Il sera difficile pour la Fed de descendre en dessous de 4%

Yves Hulmann

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Selon Vanguard, la Réserve fédérale n’aura que peu de marge de manœuvre pour abaisser son taux directeur à moins de 3,75%-4% afin d’éviter tout risque de reprise de l’inflation.

©Keystone

 

Le contraste entre la croissance attendue des deux côtés de l’Atlantique pourrait être encore plus marquée en 2025 qu’au cours de l’année qui s’achève. Si la progression du PIB aux Etats-Unis devrait ralentir à 2,1% l’an prochain, en deçà de sa tendance de long terme estimée à 2,7%, la croissance dans la zone euro, attendue à 0,5% en 2025, n’atteindra, elle, pas même la moitié de sa tendance de long terme située à 1,2%. «Les Etats-Unis seront plus chanceux, l’Europe le sera moins en 2025», a résumé Jumana Saleheen, Chief European Economist, qui s’exprimait l’occasion de la présentation à la mi-décembre des prévisions économiques et de marché de Vanguard pour 2025. Parmi les facteurs à l’origine de la faible croissance attendue en Europe, l’économiste cite tour à tour la faiblesse de la demande externe, en particulier celle en provenance de Chine, ainsi que le bas niveau de l’activité manufacturière, surtout en Allemagne, à quoi s’ajoute une augmentation de l’incertitude sur le plan politique.

La hausse de la productivité à l’origine de l’«exceptionalisme» américain

Comment expliquer la solidité de l’économie américaine alors qu’il y a un an à la même période, nombre d’économistes n’excluaient pas une récession outre-Atlantique en 2024? D’où vient l’«exceptionalisme» de l’économie américaine? Celle-ci a-t-elle réussi son atterrissage en douceur? Ou est-ce que l’impact de taux d’intérêt plus élevés depuis plus d’un an pourrait-il quand même finir par provoquer un «hard landing»? Pour les économistes de Vanguard, la question de l’atterrissage de l’économie américaine ne permet pas d’expliquer à elle seule la combinaison entre une croissance exceptionnellement forte et le recul de l’inflation observé aux Etats-Unis. L'explication est alors à chercher plutôt du côté des forces en présence du côté de l’offre, en particulier la forte hausse de la productivité du travail et de la main d'œuvre disponible. «L’économie américaine a profité d’un bond de la productivité qui lui a permis d’éviter un hard landing», analyse Joseph Davis, Chief Global Economist.

Ce mercredi, une baisse de taux de 25 points de base aux Etats-Unis est attendue par la plupart des prévisionnistes.

Selon lui, la Fed va continuer d’abaisser ses taux mais seulement jusqu’au niveau exact qui est nécessaire pour rester «neutre», soit un taux qui est estimé à 3,5% pour les Etats-Unis et entre 2 et 2,5% concernant la zone euro.

En 2025, la mise en œuvre des mesures en matière d’application des droits de douane ainsi que des règles plus strictes en matière d’immigration pourraient contrebalancer les gains obtenus dans d’autres domaines et augmenter les pressions inflationnistes. Dans un tel scénario, la croissance réelle du PIB américain va ralentir, passant de son niveau de près de 3% actuellement à un niveau proche de 2%. L'inflation sous-jacente («core inflation») devrait ainsi se maintenir à plus de 2,5%.

Dans ce contexte, la Fed va certes continuer d’abaisser son taux directeur à 4% - en revanche, réduire ses taux au-delà de ce seuil pourrait s’avérer difficile du fait que tout affaiblissement de la croissance devra être mis en balance avec une résurgence potentielle de l’inflation, observe Vanguard. «La Fed ne va pas aller au-delà de la fourchette de 3,75 à 4%. Il serait difficile pour la Réserve fédéral d’aller plus bas que ce niveau», a renchérit Roger Aliaga-Diaz, Chief Américain Economist.

Ce mercredi, une baisse de taux de 25 points de base aux Etats-Unis est attendue par la plupart des prévisionnistes. Cela ramènerait le taux des Fed Funds dans une fourchette de 4,25 à 4,50%.

Taux: la BCE frappera plus fort en 2025

Du côté de la zone euro, la croissance devrait rester en dessous de sa tendance de long terme estimée à 1,2%. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) devrait abaisser ses taux d’intérêt en-dessous de la neutralité, en les ramenant à 1,75% d’ici à fin 2025, comparé à 3% en fin d’année 2024. «Les perspectives sont plus négatives, il y a davantage de réduction de taux à attendre du côté de la BCE», estime Jumana Saleheen.

Prudence envers les actions américaines

Qu’est-ce que cela signifie en matière de placements? Vanguard maintient son opinion selon lequel les taux directeurs se situeront à des niveaux plus élevés que durant les années 2010. Cet environnement jette les bases pour des rendements solides pour les rendements à attendre concernant les produits à revenu fixe durant la décennie à venir.

En revanche, le gérant d’actifs se montre plus prudent en ce qui concerne les marchés des actions. Si les actions américaines ont généré des rendements élevés au cours des dernières années, y compris en 2024, la question de savoir ce qui se passera ensuite reste ouverte. Vanguard juge les valorisations des actions aux Etats-Unis comme élevées mais pas aussi exagérées que ce que les critères d’évaluation traditionnels pourraient impliquer. «La vraisemblance que nous trouvions au milieu d’un boom de productivité à même de soutenir les valorisations, semblable au milieu des années 1990, doit être mis en balance avec la possibilité que l’environnement actuel puisse être davantage similaire à celui de 1999», met en perspective Vanguard. Dans le second scénario, une évolution économique négative pourrait mettre en lumière la vulnérabilité des valorisations actuelles du marché des actions, prévient le gérant d'actifs.

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