Les données européennes de ces dernières semaines ont indiqué une croissance et une inflation en baisse. Les attentes en matière de taux d'intérêt ont donc évolué en conséquence, le marché estimant désormais à 96% la probabilité d'une nouvelle baisse de 25 points de base de la Banque Centrale Européenne (BCE) le 17 octobre, contre 25% le 20 septembre dernier. Le cycle de baisse de la BCE a été jusqu'à présent lent et progressif, avec une première baisse de 25 pb en juin, suivie d'une pause en juillet et d'une nouvelle baisse de 25 pb en septembre. La question pour le marché est maintenant de savoir si les derniers chiffres sont suffisants pour que la BCE augmente le rythme des baisses à venir à chaque réunion.
Depuis la dernière réunion de la BCE, le 12 septembre, les données de l'indice PMI et du CPI de la zone euro ont été mises à jour. Après une forte hausse en août due aux Jeux Olympiques de Paris, l'indice PMI composite de la zone euro pour le mois de septembre est resté bien en deçà des prévisions, à 48,9. Même après avoir été révisé jeudi à 49,6. Il s'agit de la première mesure inférieure à 50 depuis février, ce qui indique une contraction. Mais, une seule donnée ne marquant pas une tendance, la BCE se concentre sur l'évaluation des données dans leur ensemble. L'indice des directeurs d'achat (PMI) mensuel moyen au troisième trimestre était de 50,3, ce qui est inférieur à la moyenne de 51,6 au deuxième trimestre, mais nettement supérieur à la moyenne de 47,5 au troisième trimestre 2023, lorsque la croissance du PIB réel dans la zone euro était de 0,0% en glissement trimestriel (QoQ).
L'important pour les marchés n'est pas nécessairement de comprendre la tendance, mais la façon dont elle affecte la capacité de réaction de la BCE. Bien sûr, la BCE n'a pas de mandat sur la croissance, mais ses propres projections une fois par trimestre alimentent le débat sur les décisions de politique monétaire. Lors de la réunion de septembre, la banque centrale a revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB réel de 10 pb, à 0,8% en 2024 et 1,3% en 2025. Ces hypothèses intègrent un taux de croissance trimestriel du PIB réel de 0,2% pour le reste de l'année, en baisse par rapport au chiffre de 0,3% enregistré au deuxième trimestre, mais toujours plus élevé qu'en 2023. Il apparait ainsi un certain risque de baisse sur l'estimation de la BCE de la croissance du PIB réel cette année, mais seulement de façon marginale au regard des données dont nous disposons jusqu'à présent.
La mesure la plus importante pour la BCE reste l'inflation de base au vu de l'influence des prix de l'énergie dans le taux global.
Au delà de la croissance, la récente évolution de l'inflation sera déterminante dans la décision de la BCE le 17 octobre. En septembre, la hausse de l’IPC harmonisé en France s'est effondrée en glissement annuel à -1,2% contre -0,7% attendu, ramenant le taux d'inflation en glissement annuel à 1,5% (bien en deçà du taux attendu de 1,9%). Une tendance similaire a été observée en Espagne (-0,1% contre 0,1% attendu, soit un rythme de 1,7% en glissement annuel) et en Allemagne (0,0% contre 0,1%, soit 1,6% en glissement annuel). De son côté, l'IPC italien a été conforme aux attentes, bien qu'à un niveau inférieur (0,8% en glissement annuel). En somme, l'IPC global pour l'ensemble de la zone euro s'est élevé à 1,8% en glissement annuel. Il est prévu que les effets de base pour l'énergie s'aggravent au quatrième trimestre, augmentant probablement le taux global à la fin de l'année, mais il sera sûrement inférieur à la projection de 2,5% de la BCE il y a quelques semaines.
La mesure la plus importante pour la BCE reste l'inflation de base au vu de l'influence des prix de l'énergie dans le taux global. Il ne fait aucun doute que l'inflation de base reste plus solide que l'inflation globale, comme nous le constatons depuis quelques années. Mais celle-ci a reculé de 10 pb pour s'établir à 2,7% en septembre. L'IPC sur les services, qui a été le vecteur de la rigidité sur l'indice de référence, a baissé de 4,2% à 4,0%.
Il est important de noter que ce chiffre de 2,7% pour l'indice de base est également inférieur à la projection de la BCE de 2,9% pour l'ensemble de l'année 2024. Compte tenu d'une prévision de 2,3% pour 2025, cela suggère que l'inflation de base pourrait atteindre de façon raisonnable l'objectif de 2% de la BCE au cours de l'année prochaine. Ce seul élément devrait inciter la BCE à réduire ses taux d'intérêt en octobre, mais la récente faiblesse des indicateurs de croissance devrait également aider les membres les plus réticents.
La semaine dernière, les marchés ont revu à la baisse leurs prévisions de réduction des taux d'intérêt de la BCE. Désormais, les marchés prévoient non-seulement des réductions d'environ 61 pb pour le reste de l'année 2024, impliquant ainsi plus de de 44% de probabilité d'au moins une réduction de 50 pb cette année, mais aussi un taux final d'environ 1,6%. Selon nous, le taux neutre se situe autour de 2% (0% en termes réels), de sorte que si l'inflation continue de baisser dans ce contexte de croissance atone, il serait logique que la BCE abaisse ses taux en dessous de 2% afin de devenir accommodante. Cela dit, certains éléments rendent peu probable une réduction de 50 pb cette année. Tout d'abord, l'inflation de base reste bien supérieure à l'objectif de la BCE et le ralentissement attendu de la croissance des salaires l'année prochaine pourrait ne pas se matérialiser autant que l'espère la BCE. Deuxièmement, la croissance du PIB réel devrait encore être soutenue par un marché du travail tendu (la zone euro affiche des taux de chômage historiquement bas) et une croissance solide des revenus réels. Enfin, les effets de base sur le rythme de l'inflation globale devraient devenir moins favorables au quatrième trimestre, poussant l'inflation à la hausse en fin d'année.
En fin de compte, la BCE doit réduire ses taux plus régulièrement qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. Comme nous l'avons affirmé pour les États-Unis, les 150 premiers pb sont une évidence, même si l'on suppose un taux neutre légèrement plus élevé qu'avant Covid. Aller trop lentement risque d'endommager inutilement l'économie, plus précaire dans la zone euro qu'aux États-Unis, même en tenant compte des tendances de chômage dans ce pays. Pour nous, cela suggère une baisse de 25 pb par réunion dans un futur proche, mais la direction prise pourrait être de faire monter la pression en faveur d’une réduction plus importante, compte tenu de l’évolution des données économiques.