En Allemagne, la coalition tangue autour du budget

AWP

2 minutes de lecture

Les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux (FDP), qui composent cette alliance arrivée au pouvoir en 2021, se sont donné jusqu’au 3 juillet pour trouver un accord.

Chronique d’un éclatement annoncé? En Allemagne, l’impopulaire coalition du chancelier Olaf Scholz se déchire au sujet du projet de budget 2025 qui cristallise les tensions entre des partenaires de moins en moins capables de compromis.

Les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux (FDP), qui composent cette alliance arrivée au pouvoir en 2021, se sont donné jusqu’au 3 juillet pour trouver un accord.

Une gageure, tant les positions sont éloignées.

Dépenses sociales, défense, diplomatie... Le ministre des Finances libéral Christian Lindner demande à ses homologues près de 30 milliards d’euros d’économies, ce que les écologistes et la parti du chancelier refusent catégoriquement.

Ce blocage menace l’existence même de la coalition, avant les prochaines législatives prévues à l’automne 2025 et au moment où le voisin français affronte une crise politique après la dissolution décidée par Emmanuel Macron.

«Moment de bascule»

«Ces discussions vont décider de l’avenir de la coalition aux responsabilités», a résumé cette semaine le quotidien Süddeutsche Zeitung (centre-gauche).

Le budget 2024 avait lui-même été adopté à l’issue d’une crise politique. Mais après leur déroute aux élections européennes de juin, les trois partenaires refusent la moindre concession.

«C’est un moment de bascule pour la coalition, tout le monde est déjà en situation de précampagne et campe sur ses positions pour fédérer son électorat», explique à l’AFP Éric-André Martin, spécialiste de l’Allemagne à l’Ifri.

Olaf Scholz est ainsi sous pression de l’aile gauche de son parti pour défendre les dépenses sociales, avant trois scrutins régionaux en septembre dans l’est de l’Allemagne qui pourraient tourner à la débâcle face à une extrême droite conquérante.

Si la situation est «beaucoup plus difficile que d’habitude», c’est aussi à cause du «contexte économique tendu», souligne Jacques-Pierre Gougeon, expert de la politique allemande au centre de recherche Iris.

L’atonie de la croissance allemande, après une récession l’an dernier, réduit les marges de manoeuvre financières.

Les recettes fiscales sont 11 milliards d’euros moins importantes que prévues, selon le ministère des Finances.

De plus, un retentissant arrêt de la Cour constitutionnelle en novembre dernier a annulé 60 milliards d’euros d’investissements d’avenir, réduisant la possibilité de contracter des dettes.

«Fatal»

«Ces discussions pourraient faire éclater la coalition et plonger l’Allemagne dans une grande incertitude politique et économique», affirme à l’AFP Marcel Frazscher, président de l’institut économique DIW.

Les débats s’articulent notamment autour du «revenu citoyen», une prestation minimale pour personnes sans emploi. M. Lindner veut restreindre ce dispositif qu’il juge trop cher et pas assez «incitatif» pour retrouver un emploi.

Impossible à accepter pour les sociaux-démocrates: cette mesure était lors de la campagne de 2021 la pierre angulaire du projet du parti de «rendre l’Allemagne plus juste», afin de séduire à nouveau les classes populaires.

«Les sociaux démocrates ne peuvent pas se permettre politiquement d’y renoncer», estime M.Gougeon.

De son côté, le ministre de la Défense Boris Pistorius demande une augmentation de son budget et appelle à sortir les dépenses militaires du frein à l’endettement, qui empêche l’État de s’endetter à 0,35% de son PIB chaque année.

«Il serait fatal que dans quelques années, on se dise qu’on a sauvé le frein à l’endettement au détriment de l’Ukraine et de l’ordre de sécurité européen», s’est aussi alarmée la ministre des Affaires Étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock.

Mais toute réforme de ce «frein à l’endettement» est refusé catégoriquement par M. Lindner et les libéraux, pour qui cette règle est «une question existentielle» vis-à-vis de leurs électeurs, selon M. Gougeon.

Le ministre des Finances a toutefois promis mercredi de «ne pas économiser» dans la défense.

Une nouvelle séquence de négociations est prévue dimanche entre Olaf Scholz, son vice-chancelier écologiste Robert Habeck et le ministre des Finances.

Objectif: éviter que «la crise budgétaire ne se transforme en crise de confiance» et aboutisse à des élections anticipées, estime le quotidien de gauche TAZ.

Seul espoir de compromis: «les partis au pouvoir savent qu’ils seraient balayés s’il y avait de nouvelles élections et voudront les éviter», estime M.Gougeon.

A lire aussi...