Le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle (IA) s'est tenu à Paris les 10 et 11 février 2025, réunissant près de 100 pays et plus de 1500 participants. Il a été organisé par le président français, avec l'Inde comme invité d'honneur.
Si l'objectif principal de cet événement était de définir une gouvernance mondiale de l'IA, en mettant l'accent sur une approche éthique, durable et inclusive, il a surtout montré le clivage sur ces sujets entre le bloc américain et européen.
Des annonces sur un investissement massif en France et en Europe
Le président français Emmanuel Macron a annoncé des engagements d'investissement totalisant 109 milliards d'euros dans le secteur de l'IA en France au cours des prochaines années. Cette initiative s'inscrit dans un contexte de concurrence mondiale, notamment face au projet américain «Stargate» de 500 milliards de dollars lancé par Donald Trump. Parmi les principaux contributeurs figurent la société canadienne Brookfield avec 20 milliards d'euros d’apport et les Émirats arabes unis avec jusqu'à 50 milliards d'euros d’apport. Des entreprises telles qu'Amazon, Apollo Global Management, Digital Realty, Equinix, Fluidstack et Mistral AI ont également annoncé des investissements significatifs dans des infrastructures telles que des centres de données et des supercalculateurs.
En parallèle, Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, a annoncé le lancement de l'initiative des Champions européens de l'IA visant à mobiliser un total de 200 milliards d'euros d'investissements. Il s'agit d'un partenariat public-privé novateur qui réunit plus de 60 entreprises européennes, allant des startups aux grandes entreprises établies.
Ces annonces sont toujours à considérer avec l'actualité récente de l'annonce du chinois DeepSeek, ayant développé un modèle peu cher, mais surtout en open source, remettant en cause l'hégémonie américaine, et son modèle économique sur l'IA générative.
Divergences internationales sur la régulation de l'IA
Un point de tension notable a été le refus des États-Unis et du Royaume-Uni de signer le document final du sommet signé par 61 pays, qui appelle à un usage éthique et sûr de l'IA. Le vice-président américain J.D. Vance a déclaré que l'administration Trump favorisera un développement de l'IA avec une régulation minimale, privilégiant les bénéfices économiques, une position contraire à celle de plusieurs leaders européens.
L'Europe (et la Suisse) trop conservateurs?
Certes, le sommet était organisé par la France, mais ce sont surtout les acteurs américains qui ont occupé l'espace. Seul le champion français Mistral AI a été mis en avant dans les discussions, surtout tournées vers le bloc américain (Open AI et Google en tête). Avec la Chine, les Etats-Unis se positionnent sur l'innovation à marche forcée, en mettant de côté ces considérations réglementaires et de protection des utilisateurs, des citoyens, voire de la démocratie.
Quant au reste de l’Europe et à la Suisse, ils peinent à se faire entendre dans cette bataille technologique. En effet, l’Europe s'est surtout positionnée comme un régulateur fort des sujets de data et d’IA (RGPD, DSA, DMA, IA Act), notamment pour encadrer des pratiques américaines (X, Meta ...) ou chinoises (TikTok). La Suisse a quant-à-elle fait le choix de suivre les réglementations européennes avec du retard (environ 5 ans), mais la vitesse de progression de l'IA pourrait forcer le calendrier.
Enfin, l'annonce de DeepSeek a montré que des investissements massifs ne sont pas nécessaires pour compter sur le marché de l'IA générative (même si les chiffres sont contestables). Serait-ce une opportunité pour la Suisse plutôt que de suivre son grand voisin européen? Les initiatives se multiplient comme le SNAI - Swiss National AI Institute pour créer un LLM performant, transparent, open source, ou encore le SDSC - Swiss Data Science Center entre l'EPFL et l'EPFZ pour accélérer le transfert de l'IA dans le monde économique. D'un autre côté, les géants américains (OpenAI, Google et Meta) continuent à investir sur le territoire suisse avec des nouvelles activités. La Suisse peut donc jouer un rôle, voire même plusieurs à la fois. Une chose est sûre en tout cas: la guerre de l’IA ne fait que commencer.