Abandon du LIBOR, quel impact?

Salima Barragan

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Selon Kevin Egan d'Invesco, les risques de transition vers un autre taux de référence sont limités.

Les prêts garantis de premier rang (senior secured loans) sont cautionnés par des actifs de l’entreprise émettrice. En contrepartie de cette sécurité, ils offrent des coupons flottants ajustés au taux interbancaire (LIBOR) à 3 mois. Mais dès le 31 décembre 2021, toutes les variantes du LIBOR seront supprimées. A cette date, la Financial Conduct Authority (FCA), chargée de superviser le LIBOR, n'exigera plus des banques qu'elles fournissent des offres LIBOR. Comment le marché va-t-il s'adapter à l’abandon du taux de référence? Le point avec Kevin Egan, Senior Portfolio Manager chez Invesco.

DE LIBOR A SOFR

Actuellement, le LIBOR est utilisé comme taux de base pour des centaines de milliards de dollars d'actifs, dont 4’000 milliards de dollars de prêts syndiqués et près de 700 milliards de dollars de CLO. Mais d’ici une année, le Secured Overnight Financing Rate (SOFR) remplacera le LIBOR en tant que taux de référence des prêts en dollar US. Conforme aux directives de l'Alternative Reference Rate Committee (ARRC) publiées en juin 2020, le SOFR est un taux à très court terme dont la structure de taux à terme devra être construite. «Il est basé sur les transactions du marché des pensions du Trésor, où les banques et les investisseurs empruntent ou prêtent des bons du Trésor au jour le jour», explique Kevin Egan.

Le risque de nouveaux taux de référence des contrats récents
non conforme aux recommandations de l’ARRC est gérable.
IMPACTS SUR LES ANCIENS ET NOUVEAUX PRETS

Les acteurs du marché des prêts planifiaient déjà sa transition pour une date bien antérieure. Selon Kevin Egan, la transition en cours n'a pour l’instant pas encore perturbé le marché des prêts de premier rang et les nouveaux contrats ont déjà anticipé le nouveau taux. «Dès le second semestre 2018, les nouveaux prêts de premier rang ont commencé à inclure des dispositions concernant l'abandon du LIBOR au profit d'un nouveau taux de remplacement en appliquant une clause de repli, ce qui facilite la modification du document et stipule que l'emprunteur et l'agent s'entendraient sur le nouveau taux, les prêteurs ayant généralement un droit de consentement négatif», explique-t-il.

En revanche, les anciens contrats de crédit en vigueur ne mentionnent aucune clause sur la succession du LIBOR. «Ces accords devront être modifiés avec l'approbation des prêteurs. Les créanciers d’anciens contrats sans clause de repli ont un vote affirmatif spécifique par opposition à un simple consentement négatif contre ce que l'emprunteur et l'agent ont convenu», rajoute-t-il. Si un actif n'a pas de clause de repli dans sa documentation, la transaction reviendra au taux préférentiel, qui est sensiblement plus élevé que le LIBOR (d’environ 300bps) incitant ainsi les emprunteurs à modifier la documentation des transactions si ces dernières ne comportent pas déjà la clause de repli.

QUE FAIRE?

Les investisseurs devront s'assurer que tous les investissements basés sur le LIBOR passent effectivement au langage de succession et de repli du LIBOR prescrit par l'ARRC. «Pour ce faire, notre équipe met en place une double approche, axée sur la surveillance et le suivi lors de l'inclusion du langage recommandé par l'ARRC dans la documentation des actifs détenus, puis au moment où les actifs se convertissent effectivement au taux de succession, c'est-à-dire le SOFR», détaille Kevin Egan.

Pour les prêts qui passent du LIBOR au SOFR, les recommandations comprennent un ajustement de l'écart pour rendre le SOFR plus comparable au LIBOR et sera une moyenne de la différence entre le LIBOR et le SOFR au cours des cinq dernières années.   

DES RISQUES FAIBLES

Excepté sur une minorité d’anciens contrats difficilement convertissables au taux SOFR, le spécialiste estime que le risque de nouveaux taux de référence des contrats récents non conformes aux recommandations de l’ARRC est gérable pour deux raisons: «Premièrement, les prêteurs pourront voter (par oui ou par non) sur la formulation de remplacement du LIBOR incorporée dans les contrats de crédit, et l'amendement devra être approuvé par une majorité de prêteurs dans la plupart des cas. Deuxièmement, les banques arrangeuses souhaiteraient une normalisation de toutes les transactions sur le marché afin d'éviter que leurs opérations ne se négocient mal par rapport à celles de leurs concurrents. Il est donc peu probable qu'elles soutiennent des amendements avec un langage de taux de remplacement autre que celui recommandé par l'ARRC», conclut-il.

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