Développement durable: le «must» en toutes circonstances

Ophélie Mortier, Degroof Petercam Asset Management

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La pandémie a permis de révéler la résilience des entreprises «durables».

L’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) paraît être à première vue un phénomène relativement nouveau. En réalité, c’est sa généralisation qui est récente. De nombreux gérants et analystes utilisaient ces facteurs dans leurs analyses bien avant que le concept d’approche ESG n’entre dans le vocabulaire courant des investisseurs. La crise de 2008-2009 avait déjà permis de mettre en évidence ses avantages, mais les investisseurs restaient sceptiques vis-à-vis de cette approche «nouvelle» qui n’était ni standardisée ni réglementée. Selon eux, les bonnes performances des entreprises qualifiées de «durables» pouvaient s’expliquer par d’autres facteurs tels que le secteur d’activité, la taille ou le style, substance ou croissance.

La pandémie et ses conséquences pour l’économie mondiale ont permis de démontrer une fois encore que les entreprises considérées comme «durables» étaient les plus résilientes sur le plan comptable comme sur le plan financier. Leur avantage s’est manifesté non seulement au niveau de leurs performances, mais aussi à celui de leur profil de risque (risque de faillite inférieur, moins de révisions à la baisse de leurs perspectives bénéficiaires, moindre volatilité des rendements, etc.). En outre, ce phénomène s’est vérifié en Europe, aux Etats-Unis et sur les marchés émergents.

L’engagement dans une approche ESG n’est pas un luxe réservé
aux entreprises saines et aux phases de marché favorables.

La résilience des entreprises durables s’est également étendue aux fonds de placement investis dans ces entreprises. Aux Etats-Unis comme en Europe, les fonds ESG ont continué d’enregistrer des achats de parts durant la phase de baisse et, en général, ils ont subi moins de rachats de parts liés aux problèmes de liquidités ou à la panique. Or, la stabilité des flux d’investissement est un puissant atout dans la gestion du ratio risque/rendement. On peut donc considérer que l’engagement dans une approche ESG n’est pas un luxe réservé aux entreprises saines et aux phases de marché favorables.

En plus de leur succès sur le plan financier, les entreprises «durables» sont respectueuses de leur environnement dans sa globalité. Leur santé et leur profitabilité viennent du fait qu’elles ont intégré les enjeux du développement durable, ses risques, mais aussi ses opportunités, au plus haut niveau de leurs instances de gouvernance. Il en a été de même pour ce qui concerne le respect des intérêts de leurs différentes parties prenantes. En période de forte incertitude, on attend des entreprises et des investisseurs qu’ils s’adaptent et, dans un tel contexte, l’intégration des problématiques ESG peut s’avérer un avantage compétitif important.

La correction intervenue sur les marchés a amené les investisseurs à se focaliser sur les d’opportunités qui en résultaient. Ainsi, après la chute des cours du pétrole, les valeurs du secteur de l’énergie pouvaient paraître particulièrement attrayantes, notamment en comparaison de celles qui avaient bien résisté à la correction, souvent des entreprises axées sur le respect des facteurs ESG. Faut-il en déduire que ces dernières risquent de pâtir d’un effet demande? Les entreprises ou les sous-secteurs habituellement sous-représentés dans les stratégies ESG vont-ils surperformer par rapport à leurs homologues durables? En cas de rallye boursier, les fonds durables seront-ils pénalisés?

Si la crise renforce la tendance structurelle en faveur de l’investissement ESG,
il faut espérer qu’elle accroîtra la volonté de développer un langage commun.

De telles craintes ne sont ni justifiées ni vérifiées à moyen et long terme. L’investissement ESG reposant sur la création de valeur à moyen et long terme, il n’a pas vocation à exploiter les bulles ou les occasions passagères. Son objectif est d’accompagner les entreprises durables dans leur stratégie de création de valeur qui intègre les innovations et les opportunités futures tout en anticipant les risques.

De nombreuses publications ont d’ores et déjà démontré les performances remarquables des investissements ESG, ainsi que la forte résilience des entreprises durables. Il s’agit d’une étape importante pour l’intégration élargie des facteurs ESG dans le domaine financier. Si de nombreux acteurs prétendent aujourd’hui les inclure dans leur processus de gestion, l’expérience montre que cette approche n’a rien de facile ni d’universel. Elle requiert de la rigueur, une capacité à élaborer une analyse critique, une recherche fondamentale et surtout un engagement de l’investisseur à mettre en place un véritable dialogue avec les entreprises.

Si la crise renforce la tendance structurelle en faveur de l’investissement ESG, il faut également espérer qu’elle accroîtra la volonté de développer un langage commun. Des initiatives dans ce sens existent déjà, mais elles manquent d’uniformité. Les autorités de réglementation tentent également d'œuvrer dans ce sens au niveau de la transparence de l’information sur les produits d’investissement durables et responsables ou à celui de l’information destinée aux investisseurs professionnels et qui concerne les entreprises durables. La réglementation ne cesse de s’étoffer, avec ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est là pour rester. Par conséquent, que l’on soit convaincu on non de l’importance de l’approche durable dans la gestion d’actifs, il est probable que la réglementation aura le dernier mot.

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