Xi Jinping, Powell: les deux hommes de la rentrée

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Le climat a brutalement changé le 18 août, lorsque Xi Jinping a annoncé vouloir «rééquilibrer» l’économie chinoise et lorsque la Fed a publié ces minutes lourdes d’incertitudes.

En Chine, une reprise en main des entreprises par le parti communiste à l’initiative du président Xi Jinping, aux Etats-Unis des dissensions au sein de la Fed accentuant la pression sur Jerome Powell: il n’en fallait pas plus pour alimenter les hésitations des investisseurs. Les décisions du président chinois et du patron de la Fed donneront le la de la rentrée boursière. 

Longtemps, les marchés ont cru que les deux moteurs qui les propulsaient quasi sans discontinuer depuis mars 2020 étaient inexorables et irrésistibles. 

Le premier est chinois. Sortie très tôt des restrictions liées à la pandémie, le pays a vu son économie repartir avec vigueur dès le second trimestre 2020, permettant au secteur manufacturier mondial de se relancer sans attendre l’arrivée des vaccins. 

Le second à Washington, Francfort, Londres ou Tokyo. Tous les grands argentiers de la planète ont réagi très vite à la pandémie avec des taux ramenés à zéro voire négatifs et des injections mensuelles de centaines de milliards de dollars dans le système financier. Ces politiques ultra-accommodantes ont garanti du même coup des conditions de financement très favorables pour l’ensemble des acteurs économiques dans le monde. 

Les investisseurs ont apprécié et les indices se sont envolés depuis le creux de mars 2020: plus de 80% de hausse depuis le 20 mars 2020 pour l’indice mondial MSCI World par exemple et des records historiques en pagaille pour les indices américains. Même le CAC 40, longtemps à la traine, a tutoyé mi-août ses plus hauts de septembre 2000, au coeur de la bulle internet. Mais depuis quelques jours, le doute est revenu. 

Tout est parti de Chine. Depuis la fin 2020, les nuages réglementaires se sont amoncelés au-dessus de l’économie de l’Empire du Milieu. La technologie a été la première à subir le courroux des autorités de Pékin, inquiets devant la puissance croissance de géants qui ne cessent d’étendre leur emprise sur la vie économique et financière du pays. Tour à tour Alibaba, Tencent ou Didi ont été visés par des initiatives destinés à rappeler la nécessité de maintenir la primauté de l’ordre étatique – sous la vigilance du Parti Communiste Chinois - même au détriment de la performance économique. 

La pression des autorités s’est ensuite étendue à l’immobilier, au secteur financier et à l’éducation privée. Sans inquiéter réellement les investisseurs occidentaux sur leurs marchés domestiques. Jusqu’à ce mois d’aout, seuls les marchés chinois eux-mêmes – restés totalement à l’écart de la grande vague de hausse de 2021 - et, bien sûr, des valeurs cotées directement concernées, étaient touchés par la défiance. 

Le climat a brutalement changé le 18 août, lorsque Xi Jinping a annoncé vouloir «rééquilibrer» l’économie du pays, au profit de la classe moyenne chinoise et des classes populaires, en accroissant la pression fiscale sur les hauts salaires et, plus généralement, sur les riches. Ce plan, cohérent avec la «pensée Xi Jinping» qui place le Parti et l’harmonie sociale au-dessus de tout, a semé le trouble sur les marchés mondiaux, très dépendants de l’appétit de consommation des chinois les plus aisés, en particulier dans les secteurs du luxe ou de l’automobile haut de gamme. 

Ce même 18 août, la publication des «minutes» de la réunion du 28 juillet de la Fed, est venue rajouter une deuxième incertitude sur le moral des investisseurs. Le compte-rendu des discussions entre les membres du comité de politique monétaire montre en effet que les débats sont vifs entre les tenants d’une prolongation des achats d’actifs au rythme actuel – 120 milliards de dollars par mois – au moins jusqu’à la fin de l’année, et ceux qui estiment que le retour rapide à meilleure fortune de l’économie américaine justifierait de lancer la normalisation dès le dernier trimestre 2021, afin, pourquoi pas, de pouvoir se projeter sur des hausses progressives de taux d’intérêt en 2022. 

Après tout, avancent ces «faucons», pourquoi maintenir un soutien massif à l’économie alors que le taux de chômage est descendu à 5,4%, que les pénuries de main d’oeuvre freinent le rebond de l’activité bien plus que la frilosité face à l’avenir et que l’inflation a tellement rebondi que les taux réels à 10 ans sont au plus bas depuis 1980, sous les -4%? 

En attendant de nouveaux signaux venus de Chine, c’est donc vers Jackson Hole que les regards des investisseurs se tourneront du 26 au 28 août: une occasion de clarifier les critères d’évolution de la politique monétaire et peut-être de rassurer paradoxalement les marchés sur la nécessité de se donner du temps face à l’avancée du variant Delta au sud des Etats-Unis. Cette semaine c’est bien le Wyoming qui sera le centre de gravité de la planète finance mais il est probable que Jay Powell adopte une attitude «wait and see».

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