S&P va réévaluer la note de la France, cancre européen de la dette

AWP

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Parmi les autres agences de notation, Fitch classe également la France AA- avec perspective négative. Moody’s la classe Aa3, l’équivalent de AA-, avec perspective stable.

L’agence de notation S&P va réévaluer vendredi la note souveraine de la France, qu’elle avait assortie d’une perspective négative en février, alors que le pays n’a guère fait de progrès depuis, malgré les ferventes promesses du gouvernement.

Le 28 février, S&P avait assorti sa note AA- («bonne qualité» de crédit, NDLR) d’une perspective négative, signifiant qu’elle envisageait de dégrader cette note sans amélioration notable, en évoquant des finances publiques «sous pression» et «une stratégie budgétaire au-delà de 2025 incertaine».

Or aucun big bang budgétaire n’est survenu depuis.

Mardi, le Premier ministre François Bayrou, qui doit trouver 40 milliards d’euros l’an prochain entre l’Etat, la Sécurité sociale et les collectivités locales, a demandé sur BFMTV «un effort à tous les Français», en ouvrant la porte à une hausse générale de la TVA pour financer des dépenses sociales – la «TVA sociale».

Comme pour celui de cette année, le budget devrait être bâti après d’abondantes consultations des partenaires sociaux, mais aussi des partis politiques, pour éviter une nouvelle censure.

Lundi, la Cour des comptes a averti par ailleurs d’un risque de «crise de liquidité» de la Sécurité sociale l’an prochain en raison du dérapage «hors de contrôle» de ses dépenses.

«Questions annexes»

Son premier président Pierre Moscovici a jugé qu’il faut «arrêter de prendre ces sujets comme si c’était des questions annexes».

Selon les nouvelles projections économiques de la Commission européenne publiées le 19 mai, la France enregistrera le pire déficit public de la zone euro en 2025 et 2026, à respectivement 5,6% et 5,7% du PIB. Ces chiffres dépassent les engagements du gouvernement, qui vise 5,4% en 2025 et 4,6% en 2026, pour revenir sous 3% en 2029.

Ces projections, souligne Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, «montrent l’extrême insuffisance des mesures déjà votées pour assainir les finances publiques de la France».

Mais ce n’est pas tout: les charges d’intérêt sur la dette lui paraissent aussi «presque hors de contrôle», représentant 5,6% des recettes fiscales en 2025, les 5èmes plus élevées de la zone euro, contre 2% aux Pays Bas ou 2,7% en Allemagne - deux pays notés AAA, la note maximum.

De surcroît, même calculé hors charges d’intérêt, le déficit dit «primaire» de la France est estimé à 3,1% du PIB en 2025, supérieur à tous les autres pays de la zone euro, à part la Slovaquie, quand le Portugal ou l’Italie dégagent un surplus primaire.

«Laisser du temps»

Même si les marchés ne montrent pas d’inquiétude excessive sur la dette française actuellement, «il faut pour garder cette confiance éviter des perspectives d’emballement à la hausse du ratio de la dette publique», observe encore M. Dor.

Or, sur la base d’une croissance du PIB estimée par la Commission à 0,6% cette année - le gouvernement table encore sur 0,7% -, il faudrait que le déficit primaire ne dépasse pas 0,13% du PIB pour stabiliser la dette, calcule M. Dor. Une gageure, et «c’est pour cela qu’elle va augmenter de 113% du PIB en 2024 à 116% en 2025».

S&P appuiera-t-elle sur le bouton de la dégradation? Cela ferait basculer la France dans la catégorie des A (qualité moyenne supérieure, NDLR): «C’est embêtant car beaucoup de fonds et d’investisseurs institutionnels ont des règles strictes et privilégient le double AA, et cela pourrait provoquer une augmentation des taux» de financement de la France, selon Eric Dor.

Il estime pourtant que S&P va sans doute choisir de «laisser du temps» à la France, en attendant notamment l’issue du conclave sur les retraites et la présentation du budget.

Parmi les autres agences de notation, Fitch classe également la France AA- avec perspective négative. Moody’s, qui avait dégradé d’un cran le pays en décembre, la classe Aa3, l’équivalent de AA-, avec perspective stable, et n’a pas actualisé cette note lors de sa revue en avril.

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