Attention au risque de drawdown

Salima Barragan

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Selon Michaël Nizard d'Edmond de Rothschild Asset Management: «le drawdown est la principale mesure de risque à maîtriser».

 

La continuité de la période d’euphorie boursière de 2017 ne semble pas acquise. Un nombre croissant d’investisseurs s’inquiètent des risques de choc de marché. Pour ceux qui souhaitent maintenir leur exposition au marché actions, il est temps de se protéger. Avec un niveau de volatilité raisonnable, c’est le moment opportun pour se couvrir à bon prix contre les potentiels soubresauts du marché.

Mais quelle protection est la plus adéquate; et à quel prix? Car les investisseurs recherchent aussi une protection qui n’absorbera pas la performance de leur portefeuille. Chez Edmond de Rothschild Asset Management, l’on privilégie les stratégies optionnelles pour la convexité qu’elles offrent. Michaël Nizard, gérant d’un fonds Edmond de Rothschild dédié aux actions européennes, constate que les investisseurs recherchent de plus en plus cette propriété: «Ils sont prêts à réduire leur participation à la hausse des marchés contre l’assurance de l’atténuation des pertes». Le gérant estime que le risque le plus important à maîtriser est le drawdown, ou perte maximale successive. «Si l’on peut maitriser le drawdrown, la volatilité sera basse, mais l’inverse n’est pas automatiquement vérifié», souligne le gérant. Cette mesure donne l’amplitude de la perte successive maximale réalisée sur une période de 1 an. Elle se différencie de la VaR (Value at Risk) qui mesure la valeur à risque statistique selon un niveau de confiance déterminé.

Lors de période de valorisations historiquement élevées,
le besoin de couverture aura tendance à augmenter.
Les besoins de couverture évoluent en fonction des cycles de valorisation

Les options offrent une couverture adéquate compte tenu du marché actuel: les valorisations sont relativement élevées et la volatilité reste en dessous de sa moyenne (le VIX à 12,9 et le V2TX en Europe à 13,20). Lors de période de valorisations historiquement élevées (basses), le besoin de couverture aura tendance à augmenter (se réduire) du fait d’un risque de drawdown plus (moins) important. En effet, les phases de sur/sous valorisation renseignent sur l’asymétrie des risques et coïncident avec  les cycles de volatilité et le coût des assurances optionnelles. Une valorisation historiquement élevée sur les actions correspondra à des volatilités basses et représentera une opportunité pour le gérant de recourir davantage à des options convexes à bon compte. Mais dès que la volatilité remontera dans un marché en crise, il sera trop tard pour se couvrir à bon marché. Une approche adaptative s’avère donc nécessaire.

La stratégie dite «low volatility», qui mise sur les actions à faible volatilité, semble séduisante après les pointes de volatilité observées en janvier. Toutefois, pour Michaël Nizard, cette stratégie n’est pas idéale car elle est dépendante de l’environnement de taux d’intérêt. Les actions à basse volatilité – les bonds proxies – réagissent mal aux hausses de taux à l’instar des obligations. Similairement, les contrats à terme (futurs) utilisés pour se prémunir contre les aléas des prix, ne satisfont pas plus le gérant: «L’on ne peut pas gérer le risque de timing et l’on se retrouve désinvestis dès lors que l’on n’utilise pas les options pour se couvrir. Avec les options, nous réduisons le risque de market timing et si le marché augmente (baisse), notre exposition augmente (baisse) de concert». C’est l’esprit même de la convexité positive de la gestion protégée.

Gestion dynamique d’options

Michaël Nizard distingue deux risques de choc de marché - modéré et extrême - contre lesquels des couvertures optionnelles distinctes sont appliquées:

  • Les baisses de marché d’une amplitude de -5% à -15%  sont couvertes par une stratégie discrétionnaire d’achats de plage de couverture (puts spreads) de maturité inférieure à 1 an;
  • Les corrections de marché d’une magnitude de -20% à -50%  sont couvertes par des achats puts secs de maturité supérieure à 1 an.
«L’utilisation d’indices nous permet
de conserver l’expertise en sélection de titre.»

Le put spread est une stratégie qui combine des achats d’options de vente (put) avec des ventes d’options de vente (put) dont le prix d’exercice (strike) est plus faible permettant de se couvrir contre un risque de perte limité entre les deux prix d’exercice. Dans le cas de couvertures anti-crash, le gérant a recourt à des achats d’options de vente contre le risque de perte illimitée. «La mise en place de ces deux stratégies vise à nous permettre d’amortir 50% des drawdowns», explique Michaël Nizard. Les importantes corrections de marché étant statistiquement faibles (tails-risk), l’amplitude de la stratégie des puts secs dépendra du niveau du prix de l’option. «Nous achetons des puts secs lorsque les primes des options sont basses. Pour réduire les coûts de portage des couvertures, nous vendons des calls (option d’achat) à court terme pour tirer parti de certaines conditions de marché pendant lesquelles les volatilités des options sont particulièrement chères», détaille Michaël Nizard.

Concrètement, pour couvrir son allocation en actions européennes, le gérant utilise des options listées sur les indices eurostoxx 50 et footsie 100. Elles sont plus liquides que les options OTC (marché de gré à gré). «L’on exclut tout risque d’élargissement du e spread bid-ask». Il gère ainsi le risque systémique uniquement pour conserver l’alpha potentiel de la gestion active lié à la sélection de titres. «L’utilisation d’indices nous permet de conserver l’expertise en sélection de titre comme création de valeur sur le long terme. Si nous constatons des écarts dans les corrélations et un risque de base, l’on choisira des options sur le DAX ou le CAC 40 pour augmenter la granularité de nos couvertures, mais actuellement les corrélations de notre portefeuille restent élevées», conclut Michaël Nizard.