Le 10 janvier 2024, l'U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) a finalement approuvé la cotation et la négociation d'un certain nombre d'ETF au comptant (spot) avec le BTC (bitcoin) comme sous-jacent. Cette décision a pour conséquence de permettre d'offrir aux investisseurs une plus grande exposition aux cryptomonnaies sans pour autant devoir détenir directement des BTC.
Sous l'angle commercial, cette décision confère au BTC une certaine reconnaissance en tant que classe d'actifs et devrait participer à une démocratisation de ce type d'investissement en raison d'une probable institutionnalisation de ce marché. Cette décision est, de manière générale, une bonne nouvelle pour le monde des crypto-actifs qui traverse depuis plusieurs mois une succession de crise qui nuit à la confiance des investisseurs.
Ce revirement de la SEC fait suite en particulier à la décision de la Cour d'appel du district de Columbia qui a estimé dans une affaire que la Commission n'avait pas suffisamment exposé les raisons à l'appui de son refus d'approuver le lancement de ce produit dans le cadre d'une requête qui lui avait été soumise (l'affaire «Grayscale»). La SEC rappelle dans son communiqué de presse du 10 janvier 2024 que cette décision n'est pas un blanc-seing donné aux cryptomonnaies dépourvu de garde-fous (notamment en matière de surveillance des abus de marchés et de communication sur les réseaux sociaux). Toutefois, malgré ces réticences, force est de constater que ce changement de pratique de la SEC (sous la pression des Tribunaux) est une victoire pour l'industrie US.
Si, sans nul doute, certains acteurs institutionnels vont en profiter et si l'effervescence pourrait contribuer à relancer l'industrie des crypto-actifs, la question est de savoir si cette décision de la SEC peut avoir un impact réglementaire décisif en Suisse.
A cet égard, il convient de rappeler que les ETF en général sont un produit très présent dans de nombreux portefeuilles suisses, y compris en matière de prévoyance. Cette décision devrait ouvrir en principe à terme la possibilité pour des investisseurs institutionnels comme les caisses de pension d'investir dans une palette plus large de produits (non limité aux produits suisses) dans cette classe d'actifs qui est souvent difficile (voir impossible d'accès) pour des raisons légales et de pratiques réglementaires.
Cependant, il est peut-être permis de penser que cette victoire est avant tout une victoire des prestataires US. En effet, le cadre réglementaire suisse, qui rappelons-le bénéficie d'un régulateur au fait de ces questions, qui a inspiré plusieurs autorités de surveillance étrangères, et souvent précurseur comme en témoigne la récente communication Finma 08/2023 sur le staking permet déjà d'investir dans le bitcoin et d'autres cryptomonnaies via des produits négociés en bourse (ETP), mais également indirectement via les produits offerts par des banques. De plus, plusieurs banques et autres prestataires suisses travaillent au lancement d'offres dédiées aux cryptomonnaies. Il faut également souligner que les prestataires de services financiers suisses peuvent généralement offrir ce type d'exposition à leurs clients (moyennant les cautèles nécessaires) sans que la Finma ne s'y oppose par principe. Il n'est donc pas possible de comparer la pratique de la SEC et celle de la Finma à cet égard.
En définitive, si d'aucuns espèrent que cette décision aura pour effet de rebooster l'industrie, et qu'elle est une bonne nouvelle en soi, sur le plan réglementaire, cette décision ne constitue pas une révolution copernicienne pour la Suisse, même si elle ne peut que contribuer à poursuivre la démocratisation de cette classe d'actifs. Notre pays possède d'ores et déjà un cadre juridique clair en la matière qu'il convient de mettre en avant. Dès lors, il est bon, malgré tout, de temps en temps, de constater en regardant les juridictions qui nous entourent que notre place financière reste dynamique et sous-tendue par des règles somme toute efficaces, bien que perfectibles.