Envol des prix de l’énergie: risque pour la croissance et l’inflation

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Les prix de l’énergie s’envolent en Europe et aux USA. Cela pourrait bien durer. Et remettre en cause les prévisions optimistes pour la croissance et l’inflation.

En avril 2011, alors que le litre de SP95 venait de dépasser 1,5 euro, le PDG de Total, Christophe de Margerie, affirmait que les déséquilibres du marché allaient rapidement le propulser à 2 euros. La formidable poussée du pétrole de schiste américain a retardé l’échéance mais nous y voilà.

Le prix l’essence à la pompe n’est que la façade visible d’une évolution spectaculaire du marché de l’énergie depuis plusieurs mois. Le prix du gaz ne cesse de progresser. 250% de hausse en six mois pour la référence allemande dont 60% entre le 15 août et le 15 septembre. Même aux Etats-Unis, où le gaz de schiste a bouleversé le marché local, le prix de l’unité standard de gaz naturel dépasse 4$, au plus haut depuis 2014. Et nous ne sommes qu’en septembre!

Quoiqu’encore indolore sur de nombreux segments de consommation en raison des ajustements retardés des tarifs publics et des stratégies de couverture des grandes entreprises, le prix de l’électricité suit ce mouvement.

En Europe continentale, les prix se sont littéralement envolés ces dernières semaines, la faute à une activité industrielle très dynamique et à des conditions météorologiques peu favorables aux renouvelables. Au 15 septembre, la référence européenne EPEX était en hausse de 67% sur un mois et de près de 200% sur 6 mois! Et sur le marché britannique, largement isolé de ses homologues européens, l’évolution récente est encore plus spectaculaire avec des prix multipliés par 4 en un mois.

Cette envolée est préoccupante. D’abord pour les perspectives d’inflation. A 5% d’évolution annualisée aux Etats-Unis et 3% en Europe, la vigilance reste de mise, surtout si les prix de l’énergie ne se calment pas rapidement. Au-delà de la distinction classique entre inflation «coeur» – hors énergie et alimentation – et inflation globale, celle-ci reste historiquement très étroitement corrélée avec celle-là.

Mais aussi pour les perspectives de croissance. Le principal moteur de l’accélération prévue dans les prochains trimestres est la capacité de remettre dans le circuit économique les centaines de milliards accumulés par les ménages et les entreprises ces derniers mois. En France, certaines estimations se montent à 300 milliards d’épargne excédentaire pour les seuls ménages, montant qui, pour une large proportion, semble être resté sur les comptes courants.

Or l’inflation, lorsqu’elle est générée par une hausse forte et prolongée du prix des matières premières, et en premier lieu de l’énergie, pèse directement sur le pouvoir d’achat et sur l’optimisme des agents économiques qui tendent à accroître leur épargne de précaution. En 1974 aussi, l’explosion des prix du pétrole était présentée comme un choc temporaire mais elle était partie pour durer dix ans alors méfiance!

Il faut donc d’urgence revenir aux fondamentaux : pour une économie prospère, il faut une énergie abondante, pilotable et dont les prix évitent les chocs brutaux.

Cela ne remet pas en cause l’impératif de décarbonation, mais à l’heure où l’Allemagne remet en marche ses centrales à charbon pour éviter un effondrement de son système électrique, et où la Californie autorise de nouveau la construction de nouvelles centrales à gaz, la conclusion s’impose : seul le nucléaire permet de nous donner suffisamment de temps pour accroitre les performances et surtout l’insertion fluide dans les réseaux d’énergie. Aux actes!

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