Durabilité: le cadre UE se précise pour les gestionnaires suisses

Vaïk Müller, CMS von Erlach Partners Ltd

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Publication d’informations en matière de durabilité: le Q&A de la Commission européenne confirme l'impact de SFDR sur les gestionnaires suisses.

Le 26 juillet 2021, la Commission européenne a publié ses questions-réponses (Q&A) sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). SFDR concerne de nombreux acteurs du marché, notamment les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (AIFM), les sociétés de gestion d'OPCVM ou encore les entreprises d'investissement fournissant un service de gestion de portefeuille (gestion de fortune). Dans une moindre mesure, les conseillers financiers sont également concernés. Le Q&A de la Commission inclut des clarifications sur certains sujets d'importance mais rappelle surtout que SFDR est également pertinent pour les gestionnaires basés en dehors de l'EEE, en particulier les gestionnaires de fortune collective suisses.

Un des buts de SFDR est de lutter contre le greenwashing et d'améliorer la transparence des informations à l'attention des investisseurs. Dans ce contexte, SFDR opère une distinction entre les informations à publier au niveau de l'entité et les informations à publier au niveau du produit financier.

Les informations à publier au niveau de l'entité exigent la publication de certaines informations sur le site internet des gestionnaires (et d'autres acteurs des marchés financiers concernés par SFDR), y compris la publication de données sur principales incidences négatives des décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité (PAI). A défaut d'une telle publication, les gestionnaires devront en suivant le principe «comply or explain» publier des informations indiquant pourquoi ils ne prennent pas en compte les incidences négatives des décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité, y compris, le cas échéant, des informations indiquant si et quand ils ont l’intention de prendre en compte ces incidences négatives. Cette exigence est également applicable aux conseillers financiers (en matière de conseil en investissement et conseil en assurance pour les produits financiers d'assurance couverts par SFDR).

L'application et l'interprétation finale de SFDR dépendent principalement de chaque État membre de l'UE.

Les informations au niveau du produit exigent que des informations précontractuelles (e.g. dans le prospectus) soient fournies aux investisseurs et que les sites internet comprennent des informations additionnelles, dès lors qu'un produit financier promeut, entre autres caractéristiques, des caractéristiques environnementales ou sociales, ou une combinaison de ces caractéristiques, ou qu'un produit financier a pour objectif l’investissement durable et qu’un indice a été désigné comme indice de référence.

Avant la publication du Q&A, il était généralement admis que les informations à publier au niveau des produits étaient applicables aux gestionnaires de pays tiers (par exemple, la Suisse) qui commercialisent des fonds dans l'UE dans le cadre d'un régime national de placement privé (NPPR). Le Q&A vient confirmer cette compréhension. En revanche, il n'était pas établi si l'obligation de publication au niveau de l'entité était également applicable aux gestionnaires de pays tiers. Sur la base du Q&A, il semble à tout le moins implicitement que la Commission considère que les informations à fournir au niveau de l'entité sont également applicables à ces gestionnaires (ce qui au plan méthodologique et juridique est contestable). Le Q&A ne prévoit en effet pas d'exemption claire et nette, même si les fonds sont exclusivement commercialisés dans le cadre d'un NPPR.

Nonobstant ce qui précède, il est important de garder à l'esprit que l'application et l'interprétation finale de SFDR dépendent principalement de chaque État membre de l'UE et que le régime du placement privé (NPPR) peut varier d'une juridiction à l'autre. Un suivi approprié des règles locales dans les juridictions ciblées de l'UE est donc essentiel pour les gestionnaires suisses. Du point de vue de la gestion des risques, il peut être prudent en l'état pour ces gestionnaires d'assurer une certaine conformité proactive avec les publications au niveau de l'entité en fournissant sur leur site des informations de nature générale.

SFDR aura également des effets indirects pour les gestionnaires ou conseillers suisses de fonds domiciliés dans un Etat membre de l'UE et «labellisés» ESG agissant dans le cadre d'une délégation (sub-investment managers/advisers). Ces gestionnaires seront tenus d'aider les gestionnaires européens à se conformer à leurs propres obligations de mise en œuvre de SFDR. Une telle application indirecte obligera les gestionnaires suisses à se familiariser avec un certain nombre d'exigences propres à ce règlement, telles que l'intégration des risques en matière de durabilité dans le processus d'investissement, ou encore les données nécessaires au reporting du gestionnaire européen.

Si le Q&A n'est pas pleinement satisfaisant faute de contenir un ensemble de règles d'interprétation claires dépourvues d'ambiguïté, il a cependant le mérite de rappeler aux gestionnaires suisses qu'un suivi attentif des règles européennes reste d'actualité. A ce titre, les gestionnaires devraient d'ores et déjà prendre en compte les normes techniques de réglementation (RTS) de SFDR publiées par les autorités de surveillance européennes pour analyser et anticiper, le cas échéant, leur application.