Les prix du blé, du maïs et des oléagineux sont repartis à la baisse ces derniers jours, après un léger rebond mi-juillet, sous la pression d’une offre s’annonçant plus abondante que prévu dans le monde malgré une moisson difficile en France.
A la Bourse de Chicago, le prix du blé tendre américain pour livraison en septembre est descendu lundi en séance à 5,14 dollars le boisseau, son plus bas niveau depuis l’été 2020. Les cours du maïs et du soja y sont aussi à des niveaux plus vus depuis près de quatre ans.
Côté européen, le cours du blé de meunerie pour l’échéance de septembre est repassé mardi sous la barre des 215 euros la tonne sur Euronext. Le maïs et le colza se replient aussi depuis plusieurs séances.
Les moissons en France, premier producteur de blé tendre de l’Union européenne, s’annoncent pourtant mauvaises: l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) évoquait dans un communiqué mardi une récolte «qui pourrait tomber jusqu’à 26 millions de tonnes contre 36 millions en moyenne» les années précédentes.
Le résultat final est encore incertain et sera probablement «très hétérogène» en fonction des régions, remarque Damien Vercambre du cabinet Inter-Courtage. «Mais on sait d’ores et déjà qu’on aura moins de blé à exporter», ajoute-t-il.
Mais dans le même temps, la récolte s’annonce abondante aux Etats-Unis, et moins mauvaise que craint initialement en Russie.
«Il y a encore quelques semaines, certains sur le marché craignaient que la récolte (russe) puisse descendre sous les 80 millions de tonnes», remarque Carsten Fritsch de Commerzbank dans une note publiée mardi. Mais le cabinet russe SovEcon «a relevé ses prévisions pour la seconde fois en une semaine, à 84,7 millions de tonnes», indique-t-il.
Pour lui, les prix ne devraient toutefois «pas tomber beaucoup plus bas» car «le marché ne pourra pas ignorer les mauvaises nouvelles sur la récolte française pendant encore très longtemps».
En attendant, les prix des céréales en provenance de la Russie, de l’Ukraine, de la Roumanie et de la Bulgarie restent généralement inférieurs aux prix des céréales d’origine européenne, ce qui «continue à faire pression» sur les cours d’Euronext, remarque Damien Vercambre.
La Chine scrutée
Les acteurs s’inquiètent aussi d’un ralentissement de la demande, en particulier de la part de Pékin.
Aux Etats-Unis, «le marché supposait que la demande de soja américain à l’export allait se redresser et que la Chine deviendrait un plus gros acheteur», relève Mike Zuzolo de Global Commodity Analytics and Consulting.
«Mais les courtiers réalisent maintenant qu’à fin juillet, la Chine achète du soja (...) sud-américain. Notre volume d’exportation de soja vers la Chine est inférieur de 25 millions (de tonnes) à ce qu’il était l’année dernière entre janvier et juin», détaille-t-il.
Le ralentissement de l’économie chinoise se fait aussi sentir en Europe.
«On leur avait envoyé énormément d’orge l’an dernier, là on a envoyé quelques bateaux mais pas ce qu’on attendait», observe Damien Vercambre.
Quelques pays comme la Tunisie, le Japon ou la Jordanie ont bien passé de récents appels d’offre «mais on attend de voir l’Egypte ou l’Algérie revenir», ajoute-t-il.
Le soutien apporté publiquement mardi par Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, qui pourrait provoquer une brouille diplomatique durable avec l’Algérie, est «un élément à suivre», relève le spécialiste: des tensions géopolitiques entre les deux pays se sont par le passé traduites par une baisse des commandes de blé français par Alger, explique-t-il.
Mais vu l’avancée des moissons en France cet été, le pays ne devrait de toute façon pas avoir beaucoup de blé à exporter, ajoute-t-il.
La baisse des cours du pétrole, au plus bas depuis près de deux mois en raison notamment des incertitudes sur l’économie chinoise, pèsent aussi sur le maïs et les oléagineux, dont une partie sert à faire du biodiesel.
«Mais si la guerre au Proche-Orient s’étend, le marché va probablement vite réinstaurer cette prime sur les cours du brut», ce qui aurait un impact sur les cours des produits agricoles, relève Mike Zuzolo.