Cinq idées reçues sur les cryptomonnaies

Pierre Debru, WisdomTree

4 minutes de lecture

Bien qu’elles existent depuis plus de 15 ans, les cryptomonnaies demeurent très mal comprises dans le monde de l’investissement traditionnel.

  1. Les cryptomonnaies sont une mode passagère

Qu’il s’agisse de l’automobile au début du XXe siècle, ou du téléphone portable dans les années 2000, les nouvelles technologies et les nouvelles idées ont tendance à traverser cinq phases d’adoption. Cela débute avec les Innovateurs (2,5% de la population), rejoints ensuite par les Adopteurs précoces (13,5% supplémentaires), puis la Majorité précoce (stade auquel l’adoption a été effectuée par 50% de la population), la Majorité tardive, et enfin les Derniers adopteurs. Les effets de mode ont généralement du mal à franchir le stade de l’Adoption précoce. Des études récentes révèlent que le nombre d’utilisateurs directs des cryptomonnaies est aujourd’hui largement supérieur à un milliard, ce que signifie que ces actifs se situent aisément dans la seconde moitié de la phase d’Adoption précoce, voire à un stade plus avancé encore. Autrement dit, les cryptomonnaies ne constituent pas une mode passagère, mais une réelle tendance.

À l’évidence, les cryptomonnaies ne constituent plus non plus un domaine émergent. Cette technologie existe depuis près de 15 ans. Les crypto ont connu plusieurs cycles de prix et se sont rétablies à chaque fois, pour en sortir plus fortes, plus diversifiées et pour atteindre de nouveaux sommets. Des instruments d’investissement réglementés de qualité institutionnelle étant aujourd’hui disponibles dans le monde entier, il devient de plus en plus difficile pour les investisseurs de les ignorer.

  1. Seul le Bitcoin compte dans l’univers des cryptomonnaies

Bien que le Bitcoin jouisse d’une renommée particulière, la catégorie des cryptoactifs a considérablement évolué. En effet, le Bitcoin représente à peine la moitié de la capitalisation totale du marché qu’elle constitue. Ce domaine s’est tellement étendu que nous le suivons en utilisant notre propre taxonomie chez WisdomTree. Il s’agit d’une sorte de «norme mondiale de classification de l’industrie» spécifique aux cryptomonnaies. Guidés par le cas d’utilisation de chaque famille de cryptoactifs, nous avons déterminé huit catégories qui nous permettent de suivre le secteur des cryptomonnaies, de comprendre l’évolution des différents actifs et de constituer des portefeuilles.

En quelques mots:

  • Les paiements de couche 1 vous permettent de réaliser des transactions numériques. Le Bitcoin est bien entendu le principal acteur de cette catégorie.
  • La finance centralisée correspond à des jetons émis par des sociétés privées. Ces jetons peuvent être utilisés pour fournir des incitations aux utilisateurs, ou sont adossés à des actifs physiques pour proposer une exposition à ces actifs.
  • Les réseaux de contrats intelligents de couche 1, dont les plus célèbres sont Ethereum et Solana, fournissent l’infrastructure nécessaire à la création d’applications décentralisées.
  • Les stablecoins sont des jetons conçus pour être calqués sur les monnaies fiduciaires existantes. 
  • Les solutions de mise à l’échelle de couche 2 sont des protocoles visant à accroître la capacité des réseaux de couche 1 (en termes de nombre de transactions, par exemple).
  • Les applications de finance décentralisée fonctionnent sur des réseaux de contrats intelligents de couche 1 et fournissent des services financiers traditionnels tels que l’accès aux places de marché, des prêts/emprunts, des produits dérivés, etc.
  • Les jetons non fongibles peuvent être comparés à des objets de collection numériques.

Illustration 1: Taxonomie des actifs numériques de WisdomTree


  1. Les cryptomonnaies ne revêtent aucune utilité ou valeur réelle

Contrairement à la croyance commune, les actifs numériques sont couramment utilisés dans le monde réel, ce qui nous a permis d’élaborer la taxonomie décrite ci-dessus.

Le Bitcoin permet d’effectuer des paiements à n’importe qui dans le monde, sans intermédiaire, et sans préoccupation concernant le contrôle des capitaux mis en place. Bien que nous entendions souvent le contraire dans les pays développés, au sein desquels les monnaies sont fortes et circulent librement, le Bitcoin est largement utilisé. Il est devenu une monnaie de fait dans toutes les régions du monde au sein desquelles le contrôle des capitaux et l’hyperinflation constituent des problèmes quotidiens. Dans les pays confrontés à une forte inflation ou à l’hyperinflation, les stablecoins sont désormais la valeur refuge de choix pour des millions d’utilisateurs quotidiens. Les revenus sont stockés sous forme de stablecoins jusqu’à ce qu’ils soient convertis en devises locales pour acheter des biens. Les stablecoins fonctionnant sur des réseaux de couche 1, qui sont également utilisés automatiquement à grande échelle. Il s’agit seulement là de deux cas d’utilisation parmi de nombreux autres, dont tirent d’ores et déjà parti un demi-milliard d’utilisateurs.

Difficile par conséquent de qualifier d’inutile une technologie aussi largement utilisée. En revanche, si la valeur doit être égale au flux de trésorerie, le bitcoin est désavantagé. Toutefois, en prenant un peu de recul, les investisseurs choisissent l’or, le pétrole ou encore le dollar américain depuis des décennies (voire des siècles) et ces actifs ne présentent pas non plus de liquidité. Par conséquent, les investisseurs sérieux ont tout intérêt à appliquer d’autres modèles pour évaluer les cryptoactifs. Bien que la liquidité constitue un facteur important, l’univers des cryptomonnaies ne se limite pas au Bitcoin, comme évoqué précédemment. Ethereum, la deuxième plus grande cryptomonnaie, a créé le «burn» il y a environ trois ans (l’EIP – 1559), ce qui signifie que chaque fois qu’une transaction se produit sur la blockchain, les frais de transaction sont payés sous la forme d’ETH détruits (ou «burned», pour «brûlés»). Ceci réduit la quantité totale d’ETH disponibles, ce qui entraîne une augmentation de la valeur des ETH restants, de la même manière que les rachats poussent le prix des actions à la hausse. Au cours des trois dernières années, une offre représentant 4,3 millions  d’ETH a été brulée (soit l’équivalent de 12,1 milliards de dollars).

  1. Les cryptomonnaies ne constituent pas un investissement sûr

La sécurité des cryptomonnaies elles-mêmes (c’est-à-dire des blockchains) et l’écosystème dans lequel elles s’inscrivent sont deux choses très différentes. Le Bitcoin affiche un taux de disponibilité de 99,98% depuis son lancement, et il n’a jamais été piraté, ni compromis. Les idées reçues autour de la sécurité du Bitcoin résultent de situations problématiques dans lesquelles des entreprises tierces qui utilisent le Bitcoin font faillite, subissent un piratage, ou se révèlent tout simplement malhonnêtes. La manière dont les utilisateurs et les investisseurs interagissent avec les actifs numériques est essentielle pour leur sécurité. Pour les investisseurs, des instruments réglementés sont aujourd’hui disponibles quasiment partout à travers le monde, sous forme de produits négociés en bourse (ETP). WisdomTree propose depuis 2019 ce type d’ETP liés aux cryptomonnaies, de qualité institutionnelle et adossés à des actifs physiques. Nous nous appuyons sur notre expertise approfondie dans le domaine des matières premières pour élaborer des offres de cryptomonnaies de qualité institutionnelle, adossées à des actifs physiques et bénéficiant d’un cadre multi-dépositaire de détention hors ligne, ce qui garantit une solution de détention sécurisée et diversifiée. Ces instruments présentent une multitude de protections pour les investisseurs désireux d’acquérir des actifs numériques.

  1. La volatilité est trop élevée pour être incluse dans les portefeuilles multi-actifs

Sur la période des 10 dernières années environ, la volatilité du Bitcoin se situe à un niveau élevé  de 69%. Il s’agit toutefois également d’un actif hautement diversifiant. Sur la même période, sa corrélation avec les actions atteint seulement 16,6%, et sa corrélation avec les matières premières 13%. Par conséquent, bien que le Bitcoin en tant qu’actif autonome puisse apparaître comme hautement risqué, ce n’est pas le cas dans le contexte d’un portefeuille multi-actifs. En effet, l’illustration 2 présente le changement de volatilité lorsqu’une faible proportion de Bitcoin est ajoutée à un portefeuille 60/40 (60% dans MSCI All Country World et 40% dans Bloomberg Multiverse). Le fait d’ajouter 1% de Bitcoin à un portefeuille ne crée pas 0,69% de volatilité supplémentaire, mais seulement 0,07%, grâce à l’effet de diversification.

L’ajout de 1% de Bitcoin à un portefeuille crée des écarts de suivi d’environ 0,7%, ainsi qu’une performance annualisée de 0,67%, par rapport à un portefeuille 60/40 ne contenant pas de Bitcoin. Cela signifie que le ratio d’information découlant de la décision d’ajouter du Bitcoin à un portefeuille s’élève quasiment à 1, soit un excellent ratio que très peu de décisions d’investissement peuvent permettre d’obtenir.

Illustration 2: Impact sur la volatilité de l’ajout de Bitcoin dans un portefeuille 60/40


Source: Bloomberg, WisdomTree. Du 31 décembre 2013 au 30 avril 2024. En USD. Sur la base des rendements quotidiens. Le portefeuille mondial 60/40 est composé à 60% du MSCI AC World et à 40% du Bloomberg Multiverse. Vous ne pouvez pas investir directement dans un indice. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

Conclusion

Bien qu’elles existent depuis plus de 15 ans, les cryptomonnaies demeurent très mal comprises dans le monde de l’investissement traditionnel. L’une des principales raisons à cela est que, pendant longtemps, il était facile de les ignorer et de les considérer comme une mode. Cette période est néanmoins révolue. Avec des ETP réglementés et adossés à des actifs physiques disponibles en Europe depuis 2019, des ETF Bitcoin au comptant approuvés aux États-Unis au début de cette année (prochainement suivis par l’ETF Ethereum au comptant), et plusieurs ETP liés aux cryptomonnaies tout récemment cotés sur le London Stock Exchange, l’institutionnalisation des cryptomonnaies est clairement en marche. Il est grand temps que les investisseurs s’affranchissent de leurs préjugés et idées reçues, pour commencer à considérer les cryptomonnaies comme une nouvelle catégorie d’actifs à part entière, sans quoi ils risquent d’être vite distancés.

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