Freinez votre QE?

Shannon Gordon, TwentyFour Asset Management

2 minutes de lecture

Les prix du marché minimisent toujours les risques pour les Gilts avec une Banque d’Angleterre sous pression.

© Keystone

Cette semaine, le marché a dû digérer une nouvelle hausse de l’IPC britannique avec une inflation qui s’est envolée à 2,5% en rythme annuel, selon les données de juin. La BoE maintient que l’inflation est temporaire, mais son ampleur et le contexte actuel jettent le doute. Ces 2,5% dépassent à nouveau l’objectif de 2% fixé par la BoE. De plus, le fait que cette inflation débordante survient plutôt rapidement dans la reprise économique du Royaume-Uni (avant même le «Freedom Day» du 19 juillet) semble sérieusement augmenter la probabilité que le seuil clé de 3% pour l’IPC soit franchi. Si la BoE s’éloigne de plus de 1% de son objectif d’inflation, elle doit s’en expliquer formellement au gouvernement. Jusque-là, elle n’a laissé transparaître ses préoccupations que dans les propos de Michael Saunders, membre du Comité de politique monétaire, et du gouverneur adjoint Dave Ramsden. Ce dernier a averti que l’inflation pourrait atteindre 4% cette année et que la BoE pourrait devoir réduire son soutien monétaire plus tôt qu’il ne l’avait prévu. Michael Saunders a ajouté que «la question de l’opportunité d’une réduction rapide de notre programme actuel d’achats d’actifs sera à prendre en considération lors de nos prochaines réunions».

Moins de support technique

Pendant ce temps, la commission des affaires économiques de la Chambre des Lords vient de conclure son rapport «Assouplissement quantitatif: une addiction dangereuse?». Il appelle la BoE à se montrer plus transparente sur l’inflation et la raison pour laquelle le programme de QE reste la bonne réponse politique. Ses auteurs reprochent également à la BoE de ne pas avoir satisfait à son obligation de justifier le recours au QE. Si l’enquête menée par les Lords relève en partie de la posture politique, nous estimons que le QE en tant qu’instrument de politique monétaire ne sera plus aussi essentiel que ces dernières années. Ce programme était particulièrement adapté aux conditions qui prévalaient durant la crise financière: il a permis de relancer une économie terrassée par une crise de liquidité et a également eu pour effet positif de secourir un système bancaire en manque de capital tout en réduisant les coûts d’emprunt punitifs pour les entreprises. Le QE a bien entraîné une hausse des prix des actifs, mais c’était en partant d’un contexte récessif. Quelle est la différence avec la situation actuelle?

La récession déclenchée par le Covid-19 était une crise de l’économie réelle et non du secteur bancaire.

Premièrement, la récession déclenchée par le Covid-19 était une crise de l’économie réelle et non du secteur bancaire. Comme nous l’avons déjà dit, les institutions financières ont fait preuve d’une solidité remarquable durant cette période. Deuxièmement, les dirigeants politiques ont déployé toute une panoplie de mesures de soutien: chômage partiel, subventions et prêts aux entreprises, chèques de relance etc.; la politique budgétaire a également retrouvé un rôle déterminant. Bien sûr, si vous n’avez qu’un marteau, tout finit par ressembler à un clou. Mais avec une palette plus vaste d’instruments alternatifs à disposition, les responsables de la politique monétaire passeront inévitablement plus de temps à analyser les avantages accessoires du programme de QE, et ce ne sera pas nécessairement un choix par défaut.       

Que la Banque d’Angleterre mette fin à tous ses rachats d’actifs en août ou se contente d’en ralentir le rythme au T4 de cette année, il y aura moins de support technique pour les Gilts d’ici 2022. Cela pourrait se traduire par une sous-performance relative des Gilts par rapport aux marchés mondiaux d’actifs sans risque.  

Hausse du taux directeur

La réduction des supports techniques ouvre la voie à une hausse du taux directeur à partir de son niveau actuel de 0,1% l’année prochaine. Si l’on se base sur les prix des swaps de taux au jour le jour pour modéliser les attentes du marché à l’égard de la politique monétaire, nous constatons qu’une hausse de 15 points de base est anticipée d’ici mai 2022. Il s’agirait néanmoins toujours d’un niveau très accommodant dans un contexte où l’on attribue davantage de permanence au taux d’inflation actuel. Si la BoE est contrainte de prendre des mesures plus vigoureuses pour endiguer l’inflation, le taux directeur devra augmenter bien davantage et nous pensons que les Gilts suivront avec des rendements négatifs à la clé.

A lire aussi...