Boris Johnson sur la sellette

John Plassard, Mirabaud & Cie

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Il semble que «l’affaire Pincher» soit l’affaire de trop pour l’ancien maire de Londres.

©Keystone

Le poste de premier ministre britannique était déjà chancelant après les «partygate». Il l’était plus encore après que l’inflation ait dépassé les 9% en juin dernier. Aujourd’hui, Boris Johnson se bat pour sa survie politique après la démission surprise de deux de ses principaux membres de cabinet et de deux autres membres du gouvernement. Ces démissions semblent être une action coordonnée contre le chef du parti conservateur, dans le cadre d'une longue série de tensions. Quelles en sont les conséquences politiques, monétaires et économiques?

Les excuses ne passent plus

Alors que Boris Johnson avait fait son mea culpa pour les fameux partygates, il a réitéré l’exercice et reconnu que la nomination de Chris Pincher au poste de Deputy Chief Whip avait été une «erreur», compte tenu des plaintes antérieures concernant sa conduite. Cependant, la «pilule» ne semble plus passer. Plusieurs analystes ont déclaré que l'impact de ces démissions était susceptible de briser le soutien dont M. Johnson disposait encore au sein du parti. Bien que les mécanismes permettant de le forcer à quitter ses fonctions soient compliqués et Boris Johnson n'a pas encore montré qu'il était prêt à se retirer de lui-même), la dynamique vient de devenir beaucoup plus difficile pour lui. Le premier ministre doit maintenant mener une bataille difficile pour restaurer son autorité malmenée.

L’inflation en ligne de mire

L’inflation en Grande-Bretagne est une véritable catastrophe pour le premier ministre, mais surtout pour la population. En effet, plus de 2 millions d'adultes au Royaume-Uni se sont privés de nourriture pendant toute une journée au cours du mois de mai parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de manger, selon une enquête révélant l'impact catastrophique de la crise du coût de la vie.

La dernière enquête sur la consommation alimentaire du pays montre une augmentation de 57% de la proportion de ménages qui réduisent leur consommation ou sautent des repas au cours des trois premiers mois de l'année. On estime qu'un adulte sur sept (7,3 millions) souffre d'insécurité alimentaire, contre 4,7 millions en janvier.

Le secrétaire d'Etat au travail et aux retraites, Jonathan Ashworth, a qualifié ces résultats de dévastateurs, en déclarant qu'ils montraient comment les familles étaient laissées dans une situation désespérée. «Boris Johnson est responsable de cette crise et n'a aucune solution pour la résoudre», a-t-il déclaré.

L'enquête a été réalisée alors que l'un des plus grands fournisseurs d'énergie britanniques a appelé le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour aider les ménages à faire face à une augmentation prévue de 1’000 livres sterling de leurs factures cet hiver. Les pompiers de Londres, quant à eux, ont été contraints de lancer un avertissement de sécurité urgent contre les feux improvisés à la maison, après qu'un homme ait mis le feu à sa maison en brûlant du bois dans son salon pour se réchauffer.

Pour mémoire, le taux d'inflation annuel au Royaume-Uni a augmenté à 9,1% en mai 2021, contre 9% le mois précédent, soit le taux le plus élevé depuis 1982.

Les coûts se sont accélérés pour le logement et les services publics (19,4% contre 19,2%); le transport (13,8% contre 13,5%); l'alimentation et les boissons non alcoolisées (8,6% contre 6,7%); les meubles et les articles ménagers (10,5% contre 10,3%); et les boissons alcoolisées et le tabac (5% contre 4,4%).

Impacts

Une démission de Boris Johnson aura bien évidemment plusieurs impacts en Grande-Bretagne, ce d’autant plus qu’une nouvelle élection ne pourra pas avoir lieu immédiatement, ce qui laissera place à une longue période d’incertitude qui pourrait être caractérisée par la faiblesse de  la livre sterling, la hausse de l’inflation (la Banque d’Angleterre table sur une inflation de plus de 10% avant la fin de l’année, chiffre qui pourrait être «dopé» par la baisse de la Livre sterling (inflationniste), la hausse agressive des taux d’intérêt et des rendements des Gilts, des exportations en hausse et une baisse du secteur des PME britanniques.

Qui pour lui succéder?

En juin 2022, à la suite d'une série de scandales sans rapport les uns avec les autres, le premier ministre a survécu à un vote de défiance de la part de ses collègues législateurs conservateurs, mais le répit que cela lui a donné s'amenuise rapidement. Cependant, les députés conservateurs ne peuvent pas en demander un autre avant un an (juin 2023), à moins que les règles du parti ne soient modifiées.

Cela signifie que la pression exercée sur lui pour qu'il démissionne au sein de son propre gouvernement (y compris les démissions ministérielles comme celles de mardi) pourrait être la seule méthode efficace pour le forcer à partir.

Le sort de Boris Johnson pourrait dépendre du soutien que lui apporteront les autres membres de son cabinet. Quoi qu’il en soit, s’il devait être amené à démissionner, voici ceux qui pourraient être les prétendants à sa succession (selon l’agence Bloomberg).

Jeremy Hunt, favori des bookmakers, est le conservateur qui a fait le moins d'efforts pour cacher ses ambitions de leadership ces derniers mois. Liz Truss, est une conservatrice partisane de l'économie de marché qui est la coqueluche de la base du parti, ayant été en tête du classement des ministres du ConservativeHome pendant un an, jusqu'en février. Elle est la deuxième favorite chez les bookmakers.

Sorti de l'ombre par Boris Johnson et nommé chancelier de l'Echiquier - son premier poste de ministre - en février 2020, M. Sunak, était autrefois le principal candidat à la succession de son patron. Il s'est fait connaître pendant la pandémie après avoir débloqué des dizaines de milliards de livres de largesses gouvernementales pour aider les entreprises et les travailleurs. Si quelqu'un d'extérieur au cabinet actuel devait prétendre au poste suprême, Penny Mordaunt, apparaîtrait comme une candidate probable, car elle est l'une des députées les plus populaires parmi les membres du parti conservateur. Actuellement ministre du Commerce, Mme Mordaunt a récemment effectué une tournée aux Etats-Unis, dans le but de conclure des mini-accords Etat par Etat pour ouvrir le commerce. Il y a un an, le secrétaire à la défense Ben Wallace, figurait sur peu de listes de candidats à la direction du parti conservateur. Mais il s'est montré compétent dans la réponse de la Grande-Bretagne à l'invasion de l'Ukraine par la Russie et, avant cela, dans la crise de l'évacuation de l'Afghanistan.

Le secrétaire à la Santé Sajid Javid, est un autre homme de cabinet expérimenté, ayant dirigé six ministères et s'étant classé quatrième dans la course à la direction de 2019. Thatchérien, il est célèbre pour avoir un portrait de l'ancienne première ministre sur le mur de son bureau. Nadhim Zahawi est né à Bagdad de parents kurdes. Il est arrivé au Royaume-Uni à l'âge de neuf ans, incapable de parler anglais, lorsque sa famille a fui le régime de Saddam Hussein. Millionnaire autodidacte, M. Zahawi a suivi une formation d'ingénieur chimiste à l'University College de Londres et a cofondé l'institut de sondage YouGov. Tom Tugendhat, ancien soldat qui a combattu en Irak et en Afghanistan et qui préside la commission parlementaire des affaires étrangères, a été le premier à annoncer qu'il se présenterait à une éventuelle course à la direction. Elu pour la première fois en 2015, Tom Tugendhat a soutenu le maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE.

Concernant la cote de popularité de Boris Johnson, elle est au plus bas depuis son élection avec une cote d’amour de 23% alors que 71% des britanniques ne sont pas satisfaits de son action en tant que premier ministre.

Boris Johnson est sur la sellette. Si cela paraît assez évident, c’est encore plus évident qu’il y a seulement un mois. Il semble que «l’affaire Pincher» soit l’affaire de trop pour l’ancien maire de Londres. Si ce dernier pouvait encore se «targuer» de ne pas avoir de prétendant à sa succession, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

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