«Le but est la voie»

Roger Frey, Quilvest (Switzerland) Ltd

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En Chine, l’évolution du marché immobilier et de ses promoteurs montre que Pékin a trop serré la vis.

Pour le monde occidental, l’économie de la Chine et son système politique ont toujours été et restent un paradoxe. C’est d’autant plus le cas depuis que la vision de la collectivité de Xi Jinping, connue depuis longtemps, se concrétise de plus en plus par des mesures, des sanctions ou des règlements spécifiquement renforcés. Du point de vue chinois, ce sont des corrections nécessaires à court terme sur le chemin du retour à la grandeur nationale, objectif suprême du Parti communiste. 

Les aspects sociaux ne sont pas non plus laissés de côté. Selon la doctrine de la collectivité, chacun doit apporter sa contribution, même la jeune génération qui, selon le Parti, passe trop de temps sur les jeux vidéos au lieu de travailler de manière productive pour atteindre l’objectif suprême. Les entreprises de soutien scolaire sont sanctionnées, car leurs coûts sont devenus prohibitifs pour la majorité de la population. La consommation sur internet et ses plateformes gagnent beaucoup d’argent et profitent de grandes libertés, sans toutefois comporter la puissance d’innovation nécessaire pour assurer le progrès technologique de la Chine.

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Des coûts de financement exorbitants dans le secteur immobilier

Les coûts de ces mesures de resserrement à court terme, parfois sévères, se reflètent dans les performances économiques actuelles et, finalement, sur les marchés financiers. La situation monétaire reste tendue et il n’y a pas grand-chose à attendre en matière de politique budgétaire. Les sites de production de matières premières et d’autres produits sont aux prises avec une faible utilisation de leurs capacités en raison du renforcement des réglementations environnementales, ce qui affecte parfois l’approvisionnement et les prix de l’énergie. 

L’évolution du marché immobilier et de ses promoteurs montre cependant que la Chine a trop serré la vis. La chute d’Evergrande et notamment le danger pour l’ensemble des secteurs de la construction et de l’immobilier pourraient entraîner des conséquences drastiques pour la Chine et son économie. Les coûts de financement sur les marchés obligataires internationaux sont devenus intenables pour les géants de la construction. Même les sociétés les plus prospères ne peuvent en effet supporter à long terme des taux d’intérêt bien supérieurs à 20%. De tels taux ou rendements avaient été constatés pour la dernière fois en 2012, pendant la dernière crise immobilière chinoise. De plus, on constate désormais également une insécurité croissante sur les marchés obligataires locaux, ce qui conduit à d’importantes décotes et à des coûts de refinancement élevés. 

Les investisseurs internationaux estiment qu’une entreprise de construction sur quatre fera faillite.
Pas de tarissement du marché obligataire international

Depuis quelques semaines, la Chine prend en fait des contre-mesures, ce qui signifie que les sociétés immobilières restantes, en particulier, bénéficient d'un soutien accru pour leurs activités commerciales.

Actuellement, les investisseurs internationaux estiment que pratiquement une entreprise de construction sur quatre fera faillite. Même si l’on estime que les obligations libellées en USD seront probablement traitées plus mal que la dette locale en cas de défaut, il s’agit là probablement d’hypothèses beaucoup trop pessimistes. Même le secteur immobilier chinois ne peut se permettre un tarissement de la source de financement que représente le marché obligataire international, ce qui est cependant une hypothèse si l’on se base sur les prix de ces obligations. 

«Way too big to fail»

Le secteur immobilier est considéré comme «way too big to fail», et on peut supposer que la Chine fera tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas provoquer une crise systémique. Ce faisant, il est probable qu’Evergrande, sous sa forme originale, disparaîtra et que l’Etat ne reprendra pas ses dettes. Mais que le même destin se reproduise pour pratiquement un quart des géants de la construction en Chine détournerait le pays de son objectif à long terme. Investisseurs sensibles s’abstenir, mais le haut rendement chinois mérite d’être acheté ici et maintenant.

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