La tenue de l’élection présidentielle compte autant que le vainqueur

Yves Hulmann

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Les années d’élection présidentielle aux Etats-Unis sont en moyenne favorables pour les actions américaines, à condition qu’il n’y ait pas de récession.

A l’approche de l’élection présidentielle américaine 5 novembre, de nombreux stratèges et experts évaluent dans de multiples commentaires quelles pourraient être les conséquences d’une victoire de Kamala Harris ou de Donald Trump pour l’avenir de la première économie mondiale et l’évolution des marchés. Comme le montrent différentes études consacrées à la performance réalisée par les marchés des actions lors des années d’élection présidentielle aux Etats-Unis, il est très difficile de savoir à l’avance si une victoire du camp démocrate ou républicain profite le plus aux marchés.

La troisième année du mandat présidentiel est statistiquement la plus favorable.

En revanche, différentes études, qui ont comparé la performance réalisée par les marchés des actions lors des années d’élection présidentielle par rapport aux autres années, montrent que les années d’élection présidentielle aux Etats-Unis ont été historiquement globalement favorables aux marchés. Dans un commentaire publié en juillet dernier, le gérant d’actifs Fidelity a ainsi réparti les rendements réalisés par l’indice S&P 500 au cours des quatre années d’un cycle présidentiel. Pour la période allant de novembre 1950 à novembre 2023, il en ressort que c’est la troisième année du cycle présidentiel, celle qui suit les élections de mid-term, qui est la plus favorable aux 500 actions américaines incluses dans l’indice avec un rendement moyen de 14,7%. La quatrième année d’un cycle présidentiel, comme c’est le cas en 2024, est celle durant laquelle les actions ont réalisé la deuxième meilleure performance (9,1% en moyenne), suivi par la première année (celle qui suit l’élection) avec un gain moyen de 8,3%. En revanche, la deuxième année du cycle présidentiel est la plus défavorable avec une performance moyenne de seulement 4,2%.

L’absence de récession est un facteur déterminant

Dans une autre étude publiée en février dernier consacrée à cette même thématique, la banque Julius Baer ajoutait une autre observation clé: depuis 1960, la quatrième année du cycle des élections présidentielles aux Etats-Unis a été favorable à l’indice S&P 500 avec un rendement moyen de 10,5%, soit moins que la troisième année (20,2%) et un peu moins que la première année (13,3%). La quatrième année du cycle de l’élection présidentielle a toutefois été surtout très positive durant les années caractérisées par une absence de récession (+12,8%) alors que cette moyenne tombe à 3,6% en cas de récession.

2008, une année qui biaise les calculs

Quant à savoir si la victoire d’un candidat démocrate, ou plutôt d’une candidate dans le cas présent, ou républicain profite davantage au marché des actions aux Etats-Unis dans son ensemble lors de l’année de l’élection présidentielle, les chercheurs se montrent plutôt prudents. Selon une comparaison effectuée par First Trust, portant sur toutes les élections qui ont eu lieu entre 1928 et 2016, le rendement total de l’indice S&P 500 réalisé durant l’année de l’élection présidentielle a atteint en moyenne 15,3% lorsqu’un candidat républicain a été élu, contre 7,6% lorsqu’un candidat démocrate l’a emporté. Pour toutes les années d’élection, la performance s’est élevée à 11,3% en moyenne.

Toutefois, l’année 2008, marquée par la victoire du candidat démocrate Barack Obama, a aussi été celle de la grande crise financière durant laquelle l’indice S&P 500 avait plongé de 37%. A l’inverse, la plus forte hausse avait été observée en 1928 (+43,6%) lorsque le républicain Herbert Hoover a remporté l’élection, un an avant l’effondrement des marchés en 1929.  

Miser des secteurs spécifiques en vue de la victoire d’un camp donné est un pari risqué.

Beaucoup de stratèges attribuent aux candidats démocrates ou républicains une affinité plus ou moins marquée avec certains secteurs d’activité. C’est le cas aussi en 2024. Nombre d’experts soulignent qu’une nouvelle victoire de Donald Trump serait favorable en particulier aux entreprises actives dans le pétrole et le gaz, la défense ou l’automobile. Les banques devraient aussi bénéficier d’un retour au pouvoir de Donald Trump, notamment en raison de taux d’intérêt plus élevés qui résulteraient d’une inflation plus marquée en raison des taxes douanières qu’il promet d’imposer sur les biens importés de Chine, notamment, ainsi qu’en raison d’une politique plus restrictive en matière d’immigration. A l’inverse, beaucoup d’experts estiment que l’élection de Kamala Harris serait plus favorable au secteur de l’immobilier.

En analysant les sur- ou sous-performances réalisées par dix secteurs depuis 1976 lors des années d’élection, l’étude de Fidelity observe certes une corrélation pour certaines branches d’activité, comme l’énergie, qui ont mieux performé en cas d’élection d’un président républicain mais cela a été loin d’être la règle dans tous les cas. Dans le domaine des services de communication, il y a eu autant d’années où les entreprises de ce secteur ont surperformé à la suite la victoire d’un candidat démocrate ou républicain. Par secteur, il existe très peu de modèles cohérents attestant de meilleurs rendements sectoriels relatifs obtenus au cours des années électorales. « Cela rend les paris sectoriels en fonction des résultats obtenus par un camp ou l’autre très risqués », observe Fidelity.  

Un congrès divisé n’est pas une mauvaise chose pour les marchés

Quant à la suite de l’élection présidentielle, certains commentateurs des marchés redoutent d’ores et déjà une situation de blocage en cas de victoire de Kamala Harris, au cas où la candidate démocrate l’emportait de justesse et n’obtiendrait ensuite pas de majorité au Congrès. D’un point de vue purement boursier, une telle situation de «pat», comme certains la décrivent, même si elle paralyse certaines réformes, n’a forcément été une mauvaise chose – au contraire. Historiquement, le S&P 500 a enregistré des rendements positifs dans presque toutes les combinaisons bi-partisanes. En fait, il semblerait qu'un gouvernement divisé soit historiquement corrélé à des rendements boursiers plus élevés, peut-être parce que les blocages gouvernementaux créent moins d'incertitude politique, observe Fidelity. Suite à l’élection d’un président démocrate, l’indice S&P 500 a réalisé la meilleure performance (13,6%) lorsque le Congrès a été divisé. Cette observation est aussi valable en cas de victoire d’un président républicain.

La volatilité est plus élevée durant le mois qui suit l’élection présidentielle

Dans une perspective de plus court terme, la question de la volatilité qui accompagne souvent la période de l’élection présidentielle américaine se pose aussi. Une analyse du gérant d’actifs T. RowePrice fait une observation plutôt contre-intuitive en ce qui concerne la phase qui précède l’élection présidentielle. En effet, un an avant la tenue de l’élection présidentielle, la volatilité est effectivement un peu plus élevée. Ensuite, à six mois, trois mois et même un mois avant la date de l’élection, la volatilité de l’indice S&P 500 a été moins élevée durant les années d’élection présidentielle que lors des autres années. En revanche, durant les 30 jours qui suivent l’élection présidentielle, la volatilité de l’indice a été sensiblement plus élevée que lors des autres années.

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