La vague verte de croissance, sixième cycle de Kondratiev

Hans-Jörg Naumer, Allianz Global Investors

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Le changement climatique est le signal d'alarme ultime pour pouvoir gérer la transition d'une croissance parasitaire à une croissance symbiotique.

L'économiste russe Nikolaï Kondratiev et ses disciples estiment que, jusqu'à présent, le monde a connu cinq longs cycles de croissance, de l'invention de la machine à vapeur aux technologies de l'information. Ces «super cycles» ont affecté massivement l’ensemble des domaines de l'économie et, en fait, nos vies. Leur impact va au-delà de celui des fluctuations cycliques. 

La tendance générale à une plus grande durabilité transforme nos économies et marque le début d’un sixième cycle. Tous les critères clés sont réunis: l'utilité des anciennes «innovations de base» est épuisée et la productivité diminue. Les investisseurs sont désespérément à la recherche de rendements (n'oubliez pas que les taux d'intérêt sont négatifs dans de nombreux pays!), ce qui explique la disponibilité de capitaux excédentaires pour financer de nouvelles innovations clés et les développer davantage. La numérisation et les controverses sur la politique environnementale mettent en évidence les changements de société; il suffit de penser au succès électoral croissant des partis populistes et à la polarisation du débat politique. Le changement peut conduire à des conflits de redistribution.

L'économiste russe estime que l'innovation ne suffit pas
à elle seule à provoquer un changement fondamental.

Dans ce contexte, un facteur clé émerge: le changement climatique se révèle être le goulet d'étranglement qui, selon Kondratiev, facilite le développement de nouvelles innovations et déclenche le processus de transformation. L'économiste russe estime que l'innovation ne suffit pas à elle seule à provoquer un changement fondamental. Elle doit au contraire répondre à un certain besoin. Le changement climatique est le signal d'alarme ultime pour nous permettre de gérer la transition d'une croissance parasitaire à une croissance symbiotique. Oui, j'ai bien dit croissance. La croissance et l'innovation sont indispensables si l'on veut mettre fin au réchauffement de la planète. 

Rappelez-vous les 17 objectifs de développement durable des Nations unies. La croissance est le seul moyen de lutter contre la faim et la pauvreté et de réduire les inégalités. La durabilité n'est possible que si nous misons sur l'innovation; l'autolimitation ne suffira pas. Si environ un milliard de personnes en Europe et en Amérique du Nord émettent moins de dioxyde de carbone parce qu'elles renoncent à consommer, les quelque six milliards et demi de personnes restantes en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud ne pourront toujours pas mener une vie plus confortable. Et la population mondiale continue de croître. Selon les estimations des Nations unies, elle atteindra 11 milliards de personnes d'ici 2100. C'est en Afrique que les chiffres de la population devraient augmenter le plus fortement, c'est-à-dire sur le continent qui présente le plus grand potentiel de rattrapage. La population de l'Afrique devrait tripler au cours des 80 prochaines années, pour atteindre 4,7 milliards d'habitants. 

L'accord de Paris de 2015 n'a pas eu d'impact majeur
sur les émissions de carbone, qui ont continué à augmenter.

L'environnement lui-même est devenu une ressource rare. Et le réchauffement climatique n'est pas la seule preuve de cette affirmation. Selon les calculs du Global Footprint Network, l'empreinte biologique de l'humanité dépasse la biocapacité annuelle depuis le début des années 1970. En d'autres termes, cela fait longtemps que nous rongeons notre capital naturel. A l'heure actuelle, nous consommons 1,7 fois la biocapacité disponible, et la tendance continue de pointer vers le haut. 

L'accord de Paris de 2015 n'a pas eu d'impact majeur sur les émissions de carbone, qui ont continué à augmenter. Dans son scénario «business as usual», le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat prévoit une augmentation des températures moyennes mondiales de 3 à 5°C d'ici 2100. Cela ne doit pas se produire. Cependant, la transition vers plus de durabilité coûtera de l'argent. Les Nations unies ont évalué les investissements mondiaux nécessaires entre 5 et 7’000 milliards de dollars par an si l'on veut atteindre les 17 objectifs de développement durable d'ici à 2030. Ce total comprend les investissements publics et privés. Il s'agit d'une somme colossale. Pourtant, elle ne semble pas complètement hors de portée. Rappelons que les 3’038 signataires de l'initiative des Principes pour l'investissement responsable («PRI») gèrent un total de 103’000 milliards de dollars. Ces gestionnaires d'actifs se sont engagés à fonder leurs décisions d'investissement sur des critères de durabilité. 

Le nouveau paradigme est le suivant: «investir pour lutter contre le changement climatique et soutenir la durabilité». En bref, les conditions préalables à une nouvelle vague de «croissance verte» sont réunies. 

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