Pétrole: le report de la réunion de l’Opep+ fait chuter les cours

AWP

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Sans fournir d’explication, le cartel a informé ce mercredi que son meeting destiné à fixer le prochain objectif de production était repoussé au 30 novembre.

La réunion ministérielle des pays producteurs de pétrole de l’alliance Opep+, initialement prévue dimanche à Vienne, a été reprogrammée au 30 novembre et l’annonce mercredi de ce report a fait chuter les cours du brut sur fond de signes de discorde.

Dans un bref communiqué, le cartel a informé mercredi de ce report de quatre jours, sans fournir d’explication.

Les treize membres de l’Opep, menés par l’Arabie saoudite, et leurs dix partenaires, conduits par la Russie, doivent décider de leur prochain objectif de production face à des prix du brut en berne.

Ce soudain changement de calendrier a précipité les cours du pétrole dans le rouge, le Brent, référence européenne du pétrole, et le WTI, son équivalent américain, perdant même environ 5% vers 15H00 GMT.

«L’incertitude n’est jamais bonne pour les marchés financiers, qui doivent maintenant ronger leur frein pour savoir ce que l’Opep+ fera l’an prochain», a commenté pour l’AFP Giovanni Staunovo, analyste d’UBS.

«Divergences» dans l’alliance

Ce report témoigne de «positions divergentes entre les participants du groupe», a souligné cet analyste. Cette situation de désaccords a été confirmée à l’AFP par deux sources au sein de l’Opep+ s’exprimant sous couvert d’anonymat.

L’alliance avait déjà reporté des réunions ministérielles, mais seulement d’un ou deux jours. Là, «c’est beaucoup», a noté Jorge Leon, analyste de Rystad Energy, qui y voit le signe de «discussions compliquées».

Devant le déclin des prix du brut depuis septembre, passés sous la barre des 80 dollars le baril, de nouvelles coupes de production sont attendues. Mais comment les mettre en oeuvre, et surtout comment mieux partager le fardeau entre les différents membres de l’alliance?

Au sein de l’Opep+, neuf membres ont réduit ces derniers mois leur volume de production, dont Ryad, Moscou, Bagdad ou encore Dubaï.

Mais c’est surtout l’Arabie saoudite qui a fait le gros des efforts en sabrant sa production d’un million de barils par jour supplémentaires depuis juillet.

Un geste alors qualifié par le facétieux ministre de l’Energie du royaume, le prince Abdelaziz ben Salmane, de «gâterie saoudienne».

Visiblement agacé par la tournure des événements, il a récemment «imputé la chute des cours aux spéculateurs», estimant qu’elle «ne correspondait pas aux fondamentaux du marché», a relevé Carsten Fritsch, analyste de Commerzbank.

Le vice-Premier ministre russe Alexandre Novak a fait entendre mercredi un autre son de cloche. Selon lui, «les prix du pétrole reflètent objectivement la situation actuelle».

«Ils se situent à un niveau suffisant et, par conséquent, le marché est équilibré. Mais nous discuterons de ces questions en détail lors de la prochaine réunion», a-t-il ajouté, cité par les agences de presse russes.

Fin des coupes saoudiennes?

Les cours du pétrole sont certes loin des niveaux atteints après l’invasion russe de l’Ukraine, quand ils avaient frôlé les 140 dollars. Mais ils restent au-dessus de la moyenne des cinq dernières années, malgré la récente baisse liée à des inquiétudes sur la demande, en particulier en Chine, premier importateur de brut au monde.

Pour les Saoudiens, la barre des 80 dollars est cependant critique. Jorge Leon rappelle que «le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que le seuil de rentabilité du prix du pétrole pour l’Arabie saoudite était de 86 dollars le baril».

Et les investisseurs craignent que, faute d’accord, «ils mettent fin à leurs coupes supplémentaires», a signalé Fawad Razaqzada, analyste de City Index, interrogé par l’AFP.

L’alliance avait déjà vacillé en mars 2020 quand l’Arabie saoudite, furieuse à l’égard de Moscou, avait inondé le marché d’or noir, précipitant les cours sous les 50 dollars, un niveau qu’ils avaient mis huit mois à retrouver.

Selon Fawad Razaqzada, «il est clair que le royaume n’est pas satisfait alors que d’autres membres de l’Opep+ ne respectent pas les réductions» annoncées précédemment.

La Russie rechignerait ainsi à mettre en oeuvre ses engagements, car elle a besoin de la manne pétrolière pour financer sa coûteuse guerre en Ukraine.

Les deux sources proches des discussions contactées par l’AFP ont également évoqué «des désaccords entre Ryad et des pays africains au niveau des quotas».

Certains membres voudraient pouvoir augmenter leur production. Lors de la dernière réunion de juin, les Emirats arabes unis avaient obtenu un relèvement de leur volume pour 2024, au détriment d’autres pays comme l’Angola, le Congo ou le Nigeria.

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