Indexation des retraites reportée, dépenses de santé davantage maîtrisées, taxation des transports polluants: pour redresser les finances publiques, le gouvernement prévoit 60 milliards d’euros d’effort dans son projet de budget 2025, qu’il présentera le 10 octobre avec un retard inédit.
Les contours du prochain projet de loi de finances se précisent, au lendemain du discours de politique générale du premier ministre Michel Barnier et avant sa présentation en conseil des ministres, plus d’une semaine après l’échéance légale du 1er octobre en raison d’un calendrier bousculé par les législatives anticipées.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sera présenté le 10 octobre également, avant des débats qui s’annoncent houleux à l’Assemblée nationale, où le gouvernement est dépourvu de majorité absolue.
Pour réduire le déficit à 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2025 (soit un trou de quelque 150 milliards d’euros), après un creusement attendu à 6,1% cette année, le gouvernement prévoit un effort de 60 milliards d’euros, supporté par toutes les administrations publiques.
Plus des deux tiers du montant, soit 40 milliards d’euros, proviendront de réductions de dépenses et un peu moins d’un tiers (20 milliards d’euros), de hausses d’impôts.
Côté dépenses, environ un tiers des économies concerne la Sécurité sociale, avec comme mesure phare le report de six mois, au 1er juillet, de l’indexation des retraites, ce qui rapporterait 3 milliards.
Même si elle reste supérieure à l’inflation, la progression des dépenses d’assurance maladie (Ondam) sera davantage maîtrisée, à 2,8%.
«Précipice»
Le gros des économies sera fait par l’Etat, avec un peu plus de 20 milliards.
Le gel des crédits des ministères se traduira par une diminution des dépenses d’environ 15 milliards d’euros, tandis que des économies supplémentaires de 5 milliards leur seront demandées, avec des baisses d’effectifs à la clé. Les opérateurs de l’Etat devront freiner leurs dépenses à hauteur de 1 milliard d’euros.
Les collectivités locales porteront le reste des économies, après avoir été accusées par le gouvernement sortant d’avoir contribué au dérapage du déficit public en 2024.
Le président d’Intercommunalités de France, Sébastien Martin, a estimé «entre 5 et 7 milliards d’euros» les économies demandées aux collectivités en 2025, dans une réaction à l’AFP. Sans y être «opposé», il demande cependant à l’Etat de ne pas leur «imposer» parallèlement des dépenses supplémentaires, comme il l’a fait en 2022 et 2023 en revalorisant le salaire des fonctionnaires.
L’effort prévu en 2025 est considérable après des économies de 10 milliards d’euros déjà actées en 2024 par le précédent gouvernement et le gel de 16,5 milliards de crédits, que son successeur pourra annuler en tout ou partie.
Michel Barnier a prévenu mardi que si rien n’est fait, la dette «colossale» de la France (112% du PIB ou 3228,4 milliards d’euros fin juin) risque de la placer «au bord du précipice».
Préconisant surtout de tailler dans les dépenses, il a aussi brisé, au nom de la «justice fiscale», le tabou macroniste d’une hausse de la fiscalité: une participation «exceptionnelle» sera demandée aux «grandes entreprises qui réalisent des profits importants» et aux «Français les plus fortunés.
Risque de récession?
Des mesures pour verdir l’économie sont également prévues pour 1,5 milliard d’euros. Elles viseraient les transports très polluants, notamment un durcissement du malus sur les véhicules les plus émetteurs de CO2, alors que le secteur aérien s’attend à être taxé d’un milliard supplémentaire.
Championne européenne des dépenses publiques, la France verrait leur part refluer légèrement de 56,8% du PIB en 2024 à 56,3% l’an prochain grâce à ces efforts.
Dans le viseur de Bruxelles pour son déficit excessif et des agences de notation, le pays devrait voir sa dette frôler les 113% du PIB en 2024 et 115% l’an prochain, avant de décroître à mesure que le déficit baissera jusqu’à moins de 3% du PIB en 2029, conformément aux règles européennes.
Tout en permettant d’«assainir» les finances publiques, les mesures de redressement risquent aussi de «pousser l’économie vers la récession», a prévenu Capital Economics dans une note.
La croissance économique est attendue à 1,1% en 2025, comme cette année, sur fond de recul de l’inflation de 2,1% à 1,8% en moyenne annuelle.
Certaines mesures du PLF seront introduites par amendements gouvernementaux lors du débat parlementaire. Le calendrier devenait trop serré pour faire autrement car le Parlement doit disposer de 70 jours pour débattre du budget en vue d’une promulgation de la loi avant le 1er janvier 2025.