Brexit: le Royaume-Uni sur le pied de guerre

AWP

2 minutes de lecture

«L’impact le plus immédiat d’un ‘no deal’ devrait concerner l’approvisionnement alimentaire», estime l’économiste Jonathan Portes, du King’s College de Londres.

A un peu plus de deux semaines de sa rupture définitive avec l’Union européenne, le Royaume-Uni se prépare au bouleversement qui s’annonce, y compris à l’hypothèse la plus radicale: le «no deal» qui menace faute de compromis commercial.

Selon la presse britannique, Londres prévoit mercredi un exercice grandeur nature pour tester son niveau de préparation aux scénarios du pire. Mais transporteurs, supermarchés et autorités sont déjà sur le pied de guerre pour atténuer les conséquences potentiellement dévastatrices.

Parkings et douaniers

Avec ou sans accord, le Royaume-Uni quittera le 1er janvier l’union douanière et le marché unique européen. Exportateurs et importateurs se trouveront confrontés à une toute nouvelle bureaucratie susceptible d’entraîner des retards aux frontières.

Ces formalités administratives seront alourdies en cas de «no deal», qui impliquerait d’appliquer les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et leurs droits de douane.

Le gouvernement britannique a décidé de mettre en oeuvre graduellement les futurs contrôles douaniers, qui ne concerneront toutes les marchandises qu’à partir de juillet 2021.

Bruxelles n’ayant pas fait le même choix, «les entreprises doivent se préparer aux nouvelles exigences pour le 1er janvier quelle que soit l’issue - ou risquer que les biens ne passent pas la frontière et de rallonger les files d’attente», a prévenu un porte-parole de l’exécutif.

Pour éviter un scénario du pire «raisonnable», qui verrait jusqu’à 7’000 camions bloqués dans le Kent (sud), où se trouve le principal port transmanche à Douvres, l’exécutif va imposer un permis d’accès à la région, délivré uniquement aux chauffeurs routiers ayant rempli au préalable les formalités.

De vastes parkings pour camions sont également construits dans le sud de l’Angleterre, tandis que 900 contrôleurs douaniers supplémentaires ont été recrutés. 1’100 de plus devraient suivre dans les prochains mois.

Les ports aidés, la Navy mobilisée

Depuis plusieurs semaines, les ports sont congestionnés et les circuits d’approvisionnement perturbés, beaucoup d’entreprises essayant de se faire livrer d’avance pour éviter le désordre redouté en janvier.

Le gouvernement a prévu un fonds pour financer des infrastructures portuaires jusqu’à hauteur de 200 millions de livres sterling (221 millions d’euros). Entrepôts, postes de contrôle ou encore systèmes de régulation du trafic: il s’agit de permettre aux ports d’accomplir les nouvelles formalités.

Quatre navires de 80 mètres de long de la Royal Navy se tiennent aussi prêts à protéger les zones de pêche britanniques, d’où seront exclus les chalutiers européens, en cas de tensions consécutives à un échec des négociations.

Stocks de pâtes et papier toilette

Même si le gouvernement se veut rassurant, «l’impact le plus immédiat d’un ‘no deal’ devrait concerner l’approvisionnement alimentaire», estime auprès de l’AFP Jonathan Portes, professeur d’économie au King’s College de Londres.

Selon le British Retail Consortium, pour faire face à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement, les supermarchés ont commencé à stoker des aliments essentiels comme des conserves, des pâtes et du papier toilette.

La fédération britannique des commerçants prévient toutefois que le choc risque d’être le plus fort pour les produits frais, qui ne se conservent pas, et que les prix alimentaires pourraient augmenter en raison des droits de douane et des nouvelles lourdeurs administratives.

Le gouvernement britannique a par ailleurs prié les entreprises pharmaceutiques de stocker jusqu’à six semaines de médicaments, même si selon le chef de la diplomatie Dominic Raab, le Royaume-Uni a «des approvisionnements suffisamment diversifiés» pour faire face.

Incertitudes

Le gouvernement presse les entreprises de se préparer, mais à deux semaines du grand saut, elles se plaignent de ne toujours pas savoir à quel régime elles seront soumises.

«Il y a deux sortes d’incertitudes», explique Jonathan Portes, l’une concernant les règles en place et l’autre de savoir si les nouveaux systèmes mis en place seront opérationnels.

Même avec un accord, des perturbations restent «assez probables», selon lui.

Exceptions pour l’Irlande du Nord

Le Royaume-Uni et l’UE se sont accordés sur des dispositions permettant de faciliter grandement la circulation des biens entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord en cas d’absence d’accord commercial.

Selon la chaîne irlandaise RTE, «jusqu’à 98% des biens» circulant entre les deux territoires seraient exemptés de droits de douane.

A lire aussi...