Guerre commerciale Chine-USA: le luxe va-t-il y laisser des plumes?

Raffi Balyozyan, Genthod Global WM & Marie-Caroline Fonta, Notz Stucki

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Depuis mai, le segment perd quelques couleurs. Le doute monte chez les investisseurs qui prennent des profits.

Le luxe, par opposition à la stricte nécessité, est un terme chargé d’histoire aux multiples superlatifs qui peut prendre des formes bien diverses. Le secteur affiche une croissance proche de 5% et des valorisations non excessives sur les niveaux de fin 2016 (niveaux atteints notamment en raison de la lutte anticorruption). Les entreprises dans ce domaine offrent de bons fondamentaux, peu de dette, un fort pricing power, un momentum favorable ainsi qu’une prime par rapport aux actions mondiales historiquement faible (7%). Les gros mastodontes européens du luxe ont eu un joli parcours boursier depuis le début de l’année et ont démontré une belle résistance au mois de décembre dernier, perdant moins que le marché. Depuis mai le luxe laisse derrière lui quelques plumes, le doute monte chez les investisseurs qui prennent des profits et suivent avec crainte la guerre commerciale qui sévit entre les Etats-Unis et la Chine. 

Les consommateurs chinois qui représentent un tiers des consommateurs
du luxe trouveront de bonnes affaires en Europe.

Si nous regardons d’un peu plus prêt, cette guerre commerciale implique un tarif douanier supplémentaire pour les produits Chinois arrivant aux Etats-Unis. L’impact devrait cependant rester limité, le luxe étant encore très peu exporté depuis la Chine. En revanche, en représailles les articles de luxe américains pourraient être touchés (Tiffany, Coach, Stuart Weitzman). Toutefois, rappelons qu’aujourd’hui le luxe a une empreinte à forte dominance européenne et que les consommateurs chinois qui représentent un tiers des consommateurs du luxe trouveront de bonnes affaires en Europe. Une conséquence frontale de cette guerre commerciale pourrait être une diminution de la richesse chinoise. Fort heureusement, la Chine dispose aujourd’hui de débouchés commerciaux importants dans le monde entier, ce qui devrait diminuer le possible ralentissement sur la croissance de sa richesse. Le gouvernement chinois stimule la consommation high-end locale, il a réduit les taxes d’importation sur des biens de consommations, une surveillance accrue aux douanes est née et des difficultés sont encourues par les touristes Chinois pour se rendre aux Etats-Unis. Ainsi, les marques de luxe ont déjà anticipées que les consommateurs chinois seront moins enclins à voyager à l’avenir pour effectuer des achats de luxe. Ces derniers mois, les gros groupes Français LVMH, Kering ainsi qu’Hermès ont misé sur la demande chinoise locale, ces sociétés viennent de baisser les prix de leurs articles d’environ 3% pour refléter la réduction de la TVA par le gouvernement Chinois, la profitabilité des compagnies ne devrait pas en être impactée. 

On remarque de plus en plus d’investissement
dans le marketing digital, les plateformes et les réseaux sociaux.

Nous évoquions l’anticipation de ces maisons mais elles s’adaptent également très vite notamment aux habitudes de consommation. Les consommateurs du luxe sont de plus en plus jeunes, les milléniales représenteront 45% du marché du Luxe en 2025 et 100% de la croissance l’année dernière vient des générations Y et Z. Nous connaissons l’appétence de ces générations pour le smartphone et les réseaux sociaux.  Les grands groupes ont plus de moyens à leur disposition pour investir dans ces derniers et ainsi influencer le consommateur final, ils devraient en ressortir grands vainqueurs. De manière générale les nouvelles technologies ont un caractère disruptif et on remarque de plus en plus d’investissement dans le marketing digital, les plateformes et les réseaux sociaux. Le digital devrait continuer avec une croissance non négligeable pour atteindre 25% des ventes à horizon 2025 et devenir le premier canal de distribution exæquo avec les magasins monomarque. 

Certains articles comme les sacs et les montres
sont perçus comme des valeurs sures, de réels investissements.

Investir dans le luxe, c’est être conscient de louvoyer entre trois catégories de luxe. En fonction de leur gamme de prix, du luxe accessible au luxe absolu en passant par le luxe aspirationnel qui est lui plus porté sur l’émotion. Historiquement, le luxe absolu (exemple Hermès) a tendance à mieux résister en période de retournement des marchés. La catégorie haut de gamme du secteur automobile (les marques aux éditions limitées telles que Ferrari, Aston Martin, Lamborghini, Maserati) résiste nettement mieux aux chocs économiques que le segment premium (BMW, Mercedes). Les voitures de collection ont d’ailleurs vu leur côte flamber lors de la dernière décennie et la tendance devrait continuer. Sur un autre plan, l’émergence des sites de seconde main d’articles de luxe comme Farfetch, Watchfinder, The Real Real, ou encore Vestiaire Collective permettent aux consommateurs de suivre en temps réel l’évolution des prix. Ainsi, certains articles comme les sacs et les montres sont perçus comme des valeurs sures, de réels investissements, le prix de revente étant proche voir supérieur au prix en boutique. Les cosmétiques avec leur investissement dans le e-commerce devrait aussi tirer leur épingle du jeu tout comme le luxe expérientiel. Le sous-secteur des hôtels et des croisières est en pleine ébullition et aidera à capturer les dépenses de luxe asiatiques, tout en atténuant les inquiétudes concernant le rapatriement des acheteurs chinois en Chine.

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