Après une année record, la croissance des ETF se poursuivra en 2025

Emmanuel Garessus

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Les afflux de fonds en Europe ont dépassé les 200 milliards. Roger Bootz, de Vanguard, montre pourquoi l’intérêt porte sur les «Core ETF» et les ETF actifs. Il décrit les dernières tendances.

© Philip Boeni

 

Le marché des ETF poursuit sa croissance. En Europe, l’afflux de fonds en ETF a établi un nouveau record et franchi la barre des 200 milliards de dollars. A la fin octobre, Vanguard est le quatrième plus grand émetteur européen en termes d’actifs sous gestion avec une part de marché de 7,1%. Roger Bootz, Head of Switzerland and Liechtenstein de Vanguard, répond aux questions d’Allnews:

Le marché des ETF est-il en train de battre son record de volume en 2024?

Oui, je le crois. Les afflux de fonds ont atteint 29,9 milliards de dollars en octobre en Europe, ce qui en fait le meilleur mois de cette année. La barre des 200 milliards a été franchie pour l’ensemble des fonds récoltés depuis le début de l’année à 213,4 milliards. Les fonds en actions attirent le plus d’intérêt de la part des investisseurs (+72%). L’essentiel de la demande se concentre sur les «Core ETF» et sur l’exposition aux actions américaines. 
En octobre, les afflux s’élèvent à 23,9 milliards en actions et 6 milliards en obligations, soit au total 29,9 milliards. 

Dans les obligations, la majeure partie des flux de fonds provient des obligations souveraines tandis que 2 milliards ont été investis en obligations à haut rendement et 1,5 milliard en ETF obligataires avec des échéances très réduites (0 à 1 an).

L’essentiel de l’intérêt porte donc sur les «Core ETF». Pouvez-vous préciser de quel type d’ETF il s’agit?

Le «Core ETF» est un ETF qui représente au mieux un marché au sens large. Dans les actions, il s’agit par exemple de l’indice S&P 500 pour les actions américaines. Un ETF qui n’appartient pas aux «Core ETF» serait par exemple un ETF sectoriel ou un ETF thématique. L’analyse des flux de fonds révèle que les investisseurs préfèrent les «Core ETF».

Les investisseurs continuent-ils de préférer les actions aux obligations?

Oui. Les statistiques d’afflux de fonds depuis le début de l’année confirment cette tendance. Environ 72% de l’afflux de fonds de cette année proviennent des ETF en actions.

«Environ 72% de l’afflux de fonds de cette année proviennent des ETF en actions». 

Est-ce que cela montre qu’une stratégie qui vise un portefeuille 60/40 n’existe qu’en théorie?

Si l’on considère l’environnement des taux d’intérêt, ou les perspectives des marchés obligataires selon Vanguard, nous pouvons en déduire que la part des ETF obligataires devrait s’accroître.

Est-ce que cela signifie qu’il existe un retard entre le sommet des taux et l’investissement obligataire?

Je ne parlerais pas d’un retard. Il est possible d’investir directement en actions et en obligations. L’ETF en tant qu’instrument est historiquement né du marché des actions. C’est en raison de l’environnement de taux que les préférences ont été accordés aux ETF en actions plutôt qu’aux obligations. Mais aujourd’hui, sur les base du niveau des taux, nous pouvons anticiper un plus grand attrait pour les ETF obligataires. 

Les investisseurs privilégient la recherche d’un meilleur rendement. Cela incite d’une part à investir en obligations et d’autre part à acheter du High Yield. 

Sur le plan tactique, la demande privilégie la qualité, dans un contexte de grande incertitude, par exemple sous la forme d’obligations souveraines. Le ralentissement conjoncturel traversé par l’Europe devrait conduire à une baisse des taux d’intérêt donc à une appréciation des cours des obligations souveraines.

Les deux champions de l’année 2024 sont les «Core ETF» et les ETF actifs. Comment pouvez-vous expliquer le succès de ces derniers?

Vanguard n’offre pas d’ETF actifs en Europe aujourd’hui. Du point de vue de l’investisseur, il est essentiel de bien comprendre un produit et la stratégie d’un instrument. Nous observons toutefois que la grande partie de l’afflux de fonds en ETF porte sur les ETF passifs classiques et non pas sur les ETF actifs.

Est-ce que les ETF actifs présentent une surperformance par rapport à leur indice de référence?

La société Morningstar a publié une étude à ce sujet, mais, comme indiqué, nous n’avons pas ce type de produits.

Quelles sont les déceptions de l’année dans le monde des ETF? Est-ce qu’il s’agit des ETF thématiques, sur les marchés émergents?

En ce qui concerne les marchés émergents, nous n’avons pas constaté d’afflux significatif ces derniers mois. La valorisation joue un rôle, tout comme l’incertitude sur les conséquences de la dernière élection présidentielle américaine.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris sur le marché des ETF?

L’image renvoyée par les statistiques des afflux de fonds en ETF montre que les investisseurs continuent de privilégier les «Core ETF» qui reproduisent largement l’évolution d’un marché (actions ou obligations).

Quelle est la part d’ETF dans un portefeuille en cette fin 2024?

Nous ne disposons pas d’étude à ce sujet. Mais une étude réalisée par l’Université de Lucerne, Vanguard et l’Association des gérants de fortune indépendants (ASG) révèle l’allocation de ces derniers par rapport à l’année 2023 et les instruments utilisés pour mettre en oeuvre cette allocation. Elle montre que les gérants investissent directement en actions suisses et en obligations suisses, européennes et américaines, mais qu'ils investissent avec des ETF dans les autres régions et le High Yield. Dans l’ensemble, la tendance privilégie les investissements directs, selon cette étude. Entre l’investissement actif ou passif, la préférence accordée par les gérants indépendants va à la gestion passive.

La meilleure performance en 2024 provient de la Big Tech. Pourtant est-ce qu’un «Core ETF» existe sur ce segment?

Non, il ne s’agirait pas d’un «Core ETF».

«Il est possible d’être diversifié globalement à l’aide d’un portefeuille réduit à deux seuls produits».

Est-ce que l’emploi des ETF est fonction des circonstances de marché? Est-ce que par exemple lors de la correction de cet été l’emploi des ETF s’est accru?

L’avantage des ETF réside dans leur emploi à tout moment de la journée. Du point de vue de Vanguard, un événement tel qu’une élection présidentielle américaine n’a pas beaucoup d’influence sur la performance à long terme d’un portefeuille. Nous répétons inlassablement que l’investisseur doit rester investi et que le market timing est compliqué. Il est préférable de rester concentré sur sa stratégie.

Il en va de même après la victoire de Donald Trump?

Les rendements peuvent changer à court terme. Des élections peuvent avoir une influence à court terme sur les classes d’actifs, mais nous préférons nous concentrer sur le long terme. Nous distinguons entre les bruits à court terme et le rendement à long terme.

Qu’en est-il du profil de risque des ETF dans un environnement incertain? Est-ce que la réplication physique perd du terrain par rapport à la réplication synthétique?

Vanguard  offre uniquement des ETF avec réplication physique et aucun ETF avec une réplication basée sur les swaps. Le choix dépend des préférences de l’investisseur. Mais nos discussions avec les investisseurs soulignent une préférence en faveur de la réplication physique.

Vanguard n’a pas d’ETF sur les matières premières. Pourtant l’or est en nette hausse, non?

Effectivement, Vanguard n’a pas d’ETF sur les matières premières, par exemple sur l’or. Je constate qu’il existe des sorties significatives des ETF dans ce domaine. Cela peut venir du fait que le métal jaune est à un niveau record.

L’intérêt pour les ETF qui respectent les critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG) semble diminuer. Quelle est votre analyse?

L’analyse des flux de fonds en ETF en octobre révèle des afflux de 4,8 milliards de dollars en Europe, ce qui représente 16% de l’ensemble des afflux de fonds. Cette part de marché n’est pas dérisoire. L’étude mentionnée sur les gérants de fortune indépendants, avec l’Université de Lucerne et le VSV montre que  32% des gérants indépendants n’emploient aucun critère ESG dans leur processus d’investissement en 2024, 48% les utilisent sur demande des investisseurs et 20% les emploient systématiquement. Ces derniers étaient 25% en 2023. La tendance à l’emploi systématique des critères ESG a donc diminué en un an.

En 2022, ils étaient 25% à reprendre les critères ESG sur demande, 20% les utilisaient toujours et 25% jamais.  

Quelles sont vos attentes pour 2025?

La croissance des ETF devrait se poursuivre en 2025, non seulement sous l’effet d’une demande croissante des investisseurs institutionnels, des banques et des gérants indépendants, mais aussi de la demande des investisseurs privés, en particulier grâce aux plans d’épargne avec des ETF. Même en Suisse, l’intérêt pour ces derniers produits nous semble prometteur.

Cette année, la performance a été très concentrée sur quelques actions. La philosophie proposée par Vanguard, qui fait appel à une large diversification et au long terme, est-elle plus difficile à mettre en oeuvre?

Notre réponse consiste à proposer aux gérants des modèles de portefeuilles qui comprennent des obligations et des actions et, au sein de ses dernières, une répartition entre les différentes régions. 

Il est possible d’être diversifié globalement à l’aide d’un portefeuille réduit à deux seuls produits, un ETF en actions largement diversifié comprenant aussi bien les pays industrialisés que les marchés émergents et un ETF sur les obligations globales comme l’indice Bloomberg Global Aggregate, lequel comprend 30'000 titres. 

Nous pensons qu’il est compliqué d’effectuer un bon timing des tendances de marché et de sélectionner les actions qui présenteront la meilleure performance. John Bogle, le fondateur de Vanguard, exprimait ainsi sa devise: au lieu de chercher l’aiguille dans une botte de foin, mieux vaux acheter l’ensemble du foin.

John Bogle l’avait écrit à l’époque de la globalisation. L’environnement est plus fragmenté. Est-ce que cela conduit à une autre répartition?

Nous pensons que la philosophie et la stratégie de John Bogle reste actuelle et la plus appropriée.

Est-ce que le marché suisse des ETF présente des particularités?

Les statistiques de la bourse suisse montrent que le négoce d’ETF est très proche en Suisse de celui du reste de l’Europe, à une exception près: Il existe en Suisse des ETF sur des métaux comme l’or, l’argent et la platine. 

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