps record. Dès lors, les thérapies géniques sont susceptibles de révolutionner la prestation de soins de santé.  
  • La distanciation sociale va probablement créer des réflexes durables qui seront de nature à accentuer l'essor du commerce électronique et du télétravail. Ce mode de vie davantage connecté supposera des investissements accrus dans l'infrastructure 5G, ce qui créera des opportunités d'investissement dans le domaine de la transformation numérique. Le confinement de la population a également accéléré la révolution dans le domaine de l'alimentation: les consommateurs se font livrer des repas grâce à des applications pour smartphone telles qu'Uber Eats, une tendance qui devrait se poursuivre avec l'évolution des préférences des consommateurs et l'urbanisation.    

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