Dégager de la valeur sur les émergents grâce aux leaders sectoriels

Roger Merz & Thomas Schaffner, Vontobel AM

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Le marché a tendance à sous-estimer la capacité des entreprises des marchés émergents à maintenir leur rentabilité.

Les investisseurs sur les marchés émergents sont confrontés à une multitude d’étiquettes. L’une des plus connues est «BAT», qui désigne les géants chinois de l’Internet Baidu, Alibaba et Tencent. Dès 2001, Goldman Sachs avait regroupé les quatre économies à forte croissance qu’étaient le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine sous le sigle «BRIC». Depuis, d’autres acronymes ont vu le jour, comme «BRICS» (les BRIC plus l’Afrique du Sud) ou «MIST» (Mexique, Indonésie, Corée du Sud et Turquie). Ces étiquettes ont certes remporté un franc succès, mais elles sont restrictives et ne facilitent de loin pas les décisions d'investissement relatives à ces marchés vastes et variés.

Dans ce numéro d'Éclairages, Roger Merz et Thomas Schaffner expliquent pourquoi on peut mieux exploiter les vastes opportunités des marchés émergents à l'échelon des actions afin de dégager de la valeur régulièrement au profit des clients.

Au niveau des marchés des actions, l’essentiel est d’identifier
les inefficacités les plus fortes au meilleur prix.
Sur un marché émergent donné, les entreprises diffèrent

Les marchés émergents représentent un groupe de pays hétérogène. Non seulement ils se répartissent sur des continents présentant des différences géologiques, sociales et politiques, mais leur évolution économique et leur position dans le cycle actuel sont tout aussi variées. Pour leurs décisions de placement, de nombreux investisseurs suivent donc une approche descendante. Ils effectuent une analyse par pays avant de se pencher sur les sociétés qu’ils ont filtrées. Mais des opportunités peuvent leur échapper parce qu’il existe des entreprises de bonne qualité dans des pays en situation macroéconomique difficile et des sociétés moins attrayantes dans des pays prospères. Cet aspect est d’autant plus pertinent sur les marchés émergents que la dispersion des bénéfices et des rendements des entreprises y est supérieure à celle des marchés développés.

Exploiter les inefficacités des marchés émergents

Les marchés émergents abondent également en inefficacités, si bien qu’au niveau des marchés des actions, l’essentiel est d’identifier les inefficacités les plus fortes au meilleur prix. L’identification de ces opportunités est complexe, étant donné qu’elles n’apparaissent pas pour des raisons évidentes du point de vue analytique. Elles sont plutôt créées par des vues à court terme, une mauvaise compréhension de la situation et une divergence entre la perception du marché et la réalité.

Un cadre rigoureux est requis pour distinguer les leaders des retardataires

Étant donné la forte dispersion des bénéfices et des rendements des entreprises au sein de chaque pays, et les inefficacités marquées des marchés, les investisseurs peuvent vouloir suivre une approche ascendante qui conjugue des filtres systématiques et une analyse fondamentale. Mais concrètement, comment distinguer les leaders des retardataires? Il est évident que la taille, mesurée par la capitalisation boursière ou le chiffre d’affaires, n’implique pas un leadership mondial. Beaucoup de groupes de pays émergents doivent leur taille à l’importance du marché qu’ils servent, au protectionnisme ou à la géologie. À titre d'exemple, ces économies abritent quelque 90% des réserves mondiales de pétrole et 80% de la population mondiale. On y trouve aussi la majorité des terres cultivées à des fins alimentaires et des réserves d’eau douce du monde. La proportion d’entreprises exposées aux risques de durabilité est donc beaucoup plus élevée dans les pays émergents que chez leurs homologues développés.

Le cours de l’action d’une société
a tendance à suivre le ROIC.

Voici les critères clés utilisés pour identifier les leaders sectoriels à valorisation attrayante (approche à quatre piliers):

  1. un rendement du capital investi (ROIC) régulièrement élevé et croissant;
  2. une bonne position concurrentielle dans le secteur;
  3. une valorisation attrayante;
  4. la société résout les problèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de manière efficace.

L’importance du ROIC est largement reconnue parmi les entreprises et en 2016, le Wall Street Journal a même nommé le ROIC «The Hottest Metric in Finance» (l'indicateur financier le plus évocateur). Mais pourquoi le ROIC importe-t-il tant et qu’en est-il dans les pays émergents?

ROIC – Le lien entre création de valeur et surperformance

En général, le cours de l’action d’une société a tendance à suivre le ROIC. Les analyses empiriques montrent en effet que la rentabilité relative a une influence sur le rendement des actions, c’est-à-dire que les sociétés ayant un ROIC élevé surperforment celles qui ont un faible rendement sur le cycle du marché.

Sur les marchés émergents, l'on constate que la compétitivité et la rentabilité ont nettement progressé au cours des dix dernières années. De fait, le nombre de sociétés des pays émergents dont le ROIC figure dans le quintile mondial supérieur a progressé de 518 à 704 (source: Vontobel AM, HOLT). On constate également que le ROIC est stable au fil du temps. Cela signifie que les leaders et, respectivement, les retardataires ont tendance à le rester.

Example: Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC)

TSMC a constamment réinvesti son ROIC au fil des années pour constituer un solide réservoir de recherche et développement (R&D). Comme le montre le graphique 1, cela a permis à TSMC d’innover et de produire des puces encore plus petites avec une capacité croissante, si bien qu’elle devrait encore accroître sa part de marché aux dépens de la concurrence (voir le graphique 2).

Fait intéressant: le marché a tendance à sous-estimer la capacité des entreprises des marchés émergents à maintenir leur rentabilité et, partant, la croissance future de leur trésorerie, qui détermine finalement la surperformance de l’action sur le cycle du marché.

Conclusion

Les marchés émergents offrent de nombreuses opportunités et un rendement potentiellement attrayant, grâce à leur profil de croissance supérieur soutenu par des vecteurs structurels à long terme.
Mais la dispersion des bénéfices et des rendements des entreprises est supérieure à celle des marchés développés. Pour exploiter cette vaste gamme d’opportunités, il est donc crucial que les investisseurs sur les marchés émergents «ratissent large» et prennent en compte toutes les sociétés de l'univers avant d’effectuer leur analyse rigoureuse et d’identifier les plus attrayantes.

Dans cette optique, ces investisseurs devraient envisager une approche fondamentale, systématique, fondée sur des règles et focalisée sur les sociétés leaders pour les aider dans le processus. Avec un accent rigoureux sur les actions peu chères mais de haute qualité, celles-ci peuvent stabiliser le portefeuille dans une catégorie d’actifs qui offre un profil risque/rendement attrayant à long terme mais est exposée à d’inévitables soubresauts de volatilité du marché.