En 2021, la richesse a progressé le plus aux Etats-Unis et chez les Millenials

Yves Hulmann

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Selon le Global Wealth Report, les Suisses restent, en moyenne, les plus fortunés. En vingt ans, les inégalités ont globalement diminué mais pas aux Etats-Unis.

©Keystone

Portée par la forte remontée des marchés boursiers au sortir de la pandémie de Covid-19, la richesse mondiale a progressé plus vite que d’ordinaire en 2021. En tout, elle a atteint un montant total estimé à 463’600 milliards de dollars à la fin de l’an dernier, soit une augmentation de 9,8%, soit nettement plus que la moyenne annuelle de 6,6% enregistrée depuis le début du siècle. Et si l’on fait abstraction des variations des taux de change, la richesse mondiale a même progressé de 12,7%, ce qui correspond au taux de croissance annuel le plus élevé jamais enregistré. En tenant compte de l’inflation qui s’est accélérée depuis l’an dernier, ce taux de croissance apparaît toutefois un peu moins spectaculaire, l’augmentation de la richesse réelle étant alors ramenée à 8,2% en 2021. Au niveau individuel, la richesse par adulte a atteint 87’489 dollars à fin 2021, en hausse de 8,4% (+11,3% hors effets de change).

Quelle que soit la méthode de calcul prise en compte, 2021 doit être considérée comme une année exceptionnelle qui a peu de chance d’être répétée dans un futur proche, a commenté le professeur Anthony Shorrocks de Global Economic Perspectives, co-auteur du «Global Wealth Report» publié mardi par Credit Suisse Research Institute (CSRI). Outre l’évolution de la richesse globale, l’étude, publiée pour la treizième fois cette année, fournit aussi de nombreuses indications sur l’évolution de celle-ci dans différents pays et inclut pour la première fois un volet consacré à la question des inégalités.

La Suisse reste n°1 – selon la moyenne, pas d’après la médiane

Par pays, c’est en Suisse que les avoirs par adulte, qui ont atteint en moyenne 696'000 dollars (+3,7%), soit le niveau le plus élevé au niveau mondial. Viennent ensuite les Etats-Unis (579’051 dollars par individu en moyenne), Hongkong (552'930 dollars), l’Australie (550'010 dollars) et la Nouvelle-Zélande (472'150 dollars). En France, la richesse moyenne par adulte était de 322'074 dollars à fin 2021.

Différents facteurs liés au système de prévoyance et de retraite influencent toutefois aussi ces chiffres: «La richesse par adulte est élevée en Suisse en raison notamment des fonds placés dans la caisse de pension», a expliqué Nanette Hechler-Fayd'herbe, responsable de l'investissement pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique chez Credit Suisse.

Si l’on tient compte cette fois de la richesse médiane par adulte – moins influencée par les valeurs extrêmes - la Suisse n’apparaît plus qu’au sixième rang mondial, avec un montant de 168'080 dollars par individu. D’après la richesse médiane par adulte, ce sont dans l’ordre l’Australie (273'900 dollars), la Belgique (267'890 dollars), la Nouvelle-Zélande (231'260 dollars), Hongkong (202'380 dollars) et le Danemark (171'170 dollars) qui occupent le haut du classement.

Par rapport à l’Autriche et à l’Allemagne, les deux pays qui sont les plus souvent comparés à la Suisse, la richesse par adulte est demeurée largement supérieure en Suisse aussi bien d’après la moyenne que de la médiane. Si la richesse moyenne se situe à un niveau similaire dans les deux pays germanophones - soit 256'985 dollars en Allemagne et 250'125 dollars en Autriche -, la richesse médiane était sensiblement plus élevée en Autriche (75'075 dollars) qu’en Allemagne (60'633 dollars). En France, la richesse médiane par adulte (139'169 dollars) était comparativement nettement plus élevée que dans les deux pays germanophones.

Sur 20 ans, les inégalités ont diminué en Suisse et en Autriche, moins en Allemagne

En ce qui concerne l’évolution concentration de la richesse, l’étude montre que les inégalités ont diminué aussi bien en Suisse qu’en Allemagne et en Autriche entre 2000 et 2021. En Suisse, le coefficient de Gini est passé de 81% en 2000 à 77,2% en 2021. En Allemagne, cet indice est passé de 81,2% au tournant du millénaire à 78,8% à la fin de l’an dernier, tandis qu’en Autriche il a diminué de 78,1% à 74,2% durant le même intervalle. D’après l’indice de Gini, l’Allemagne était ainsi en 2021 un pays plus inégalitaire que la Suisse et l’Autriche. Comparativement, la France (70,2%) et le Royaume-Uni (70,6%) étaient eux des pays plus égalitaires en termes de répartition des richesses que ces trois pays.

Globalement, l’indice de Gini a légèrement diminué depuis le début du millénaire, passant de 91,9% en 2000 à 88,9% en 2021. La situation se présente toutefois de façon différente si l’on s’intéresse spécifiquement à la proportion de la richesse détenue par le 1% des plus riches : alors que cette part avait d’abord diminué entre 2000 et 2008, elle a recommencé à augmenter après la crise financière ainsi qu’au sortir de la pandémie. Située à 43,9% en 2019, la part détenue par le 1% des plus riches est remontée à 45,6% en 2021.

Comme l’a relevé Nanette Hechler-Fayd'herbe devant les médias mardi, l’évolution des inégalités en termes de richesse est souvent très influencée par celle des marchés financiers. Par exemple, la part de la richesse mondiale détenue par le 1% des plus individus les riches a sensiblement diminué entre 2006 et 2008, au plus fort de la crise financière, avant d’augmenter à nouveau ensuite.

A l’autre bout de l’échelle, les Etats-Unis sont caractérisés par une concentration des richesses beaucoup plus marquée qu’en Europe avec un indice de Gini qui s’est établi à 85% outre-Atlantique en 2021. En Chine, l’indice de Gini est en revanche légèrement redescendu à 70,1% en 2021, après avoir atteint son plus haut niveau à 71,6% en 2016, comparé à 59,5% en 2000.

Les UHNWI sont surtout américains mais aussi toujours plus souvent chinois

Sans surprise, c’est aux Etats-Unis que l’on trouve le plus grand nombre de personnes ultra-fortunées, aussi appelées UHNWI (pour «ultra high-net-worth individuals»). Aux Etats-Unis, le nombre de personnes ultra-fortunées a le plus augmenté l’an dernier (30'470 UHNWI), suivi par la Chine (5200), puis l’Allemagne (1750) et le Canada (1610). A l’inverse, leur nombre a baissé en Suisse (moins 120), à Hongkong (moins 130) mais aussi en Turquie (moins 330) et surtout au Royaume-Uni (moins 1130). Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, les variations de change ont aussi eu impact considérable.

L’heure des Millenials a sonné aux Etats-Unis

Autre aspect qui ressort de l’étude: aussi bien au Canada qu’aux Etats-Unis, les années marquées par la pandémie ont vu s’imposer les Millenials (personnes nées après 1980) comme la catégorie d’âge qui a vu sa fortune progresser le plus fortement entre 2019 et 2021. Alors que la fortune des Millenials avait déjà augmenté de plus de 20% en 2019, cette progression a dépassé les 45% durant l’année 2021. En comparaison, la fortune des «Baby Boomers» (1946 à 1964) n’a, elle, augmenté que de 11% l’an dernier, celles des personnes de la «Generation X» (1965 à 1980) d’environ 25%.

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