L’arrivée du SFDR place la durabilité au premier plan

Graeme Anderson, TwentyFour Asset Management

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Quelles sont les conséquences du Sustainable Finance Disclosure Regulation sur le secteur des fonds de placement?

©Keystone

Entré en vigueur le 10 mars, le règlement relatif à la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (Sustainable Finance Disclosure Regulation - règlement SFDR) a déjà des retombées sur l’industrie de la gestion des fonds de placement et sur nos clients.  

Le SFDR devrait entraîner un certain nombre de conséquences dans les mois et années à venir, mais commençons par en examiner deux: une apparente divergence entre les gérants britanniques et européens concernant la classification des fonds, et une prolifération probable (et pas forcément positive) des indices ESG et durables. 

Recatégorisations à prévoir

Tout d’abord, le SFDR est un règlement de l’UE qui est resté en toile de fond de l’univers ESG pendant plusieurs années avant d’entrer finalement en vigueur. Long de 122 pages (ou 195 en comptant les réactions recueillies au cours de la consultation publique), il impose pour l’essentiel aux sociétés de gestion d’actifs de catégoriser les fonds en fonction de leur degré de durabilité ou d’intégration des critères ESG, ce qui vise à garantir une plus grande transparence pour les investisseurs finaux grâce à des informations et à un reporting adéquats.       

Nous avons détecté une divergence dans la façon dont
les fonds britanniques et européens semblent se positionner.

Pour les gestionnaires de fonds, la première tâche a été de classifier leurs fonds, puis d’entreprendre les changements nécessaires au niveau de la publication d’informations et du reporting pour se conformer aux exigences de la catégorie choisie. A cet égard, nous avons détecté une divergence dans la façon dont les fonds britanniques et européens semblent se positionner, les premiers se rapprochant de l’article 6 (fonds intégrant des critères ESG) et les seconds de l’article 8 (fonds promouvant des caractéristiques environnementales ou sociales spécifiques). Nous nous attendons à ce que la recatégorisation se poursuive ces 12 prochains mois dans le cadre d’un processus de «normalisation» de l’industrie qui devrait finalement tourner en faveur de l’article 8, notamment en raison des préférences des clients. De fait, l’Autorité des marchés financiers française (AMF) semble décidée à bannir toute mention de l’ESG pour les fonds relevant de l’article 6. Par conséquent, même les sociétés ayant un processus d’investissement crédible et efficace en termes d’intégration ESG ne seront pas autorisées à publier ces informations dans la documentation standard relative à un fonds relevant de l’article 6 en France.

Plus de confusion pour les investisseurs

L'autre conséquence importante à prévoir est une expansion rapide des indices ESG ou durables, ce qui semble à première vue positif mais ajoutera en réalité une nouvelle source de confusion pour les investisseurs finaux. Si un gérant d’actifs veut classifier un fonds selon l’article 8, mais a peu d’arguments concrets à faire valoir en termes d’intégration de facteurs ESG ou de processus d’investissement durable, ce gérant pourra sans doute aller plus vite en choisissant un indice de ce type et en effectuant son reporting sur cette base. La législation est formulée pour les gérants qui souhaitent le faire ainsi que pour ceux qui adoptent une approche plus personnalisée.  

Le problème avec les indices ESG réside dans la difficulté à définir
des paramètres ESG sans en subir des conséquences inattendues.

Les indices de référence obligataires sont généralement créés autour de pays, secteurs, échéances et notations. Tous suscitent relativement peu de controverse, y compris en termes de notation car les évaluations des trois principales agences de rating tendent à être fortement corrélées entre elles. Ce n’est pas le cas des cinq grands fournisseurs de notations ESG, qui présentent une corrélation moyenne de 60%. Le problème avec les indices de référence ESG réside donc dans la difficulté à définir des paramètres ESG sans en subir des conséquences inattendues. A titre d’exemple, le constructeur automobile Tesla peut-il être inclus dans un indice de référence ESG parce qu’il produit des voitures électriques, ou au contraire ne peut-il pas y figurer en raison des problèmes de gouvernance et de cycle de vie des composants de ses batteries? Le marché aura des réponses diverses à cette question, de sorte que l’investisseur choisissant un fonds qui réplique un certain indice de référence ESG risque d’être déçu d’apprendre que l’interprétation de cet indice ne correspond pas tout à fait à la sienne.  

Ne pas s’arrêter aux étiquettes 

Il reste de nombreux aspects du SFDR à discuter et le marché devrait avoir besoin d’un certain temps pour s’y adapter pleinement. Mais comme nous l’avons déjà souligné à de nombreuses reprises, les investisseurs qui veulent vraiment comprendre les objectifs ESG ou de durabilité d’une entreprise ou d’un fonds, et la manière dont ils comptent les atteindre, devraient être encouragés à faire des recherches approfondies plutôt qu’à se contenter des étiquettes. Le monde de l’ESG et de l’investissement durable est en constante évolution et ne se réduit pas à un simple exercice de cases à cocher. Il serait par conséquent dommage que les participants au marché commencent à accorder trop d’importance aux labels en tous genres.

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