Le billet vert pourrait perdre de son éclat

Kevin Thozet, Carmignac

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Les multiples facteurs qui pèsent sur le dollar pourraient durer et mettre fin à plusieurs années de hausse malgré la reprise économique très forte en cours aux Etats-Unis.

Après avoir connu un cycle d’appréciation pluriannuel, le dollar se retrouve aujourd’hui confronté à un nombre croissant de facteurs qui pourraient bien faire passer la devise américaine de l’autre côté du point de bascule. A ce titre les mouvements de marché des huit dernières semaines méritent que l’on s’y attarde.

Toutes les régions du monde ne sortent pas de la crise de la COVID-19 avec la même dynamique de croissance. Cet environnement de croissance mondiale désynchronisée s’explique par les grandes disparités dans la façon dont les pays ont géré la pandémie et par l’hétérogénéité des mesures prisent pour répondre aux conséquences économiques de cette crise.

Aux Etats-Unis, les différents plans de soutien et les campagnes de vaccination ont permis une reprise forte de l’économie américaine. Plusieurs statistiques économiques et les publications de résultats des entreprises semblent aujourd’hui confirmer cette tendance. De plus, les 6’000 milliards de dollars que le gouvernement américain envisage de dépenser en 2022 en faveur de son économie laissent envisager que l’économie américaine continuera sur cette lancée au-delà de cette année de rebond.

Un tel phénomène de forte croissance économique en absolu et par rapport au reste du monde devrait s’accompagner d’une forte performance de la devise américaine; pour autant le dollar a largement rendu ses gains du premier trimestre. Ce paradoxe apparent ne devrait pourtant pas surprendre.

Tout d’abord, les montants de dépenses publiques pour soutenir l’économie américaine et l’endettement que cela nécessite vont atteindre des niveaux records. C’est un premier élément qui pèse sur le dollar. Un autre est celui du financement d’une partie du budget américain par des hausses de taxes et d’impôts. Cela pourrait venir grever l’attrait des actions américaines, et donc du billet vert. De plus, les mesures de soutien prises aux Etats-Unis favorisent la consommation, donc l’inflation, quand les plans de relance en Chine et en Europe soutiennent davantage la production.

Mais d’autres facteurs pourraient réduire la demande de dollar sur le moyen terme. L’hétérogénéité actuelle de l’économie mondiale implique que les banques centrales - dont les décisions visent à réguler l’activité économique et l’augmentation des prix en influençant sur le niveau des taux d’intérêt - mènent des politiques différentes. Et à la différence de certaines de leurs homologues, les autorités monétaires américaines apparaissent patientes voire attentistes, estimant que la hausse des prix n’est que transitoire et ne nécessite donc pas de relever les taux à court terme.

Cette nouvelle fonction de réaction de la Réserve fédérale (Fed), qui consiste à laisser filer l’inflation avant d’intervenir, a aussi un autre impact sur le dollar américain. Il convient en effet de garder à l’esprit que l’inflation érode la valeur temporelle d’une monnaie: avec la hausse des prix, un dollar ne permet pas d’acquérir demain autant de biens et de services qu’aujourd’hui. 

L’attitude de la Fed soulève également des questions quant à la sacro-sainte indépendance de la banque centrale vis-à-vis du gouvernement alors qu’elle va financer une partie d’un budget américain record en achetant environ un quart de la dette émise cette année par les Etats-Unis. Des interrogations que viennent aussi nourrir l’arrivée au gouvernement de Janet Yellen, l’ancienne présidente de Réserve fédérale.

D’autres régions plus attractives

A ces différents éléments s’ajoute une spécificité du marché des changes: les stratégies d’investissement y fonctionnent par couple. Or, malgré la reprise économique très forte aux Etats-Unis, certaines zones géographiques attirent davantage les investisseurs.

L’Europe a ainsi gagné en attractivité grâce à une coopération politique renforcée. Elle offre également des opportunités d’investissement avec un gisement d’entreprises particulièrement sensibles à la reprise dans les secteurs de la consommation, du tourisme, de la finance ou encore des matières premières. Les sociétés européennes pourraient continuer de bénéficier d’une dynamique de croissance relativement plus favorable, la reprise économique débutant tout juste dans la région.

De son côté, l’Asie est le fer de lance de la quatrième révolution industrielle. De plus, le niveau plus élevé de certains taux d’intérêt dans la région attire les investisseurs, ce qui profite aux monnaies locales comme le yuan chinois. 

Enfin, un rattrapage des devises des pays exportateurs de matières premières ne peut être exclu, soutenu par des fondamentaux solides et une gestion économique disciplinée alors que les prix des produits de base si utiles à la reprise de l’activité ont retrouvé leurs niveaux d’il y a cinq ans. Chez Carmignac, nous nous exposons d’ailleurs – avec sélectivité – à ces devises.

En matière d’investissement, notre construction de portefeuille reste équilibrée entre des convictions de long terme et de plus court terme. La désynchronisation de la croissance économique mondiale a ceci de favorable qu’elle permet la diversification. Ces moteurs de performance pour nos fonds sont complétés par des stratégies de couverture pour protéger nos portefeuilles contre le risque de taux d’intérêt et le risque de change.

Contrairement à ce que l’on pourrait intuitivement penser, la baisse du dollar n’est pas antinomique du risque de voir des taux plus hauts. Et nous le voyons bien depuis plusieurs mois maintenant, cet environnement favorise une gestion active de l’épargne.

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