Habemus Papam

Thomas Planell, DNCA

1 minute de lecture

L'ascension du Quirinal est à la politique italienne ce que la fumée blanche est au conclave du Vatican.

Les marchés se sont réjouis de voir Mario Draghi gravir les hauteurs que domine finalement le Palais présidentiel où l'attendait Sergio Mattarella. Sauveur de l'Euro, annonciateur de l'expansionnisme monétaire, récemment nommé Directeur de l'Académie des sciences sociales du Vatican par le Pape en personne, l'ancien président de la BCE revêt aux yeux des investisseurs les attributs d'une figure quasiment pontificale. La Bourse de Milan s'est adjugée 3% le jour même, l'écart entre le rendement du Bund et du BTP s'est contracté de près de 10%. Mais tel l'arpenteur du Château de Kafka, le nouveau Premier ministre devra composer avec une bureaucratie et une organisation politique bien plus tortueuses qu'à Francfort. Les eaux du Tibre sont plus tumultueuses que l'onde tranquille du Main:  depuis 1993, l’Italie a connu douze Premiers ministres. A Rome, la moindre inadvertance peut suffire à défaire une coalition, sceller le sort du chef du gouvernement et mettre en péril les politiques de réformes ou de relance dont le pays a tant besoin. Si l'état de grâce de Mario Draghi ne fait que commencer, celui d'Ursula von der Leyen s'achève.

L'ancien président de la BCE revêt aux yeux des investisseurs
les attributs d'une figure quasiment pontificale.

La lutte contre la pandémie a franchi une étape symbolique: il y a désormais autant de personnes vaccinées que contaminées dans le monde. Mais le programme de vaccination de la Commission Européenne accuse du retard. Sur cent personnes, quinze sont vaccinées au Royaume-Uni, huit aux Etats-Unis, et moins de trois en Europe. Traditionnellement, l'essentiel de la compétence en matière de santé relève des Etats membres européens. Afin d'éviter qu'un pays ne s'adjuge plus de vaccins qu'un autre, le projet de vaccination de près de 450 millions d'habitants a été délégué à la Commission, novice en la matière. Cette intention louable a malheureusement débouché sur des négociations hasardeuses et surtout beaucoup trop longues avec les laboratoires. AstraZeneca ne peut ainsi porter tout le blâme de l'échec à satisfaire les échéances de la Commission. Surtout, la réaction disproportionnée de la Présidente est indigne de l’engagement historique de l’Union en matière de respect du droit commercial international. En proposant de bloquer les exportations de vaccins produits en Europe, Ursula von der Leyen emprunte davantage à l’ire d’un Trump qu’aux vertus d’un leader magnanime. En menaçant d’opérer des contrôles en Irlande du Nord, elle active ce que l’accord du Brexit considère comme une «arme nucléaire».

Enfin, en citant maladroitement le principe «d’infaillibilité du pape» pendant son mea culpa, son porte-parole n’a pas contribué à calmer les tensions qui ressurgissent entre Protestants et Catholiques depuis le retour de la frontière. Heureusement, il est encore trop tôt pour annoncer l’échec du programme de vaccination. D’ici juin l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne pourraient afficher un taux de vaccination de 50% (1ère dose), suivies par la France en juillet. Cependant, l’écart se creuse avec le Royaume-Uni qui devrait atteindre ce palier en avril.

Profitant d’un retour généralisé de l’appétit pour le risque, les marchés européens ne semblent pas pour l’instant se préoccuper des résultats de cette course contre la montre. Mais les déboires et tergiversations regrettables de la Commission font déjà le jeu des partis européens nationalistes…

A lire aussi...