A la recherche du point d’inflexion

Peter de Coensel, DPAM

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De la simple mesure de soutien à l’économie à celle qui encourage l’investissement productif, il reste encore un pas important à franchir.

Les quotidiens regorgent de prévisions à court terme et de conseils de «market timing» alors que la véritable question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir à quel moment les politiques monétaires et de relance auront une réelle incidence sur la croissance mondiale. Les mesures prises à la suite de la pandémie ont été conçues dans le but de stabiliser le fonctionnement du marché et de maintenir l’emploi, et par conséquent la demande. Les différents programmes mis en place, qu’ils soient directs (versement de salaires ou octroi de délais de paiement) ou indirects (refinancements garantis partiellement ou en totalité par l’Etat), ont eu pour objectif de limiter l’impact de la pandémie cette année. Depuis le mois de mars, les autorités monétaires et budgétaires coopèrent plus étroitement afin de stopper l’hémorragie consécutive au confinement partiel ou total. Tous ces efforts visent à fournir au système les moyens suffisants pour assurer sa convalescence.  En témoigne cette semaine le démarrage réussi du plan d’urgence SURE destiné à aider les Etats membres de l’Union européenne à lutter contre le chômage.

La courbe restera plate

Pour les différents intervenants sur le marché, il s’agit avant tout de déterminer à quel moment ces politiques de subventionnement muteront et viendront véritablement soutenir l’investissement productif. Cela ne sera vraisemblablement pas le cas en 2021. En effet, la normalisation de l’activité dans les secteurs public et privé exigera comme préalable la mise en place d’une campagne de vaccination généralisée. Entretemps, les politiques monétaires demeureront extrêmement accommodantes. L’offre nette de titres obligataires restera à un niveau minimum : les banques centrales useront en effet de leur flexibilité pour accroître leurs programmes d’achats d’actifs afin de répondre aux besoins de financement des Etats. Affirmer que la hausse des taux américains la semaine dernière pouvait être expliquée par le compromis de l’administration Trump avec les démocrates pour le 4e plan de relance est un piètre argument. De fait, les positionnements «sell side», la puissance des teneurs de marché ainsi que les ventes à découvert de hedge funds opportunistes sont parvenus à pousser les taux à la hausse, faute de se trouver confrontés à de véritables contreparties.       

Les intervenants sur le marché suivront de près l’évolution
vers une croissance économique réelle inclusive.

Au vu de l’incertitude concernant le moment auquel la réduction de l’offre sera effectivement répercutée sur le consommateur final, la hausse persistante des perspectives inflationnistes est justifiée. Mais ce n’est pas le cas pour celle des primes de terme réelles, du moins au stade actuel. Il faudra attendre que les politiques de relance axées sur l’investissement productif dans les infrastructures, la transition énergétique ou l’éducation soient d’une qualité suffisante pour donner le signal de l’accélération potentielle d’une croissance durable et inclusive. Avant que les banques centrales décident de relever les taux directeurs, il sera nécessaire de compter entre 6 et 18 mois pour que les taux réels à court et à long terme changent de direction et reprennent le chemin de la hausse. Or, compte tenu des orientations prospectives marquées selon lesquelles les taux directeurs resteront inchangés ces prochaines années (trois ans pour la Fed et cinq pour la BCE), il semble difficile d’envisager une pentification durable de la courbe des taux.

Le flou domine

Mais ne nous y trompons pas, les intervenants sur le marché suivront de près l’évolution vers une croissance économique réelle inclusive, car la détermination du point d’inflexion est d'une importance capitale. Plus le temps nécessaire à la reprise de la coopération internationale et donc à celle du commerce sera long, plus cette phase de taux nominaux proches du niveau actuel, voire inférieur, durera. Il convient néanmoins de scruter le quotidien et d’en écarter tout ce qui n’est que bruitage et parasites afin de discerner les véritables facteurs annonciateurs d’une normalisation des taux d’intérêt à long terme. Mais cette dernière reste encore lointaine.

En fin de compte, la bonne performance d’un investissement en obligations repose sur la capacité à bien distinguer les facteurs qui influencent l’évolution des taux directeurs de ceux qui déterminent celle des taux à long terme. La phase que nous traversons actuellement est caractérisée par des mesures de relance qui cherchent à atténuer l’impact de la récession et à permettre une reprise progressive de l’économie.

Pour évaluer correctement le niveau des taux de référence, il convient de déterminer le type de politique économique choisi par les pays développés et les pays émergents pour stimuler leur potentiel de croissance. A l’heure actuelle, la situation reste très floue.

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