La durabilité, un «mégatrend» chez les investisseurs suisses

Yves Hulmann

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Selon AXA IM, l’épargne personnelle et les solutions de prévoyance privées gagnent en importance, en plus de l’AVS.

Quel est le comportement des Suissesses et des Suisses en matière d’épargne et d’investissements ainsi que dans le domaine de la prévoyance? Pour avoir une idée plus précise du comportement des particuliers en matière d’investissements, le gérant d’actifs AXA Investment Managers (AXA IM) a interrogé en mars dernier quelque 2000 individus exerçant une activité lucrative en Suisse dont le revenu du foyer atteint au moins 4000 francs suisses par mois. Dans un échantillon séparé, l’enquête en ligne, réalisée par la société d’étude de marché Ipsos MORI, a aussi interrogé 200 personnes jouissant « d’une bonne situation en Suisse», soit celles qui disposent d’actifs liquides supérieurs à 100'000 francs. En plus de la Suisse, la même enquête a aussi été réalisée dans sept autres pays (France, Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Hongkong, Singapour et Taiwan).

La Suisse, un pays d’épargnants

L’étude confirme que la Suisse est un pays d’épargnants. Près de neuf Suissesses et Suisses sur dix disposent d’un compte d’épargne, tandis que 43% des sondés ont une assurance vie et plus du tiers (34%) d’entre eux ont au moins un produit d’investissement. En bas de tableau, 5% des sondés indiquent aussi détenir des cryptomonnaies. Quant à la manière d’investir leur épargne, les Suisses gardent une part élevée en liquidités (48%), suivie par les actions (24%) et l’immobilier (10%). Chez les personnes jouissant d’une bonne situation financière, la part de la fortune en espèces n’est qu’à peine plus faible (44%), même si celles-ci investissent aussi un peu plus dans les actions (27%) et dans l’immobilier (13%). A l’étranger, seuls les Britanniques (51%) et les Français (49%) gardent encore davantage de liquidités que les Helvètes.

Les coûts des produits ne sont pas un critère décisif

Quant aux critères pris en compte pour choisir des produits d’investissement, le niveau de risque encouru est le premier aspect cité avec 15%, suivi par la garantie de ne pas subir de perte (13%) et la performance passée d'un produit (12%). Le fait qu’il s’agisse d’un gérant de fonds connu joue aussi un rôle (9%) non négligeable. En revanche, le fait que les frais d’un produit d’investissement soient inférieurs à ceux de la concurrence n’est mentionné que par 7% des sondés. Les Suisses sont relativement peu autonomes dans leur décision d’investissement : seuls 42% d’entre eux choisissant eux-mêmes leurs produits. A l’inverse, c’est le cas chez 61% des Britanniques et 56% des Hongkongais.

Les plateformes d’investissement en ligne jouent déjà
un rôle clé en Asie en tant que canal de distribution.
Les plateformes en ligne gagnent du terrain

Numérisation ou non, les banques restent de loin encore premier canal de distribution pour plus des deux tiers (67%) des Suisses qui investissent de l’argent, même si cette part devrait diminuer à l’avenir (baisse de 9% attendue) selon les sondés. Viennent ensuite les plateformes d’investissement en ligne (20%) qui devraient encore gagner en importance à l’avenir (+7% attendu), puis les conseillers en assurance (15%). Apparus plus récemment, les robots conseillers ne sont cités que par 7% des sondés mais ces plateformes devraient aussi gagner en popularité dans le futur (+4% attendu). En comparaison internationale, les plateformes d’investissement en ligne jouent déjà un rôle clé en Asie en tant que canal de distribution, en particulier à Taiwan (44%), à Hongkong (35%) et à Singapour (33%). Dans ces pays, les portails en ligne réduisant ainsi toujours plus l’écart avec les banques traditionnelles.

L’environnement avant la technologie

Si le changement technologique est considéré dans certains pays d’Asie comme l’un des facteurs qui aura le plus d’influence sur l’avenir des personnes sondées, l’environnement est cité en premier lieu dans tous les pays européens, y compris en Suisse. Ainsi, 69% des sondés suisses estiment que les changements environnementaux seront le facteur qui influencera le plus sur leur avenir, suivi par les transformations technologiques (51%) et la médecine (51%). Pour André Thali, responsable pour la clientèle en Allemagne, Autriche et Suisse chez AXA IM, les prestataires de services financiers ne peuvent plus ignorer cette tendance: «L’environnement est un mégatrend. Un gérant d’actifs qui n’intègre pas cette dimension sera évincé du marché dans deux ans», avertit-t-il.

Dans l’immédiat, ce sont surtout les personnes jouissant d’une bonne situation sur le plan financier qui envisagent d’investir leur argent de manière responsable (37%), contre seulement un quart des gens disposant d’un patrimoine disponible inférieur à 100'000 francs suisses. Avec 28% de l'ensemble des sondés qui prévoient d’investir leur argent de manière responsable, les Suisses accordent le plus d’importance à l’environnement parmi huit pays, suivi de près par Singapour (27%) et la France (23%).

Les moins de 30 ans accordent le plus d’importance à l’investissement responsable

A la question de savoir s’ils détiennent déjà des placements tenant compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), 43% des sondés en Suisse indiquent posséder au moins un produit d’investissement responsable, derrière Singapour (56%). En Suisse, cette part est plus élevée chez les hommes (45%) que chez les femmes (40%) et elle est aussi plus importante chez personnes jouissant d’une bonne situation (43%). Par tranches d’âge, les jeunes âgés entre 16 et 30 ans accordent le plus d’importance à l’investissement responsable (51%), suivi par les personnes de plus de 55 ans (46%), tandis que cette part atteint 36% chez les sondés âgés entre 31 et 54 ans. Côté distribution, les conseillers en placement ne semblent pas, du moins jusqu’ici, réserver une place prioritaire à l’investissement responsable: d'après les sondés, moins d’un investisseur sur quatre (24%) s’est déjà vu proposer des fonds vert ou d’impact.

En comparaison internationale, les Suisses restent
néanmoins les mieux lotis en vue de leur retraite.
Les femmes plus inquiètes au sujet de leur retraite

Concernant la prévoyance, 60% des sondés en Suisse comptent sur l’AVS comme la première source de revenus au moment de leur retraite, avant l’épargne personnelle (58%), les solutions de prévoyance financées à titre privé (47%) et la caisse de pension de l’employeur (41%). 

Cela suffira-t-il? A la question de savoir si les sondés ont confiance d’avoir suffisamment d’argent au moment de leur retraite, l'enquête laisse apparaître des différences très marquées entre hommes et femmes. En effet, alors que 55% des hommes prévoient qu’ils auront assez d’argent au moment de leur retraite, seules 43% des femmes pensent ainsi. Une différence qui s’explique facilement par l’écart affiché entre les avoirs accumulés par les hommes (404 300 francs), soit un quart de plus que chez les femmes (301 900 francs). Cet écart s’explique par le fait que les femmes travaillent davantage à temps partiel au cours de leur vie professionnelle, avec une part qui atteint 28%, que les hommes (7%), observe Elke Schaller, senior marketing & communications manager pour l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse chez AXA IM.

En comparaison internationale, les Suisses restent néanmoins les mieux lotis en vue de leur retraite. Plus d’un Suisse sur deux (51%) se disent confiants de disposer d’un revenu suffisant pour leur retraite. Ils sont suivis de près par les sondés du Royaume-Uni (50%). En revanche, ce n’est le cas que pour 38% des personnes interrogées en Italie et même seulement 31% en France. Une confiance plus élevée qui s’explique aussi par les avoirs plus importants accumulés en Suisse qui atteignent en moyenne l’équivalent de 331'097 euros au moment de la retraite, suivi par le Royaume-Uni (290'695 euros), et loin devant l’Espagne (136'568 euros) ainsi que la France et l'Italie avec un peu plus de 103'000 euros.

 

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