Virus et euro fort, la BCE face à une équation compliquée

AWP

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L’institution monétaire va accorder aux banques de nouvelles vagues de prêts géants et bon marché, tandis que les taux d’intérêt continuent de naviguer à leur plus bas historique.

La virulence de la pandémie et l’appréciation de l’euro pèseront sur la réunion jeudi de la Banque centrale européenne, qui ne devrait cependant pas ajouter de nouvelles mesures à son cap monétaire très accommodant.

En décembre, la BCE a annoncé un nouveau renfort significatif de ses actions exceptionnelles pour soutenir l’économie de la zone euro, minée par la pandémie de Covid-19.

Sa principale arme, le programme d’achat d’urgence face à la pandémie (PEPP), destiné à maintenir des conditions de financement favorables, a été renforcée et prolongée.

L’enveloppe a été portée à 1.850 milliards d’euros, disponibles jusqu’à au moins mars 2022.

De même l’institution monétaire va accorder aux banques de nouvelles vagues de prêts géants et bon marché, tandis que les taux d’intérêt continuent de naviguer à leur plus bas historique.

Cet arsenal, qui permet notamment aux Etats d’emprunter à bas coût pour stimuler l’investissement et l’emploi, sera selon toute attente confirmée jeudi lors de la réunion du Conseil des gouverneurs.

Car la situation sanitaire teintée d’incertitude qui a conduit la BCE à muscler sa potion ne s’est pas améliorée depuis la fin de l’année, «au contraire», juge Ulrike Kastens, économiste chez DWS.

Reprise en question

Les espoirs de rebond économique nés du lancement des premiers vaccins contre le Covid-19 ont été émoussés par «l’augmentation du nombre de cas de contamination et la lenteur du déploiement de la vaccination», observe Andrew Kenningham, chez Capital Economics.

Cela pourrait signifier que les «restrictions restent en place au-delà du premier trimestre, auquel cas la reprise sera retardée», ajoute-t-il.

Ces craintes sont alimentées par la propagation de nouveaux variants du virus, aux effets mal connus, ainsi que des livraisons plus lentes que prévu des premières doses de vaccins.

La présidente de la BCE Christine Lagarde veut croire que les prévisions de croissance seront tenues. La banque table sur une hausse de 3,9% du PIB de la zone euro en 2021.

Mme Lagarde jugerait cependant «préoccupant» que les 19 pays de la zone soient contraints de maintenir des mesures de confinement au-delà du premier trimestre, a-t-elle dit la semaine dernière.

L’institution aura toujours les moyens d’ajuster de nouveau le rythme de ses rachats de dette sur le marché si elle «juge que les conditions économiques et financières requièrent un soutien monétaire plus important», juge Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.

Ce serait le cas si l’inflation demeure atone en raison d’une faible demande globale et de capacités de production inexploitées.

De plus, le niveau élevé de l’euro vis-à-vis du dollar «pourrait ajouter aux pressions déflationnistes et nuire à la reprise», observe Fabio Balboni, économiste chez HSBC.

Depuis fin février, la monnaie unique s’est appréciée de plus de 10% face au billet vert. Un euro fort fait baisser le coût des importations et rend les exportations moins compétitives.

L’inflation est en territoire négatif depuis le mois d’août alors que la BCE vise un niveau proche de 2% censé favoriser l’activité. Cet objectif lui échappe depuis 2013.

Inflation «surprise»

Pourtant les mois à venir devrait marquer le retour de l’inflation qui sera «la grande surprise de 2021», croit Carsten Brzeski, économiste chez ING.

Le début de l’année a été marqué par la fin du dispositif temporaire de baisse de TVA en Allemagne, qui va entraîner une hausse des prix dans la première économie de la zone euro.

L’indice des prix devrait également être tiré par la remontée des prix de l’énergie et le retour à une vie plus normale si les mesures de distanciation sociale sont levées.

Pas de quoi, pour autant, remettre en cause le cap monétaire accommodant de la BCE, estiment les économistes.

Car une augmentation «soutenue» de l’inflation «n’émergera probablement que très lentement», a prévenu récemment Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE.

L’institution de Francfort voit l’inflation en zone euro progresser très graduellement jusqu’à atteindre 1,4% en 2023, contraignant la banque à inscrire dans la durée sa politique monétaire avantageuse.

«Nos décisions de politique monétaire sont orientées vers un horizon à moyen terme», a ainsi observé la banquière allemande.

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