Produire du fonds article 9 pour mieux vendre de l’impact aux investisseurs est sans aucun intérêt. Il en va de même pour les belles promesses et les objectifs à long terme mal définis qui font le lit de l’écoblanchiment. Une approche d’impact digne de ce nom se doit de partir de l’analyse critique des entreprises. Par exemple, même si certaines grandes compagnies pétrolières affirment qu’elles ont l’intention d’arriver au net zéro à l’avenir, bon nombre d’investisseurs estiment qu’elles n’ont pas leur place dans un fonds d’impact, un avis que nous partageons.

De la parole aux actes

Libérés des indices de référence et de contraintes d’intensité carbone qui sont des mesures très incomplètes, nous axons notre approche sur l’étude des caractéristiques propres à chaque entreprise. Ceci permet d’identifier et de sélectionner celles qui sont capables de passer de la parole aux actes. Autrement dit, cela signifie investir dans des entreprises qui font la différence avec leurs produits ou leurs services, et ce de manière directe et tangible. De plus, pour s’assurer que les intérêts de toutes les parties prenantes sont bien alignés, les décisions s’appuient sur les trois piliers que constituent les personnes, la planète et la prospérité. Ces piliers sont déclinés dans les thèmes d’impact qui constituent l’épine dorsale du processus de sélection.
Le devoir fiduciaire du gérant est double: produire de bons résultats tant sur le plan des performances que sur celui de l’impact. Cette approche se situe à l’intersection du diagramme de Venn, le lieu où la finance «intelligente» rencontre le véritable impact social et environnemental. Prenons quelques exemples concrets:

Le devoir fiduciaire du gérant est double: produire de bons résultats tant sur le plan des performances que sur celui de l’impact. 

Impact sur l’apprentissage

L’entreprise Duolingo doit son succès à une recette assez simple: enseigner gratuitement les langues, rapidement et en s’amusant. Cette application a été plébiscitée par quelque 80 millions d’apprentis polyglottes. L’un des produits moins connus de l’entreprise est son test d’anglais en ligne, le Duolingo English Test (DET). Ce test de compétence linguistique aboutit à un certificat largement reconnu, notamment par les universités. Facile d’accès et pratique, il a été utilisé par quelques 100'000 étudiants dans le cadre de leurs processus d’inscription à l’université. 

Sur le plan des fondamentaux, Duolingo affiche un cash-flow positif depuis 2020. Et, après avoir investi durant des années dans la recherche et le développement, l’entreprise dont l’emblème est une petite chouette verte commence tout juste à être bénéficiaire. Cependant, grâce à un nouvel abonnement intégrant des fonctionnalités d’intelligence artificielle ainsi que de nouvelles fonctionnalités comme l’apprentissage des mathématiques et de la musique, son action possède encore une belle marge de progression.

Energie, forêts, déchets: les champions

Dans le secteur des énergies propres, Acconia Energia est une valeur qui sort du lot. Cette entreprise, qui est le plus gros opérateur mondial à se consacrer exclusivement aux énergies propres, dispose d’une puissance installée de production d’énergie de 13,5 GW. Cette production est répartie entre l’éolien (69%), le photovoltaïque (22%) et l’hydroélectrique (6%), le solde allant à la biomasse, à l’énergie solaire thermique et aux solutions de stockage de l’énergie. En outre, Acciona figure en tête du classement des 100 opérateurs en nouvelles énergies les plus verts au monde depuis 2015.  
Une autre action intéressante est celle de Weyerhauser Company, le plus grand propriétaire privé de terrains forestiers aux États-Unis (son domaine a une superficie équivalente à celle de l’Irlande). Pour une stratégie dédiée à l’impact, il peut sembler contre-intuitif d’investir dans la sylviculture. Pourtant le bois est un matériau de construction propre et les écosystèmes forestiers constituent le deuxième plus grand puits de carbone de la planète après les océans. 

Par ailleurs, l’entreprise certifie chacune des fibres de bois qu’elle commercialise et pour chaque arbre coupé, elle en replante un autre. Bien que l’activité de Weyerhauser soit cyclique par définition, le marché n’intègre pas dans les cours le potentiel de croissance de son nouveau segment d’activité consacré aux solutions climat naturelles. En effet, l’entreprise a opté pour une stratégie qui a pour objectif de valoriser davantage chaque parcelle de terre cultivée en participant au marché émergent des crédits carbone ou en proposant des terrains en leasing en vue de produire des énergies renouvelables (éolienne ou solaire) ou de séquestrer du carbone.

De la velléité à l’efficacité

Enfin, du côté des titres à taux fixes, citons Séché Environnement, leader en France dans la gestion des déchets dangereux. Cette entreprise ne se satisfait pas des traitements traditionnels, elle innove en faveur de solutions respectueuses de l’environnement et qui consistent notamment à convertir en énergie le méthane provenant des décharges. Ceci permet de fournir de l’énergie aux communautés environnantes tout en réduisant l’impact environnemental des déchets. Par ailleurs, l’approche proactive de Séché en matière de dépollution de sites et de traitement des effluents industriels lui confère un statut de leader en matière de pratiques durables pour le traitement des déchets.

Toutes les entreprises présentées ci-dessus sont susceptibles d’être intégrées dans des stratégies d’impact parce qu’elles font preuve d’un véritable engagement en faveur de la durabilité. Elles sont porteuses du changement en faveur d’un meilleur avenir pour l’environnement et pour la société dans sa globalité. En abordant l’impact au travers d’entreprises de ce type, l’investisseur franchit véritablement une étape: il va de la passivité à la proactivité, de la velléité à l’efficacité sur le plan de l’impact de ses investissements. Autrement dit, il se donne les moyens d’arriver à produire un réel changement tout en générant des performances qui sont tout aussi réelles.