L’ère du minéral: durable ou non?

Katejan Czyz, Baillie Gifford

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L’innovation dans le secteur de l’exploitation minière permet d’en améliorer sensiblement la durabilité et la rentabilité.

Alors que le monde passe d’une économie fortement consommatrice de combustibles fossiles à une économie axée sur les énergies renouvelables, les minéraux jouent un rôle essentiel, qu’ils soient utilisés pour les éoliennes ou les batteries de véhicules électriques. Or, l’exploitation minière est gourmande en ressources, ce qui pose plusieurs questions. Peut-on entrer dans l’ère du minéral sans se salir les mains? Existe-t-il un moyen de devenir un mineur durable?
Le recyclage est souvent considéré comme une manière de réduire l’exploitation minière et certains minéraux essentiels pour la transition énergétique présentent déjà des taux de recyclage élevés, de l’ordre de 75% pour l’aluminium et parfois jusqu’à 80% pour le cuivre. Cela n’est malheureusement pas suffisant. On estime en effet que si tout ce que l’humanité a produit jusqu’à présent était recyclé, la quantité de minéraux ainsi obtenue devrait encore être multipliée par dix pour satisfaire à la demande. L’activité d’extraction reste donc incontournable.

Une innovation doublement pertinente

Jusqu’à présent, cette activité a toujours été dangereuse, très polluante et nocive pour l’environnement. Fort heureusement, l’innovation dans le secteur minier s’est accélérée ces dix dernières années et elle a abouti à des solutions qui présentent le double avantage de pouvoir réduire les risques environnementaux et sociétaux et d’améliorer les perspectives économiques du secteur sur le long terme.

Avec la baisse du prix des énergies renouvelables, les investissements des entreprises de l’industrie minière dans la transition vers des énergies plus propres deviennent plus faciles à justifier puisqu’ils permettent de réduire simultanément les coûts et les émissions.  Antofagasta, entreprise minière chilienne spécialisée dans le cuivre, en est un bon exemple.

Les entreprises qui se préoccupent des impacts négatifs de leur activité verront non seulement leur sécurité s’améliorer et leurs coûts d’exploitation diminuer, mais elles seront également bien placées pour devenir des fournisseurs privilégiés.

Alors que sa principale source d’approvisionnement en électricité était le charbon, elle est entièrement passée aux énergies renouvelables en 2022, ce qui lui a permis de réduire son intensité carbone* de 40%. Sachant que l’électricité représente une part importante de ses coûts d’exploitation, la transition vers le renouvelable lui est profitable à double titre. D’une part, elle réduit son impact environnemental et de l’autre, elle améliore sa rentabilité puisque l’énergie renouvelable est moins chère. C’est donc une bonne nouvelle pour les investisseurs.

La propreté, un avantage compétitif

Par ailleurs, les investissements consentis aujourd’hui par Antofagasta devraient lui permettre de se démarquer de ses concurrents, un phénomène exceptionnel dans l’industrie minière. La clientèle devenant de plus en plus attentive aux émissions générées tout au long des chaînes d’approvisionnement, elle est susceptible de donner sa préférence aux fournisseurs de matières premières les plus «propres».

Albemarle, producteur de lithium, en est un bon exemple. Détenant des actions de cette entreprise dans nos portefeuilles, nous l’avons encouragée à demander un audit indépendant de ses mines auprès de l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA). Résultat, l’entreprise a pu annoncer la conclusion d’un nouveau contrat avec Ford, le constructeur automobile, contrat stipulant que le lithium fourni proviendrait de mines accréditées par l’IRMA.

Des solutions à la problématique de l’eau

Mais il reste encore beaucoup à faire. En effet, dans un contexte d’inquiétude croissante vis-à-vis de de la biodiversité, il s’avère qu’un tiers des minéraux nécessaires à assurer la transition énergétique se trouvent dans des zones de haute valeur écologique. Par ailleurs, la préservation de l’eau est également un domaine critique dont les entreprises minières se soucient, et de nouvelles technologies permettent de réduire la consommation d’eau et d’améliorer la sécurité dans les mines.

L’extraction de lithium pour laquelle on recourt traditionnellement à l’eau douce a été accusée de provoquer des pénuries. Pour résoudre ce problème, des entreprises comme Antofagasta investissent massivement dans des projets de dessalement de l’eau de mer, ce qui leur permet d’utiliser cette dernière plutôt que l’eau douce dans leurs usines existantes. Pour les nouvelles constructions, des installations plus modernes peuvent être mises en place qui permettent d’utiliser directement l’eau de mer, sans passer par un processus de dessalement très énergivore.

Aux investisseurs de soutenir les innovateurs

En conclusion, on peut affirmer que l’industrie minière a déjà fait des progrès considérables dans son chemin vers une industrie s’appuyant sur les énergies renouvelables, dans laquelle la sécurité au travail est élevée et qui respecte l’environnement. Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir. Et c’est aux investisseurs axés sur le long terme qu’il incombe d’identifier les entreprises dont les progrès sont significatifs et de les soutenir dans leur démarche d’investissement dans les nouvelles technologies.

Les entreprises qui se préoccupent des impacts négatifs de leur activité verront non seulement leur sécurité s’améliorer et leurs coûts d’exploitation diminuer, mais elles seront également bien placées pour devenir des fournisseurs privilégiés. Au sein d’un secteur minier qui se retrouve de plus en plus en point de mire, les investissements qui visent à améliorer la qualité des opérations d’extraction seront générateurs de dividendes sur le long terme.

 

* Rapport des émissions de CO2 à la production de l’entreprise (source : INSEE)

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