Guerre commerciale avec les Etats-Unis: une opportunité pour Pékin, un risque pour Trump

Thomas Fischli-Rutz, Fisch Asset Management

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Le temps joue en faveur de la Chine. Elle devrait saisir l’occasion pour passer à un modèle de croissance axé sur la consommation.

Les fronts se durcissent dans la guerre commerciale entre les etats-Unis et la Chine. Mais la Chine utilise la crise de manière stratégique, en renforçant son marché intérieur, en cherchant de nouvelles alliances et en investissant dans la promotion de la consommation. Trump, en revanche, est sous pression sur le plan intérieur. Le temps joue en faveur de la Chine.

Droits de douane, contre-droits de douane et durcissement des positions de part et d'autre, sans perspective d'amélioration prochaine: voilà où en sont les relations entre les Etats-Unis et la Chine. Le président américain Donald Trump a fait trembler les marchés, mais quelle est l'ampleur réelle des dégâts? Pour la Chine en tout cas, ils ne sont pas aussi importants qu'on pourrait le croire. Car même si certains pays ont déjà annoncé des discussions avec les Etats-Unis, le gouvernement chinois ne semble pas intéressé par des négociations.

Il y a deux raisons à cela. La première, et il ne faut pas la sous-estimer, est le risque pour le gouvernement chinois de perdre la face s’il cédait à la pression des Etats-Unis. Dans la lutte pour la suprématie mondiale, le simple fait d'entamer des négociations avec les Etats-Unis signifierait déjà un revers cuisant pour la Chine. Mais l'autre raison pour laquelle le pays ne semble pas intéressé par des négociations – et impose même des droits de douane massifs sur les marchandises en provenance des Etats-Unis – est d'ordre économique. Alors que les Etats-Unis ont beaucoup à perdre, la Chine a beaucoup à gagner, notamment parce que la part des exportations chinoises à destination des Etats-Unis n'est que de 15%.

La Chine pourrait aussi combler un vide, en particulier là où les Etats-Unis se détournent des pays émergents. Le dirigeant chinois Xi Jinping a prévu des discussions avec des pays comme le Vietnam, la Thaïlande et la Malaisie, ainsi qu'avec ses rivaux de longue date, le Japon et la Corée du Sud. Une telle opportunité de gagner de nouveaux alliés et surtout des parts de marché est rare. La coopération avec l'Union européenne (UE) pourrait également être élargie, en particulier en matière commerciale, industrielle et d'investissement. L'UE envisagerait même de renoncer aux droits de douane sur les voitures électriques chinoises et de fixer à la place des prix minimums.

La conjoncture intérieure devient une priorité en Chine

Sur le plan intérieur, le gouvernement chinois cherche également des moyens de renforcer l'économie. Un programme de relance pour les infrastructures et la consommation est en discussion, et des allègements fiscaux sont également probables.

La Chine devrait saisir cette occasion pour passer à un modèle de croissance axé sur la consommation. Le moment serait propice pour le gouvernement, car les forces fiscales seraient mobilisées face à la menace d'une «puissance étrangère» (et non pas en raison des erreurs passées des responsables politiques).

Le principe le plus important est le suivant: « Investir dans les personnes pour stimuler la consommation », comme le disent les médias d'État chinois. L'espoir réside dans le développement du secteur des services et d'autres secteurs à forte intensité de main-d'œuvre. En outre, le secteur de l'éducation doit être mieux soutenu afin de renforcer le vivier de talents locaux. Une consommation intérieure accrue devrait également contribuer à lutter contre les surcapacités de l'industrie chinoise, tout comme une dévaluation ciblée du yuan.

Et l'industrie chinoise dispose de produits d'exportation attrayants. L'industrie automobile est en mesure de produire des véhicules de haute qualité à des prix raisonnables, et dans le secteur technologique, des entreprises telles que la start-up DeepSeek ont récemment fait parler d'elles. En ce qui concerne ce secteur, la Chine peut déjà se targuer d'un premier petit succès. En effet, sous la pression d'entreprises technologiques américaines, dont Apple et Nvidia, le gouvernement américain a décidé d'exempter d'importants produits électroniques des droits de douane spéciaux sur les importations en provenance de Chine et d'autres pays.

Xi peut jouer la montre, pas Trump

Parallèlement, le président chinois Xi Jinping ne peut pas être destitué, contrairement à Donald Trump et aux 435 membres de la Chambre des représentants ainsi qu'à 33 des 100 sénateurs, dont les sièges sont en jeu lors des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.

Trump prévoit certes d'importants allègements fiscaux, ce qui pourrait faire remonter sa cote de popularité. Mais leur mise en œuvre prendra un certain temps. Si la politique radicale de Trump n'a pas porté ses fruits d'ici le 3 novembre 2026, il pourrait devenir un «canard boiteux», c'est-à-dire sans soutien du pouvoir législatif. Si la Chine parvenait à jouer ses atouts (dévaluation du yuan, nouvelles alliances, renforcement du marché intérieur) avant cela, elle remporterait clairement cette lutte. Mais les Chinois n'en ont pas besoin. Une défaite de Trump aux élections de mi-mandat leur serait déjà favorable.

Pour les investisseurs, la Chine reste en tout cas intéressante. Nous partons du principe que les turbulences vont se poursuivre, voire même s'amplifier. Mais la Chine a déjà montré par le passé qu'elle savait rebondir. Une guerre commerciale est certes désagréable, mais elle ne mettra pas l'Empire du Milieu à genoux.

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