Budget de l’Italie: Bruxelles réclame des réponses

AWP

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Le Premier ministre Giuseppe Conte attend le verdict de l’agence S&P vendredi alors que le Commission européenne compte obtenir des réponses sur son budget.

© Keystone

Bruxelles attend des réponses de l’Italie avant ce lundi midi sur son budget, jugé nettement hors des clous européens, mais la situation s’est un peu détendue pour Rome sur le front des marchés financiers.

Ceux-ci étaient rassurés par le fait que l’agence américaine Moody’s, qui a dégradé vendredi soir la note de l’Italie, n’a pas accompagné cette baisse d’une perspective négative. Ceci signifie que l’agence, malgré ses inquiétudes sur les choix budgétaires de Rome, ne devrait pas dégrader de nouveau sa notation dans les six mois à venir.

A 10h25 (08h25 GMT), la Bourse de Milan gagnait 0,66%, après avoir ouvert en hausse de 1,82%. Le spread, le très surveillé écart entre les taux italien et allemand à dix ans, était lui en recul, à 298 points contre 313 vendredi soir.

«Moody’s a abaissé d’un cran la note de l’Italie, à Baa3, mais l’a mise sous perspective stable alors que les investisseurs craignaient une perspective négative. En soi, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle», a souligné Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.

«En outre, le commissaire européen Pierre Moscovici a essayé d’aplanir les angles avec Rome en soulignant que l’UE n’interfèrerait pas dans la politique économique italienne, ouvrant ainsi la porte à un règlement apaisé du conflit entre l’Italie et la Commission», a-t-il indiqué.

Bruxelles a entamé jeudi un bras de fer avec Rome en réclamant officiellement des «clarifications» sur son budget.

La Commission européenne a fait état d’un dérapage budgétaire «sans précédent» et pointé un risque de «non-conformité grave» avec les règles européennes. Ceci pourrait l’amener à rejeter ce budget, ce qui serait une première dans l’histoire de l’UE.

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte a convié les médias étrangers à une conférence de presse à Rome à 10h00 GMT, l’heure limite fixée par la Commission pour obtenir des précisions sur ce projet de budget jugé trop dispendieux.

Dans la ligne de mire de Bruxelles comme de Moody’s: le programme anti-austérité engagé par le gouvernement d’alliance entre la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème).

Il prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour le précédent gouvernement, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021.

Au coeur de l’Europe

La coalition entend mettre en oeuvre ses promesses électorales (départ en retraite facilité, revenu de citoyenneté...) et donner ainsi un coup de fouet à la croissance à travers la demande et les investissements.

Mais l’Italie ploie déjà sous une dette de 2.300 milliards d’euros, qui représente quelque 131% de son PIB.

Pour ne rien arranger, les prévisions de croissance du gouvernement sont jugées beaucoup trop optimistes: 1,5% en 2019 contre 1% prévu par la plupart des observateurs, dont le FMI.

«Je conçois que dans un pays où il y a six millions de pauvres, on mette en place des plans de lutte contre la pauvreté (...). Le besoin de faire des investissements dans les infrastructures en Italie est tout à fait massif», a reconnu lundi matin M. Moscovici sur France Inter.

Rome «pense qu’augmenter les dépenses publiques va créer de la croissance», mais «nous sommes dans une période de surchauffe et l’opinion de la plupart des économistes, c’est que ça ne sera pas le cas», a-t-il noté.

Cependant, «la Commission européenne ne veut pas d’une crise entre Bruxelles et Rome», a assuré M. Moscovici: «La place de l’Italie est au coeur de l’Europe et pas à l’extérieur».

«Sans règles communes, il n’y a pas de zone euro: c’est la raison pour laquelle il faut naviguer entre ces deux impératifs: éviter la crise avec Rome (...) et rester dans le cadre des règles communes», a-t-il ajouté.

En raison des inquiétudes autour de la politique de la coalition populiste, le spread, qui était à quelque 150 points en mai, a doublé, et la Bourse de Milan a perdu 21% sur cette période.

Après Moody’s, c’est sa rivale Standard & Poor’s qui doit se prononcer vendredi soir.

Erik Nielsen, chef économiste à la banque italienne UniCredit, estime que S&P changera seulement sa perspective de stable à négative, mais la plupart des autres analystes interrogés tablent, comme pour Moody’s, sur une baisse de la note d’un cran.

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