Après le virage de juin, la BCE en pilotage automatique

AWP

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Devant la presse jeudi, Mario Draghi, président de la BCE, pourrait être poussé à justifier les choix d’une institution jalouse de son indépendance.

La Banque centrale européenne (BCE) devrait afficher jeudi un optimisme mesuré sur la conjoncture, sans dévier d’un millimètre du retrait programmé de ses vastes mesures de soutien à l’économie.

Pauvre en décisions, la réunion des gardiens de l’euro interviendra néanmoins dans un contexte houleux après les nouvelles attaques du président américain Donald Trump qui a qualifié vendredi dernier les Européens d’«ennemis», critiquant leur politique monétaire et menaçant de surtaxer des produits du Vieux Continent.

Devant la presse jeudi, Mario Draghi, président de la BCE, pourrait être poussé à justifier les choix d’une institution jalouse de son indépendance.

Il devrait aussi insister, comme lors de précédentes interventions, sur les risques représentés par les mesures protectionnistes croisées entre Washington et ses principaux partenaires, qui n’ont pas reculé d’un iota après la dernière réunion ce week-end dernier du G20 Finances à Buenos Aires.

M. Draghi s’exprimera d’ailleurs au lendemain d’une rencontre du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker avec Donald Trump à Washington dans l’espoir de désamorcer le conflit commercial.

Pilotage automatique

Côté politique monétaire, inutile d’espérer de nouvelles décisions: l’institution gardienne de l’euro devrait se mettre pour un moment en «pilotage automatique», estime Dirk Schumacher, économiste chez Natixis.

Pour les prochains mois, sa principale tâche sera de mener à bien sans heurts l’abandon d’ici la fin de l’année de son gigantesque programme de rachats d’actifs, le «QE», amorcé lors de sa réunion de juin en Lettonie.

La BCE, qui a déversé plus de 2.400 milliards d’euros depuis mars 2015 pour soutenir la croissance en zone euro, doit réduire son rythme mensuel d’achats nets de 30 à 15 milliards d’euros en octobre, avant de tout arrêter fin décembre.

Les taux d’intérêt devraient eux rester à leur plus bas niveau «au moins» jusqu’à la fin de l’été 2019, une échéance que précisera l’institut de Francfort en fonction de l’évolution de la situation économique.

Car les incertitudes demeurent nombreuses, et «la discussion sur le caractère durable de la reprise» et sur l’accélération de l’inflation «va se poursuivre» jeudi, prévoit Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.

La principale question est de savoir si la croissance économique va repartir en zone euro, après un net tassement entre janvier et mars, à +0,4% contre +0,7% au trimestre précédent.

Le taux d’inflation, unique objectif fixé à la BCE, est par ailleurs remonté à 2% en juin. Mais débarrassé de l’énergie et de l’alimentation, deux composantes très instables, il est descendu à 0,9% contre 1,1% le mois précédent, une tendance guère encourageante.

Rendez-vous au deuxième semestre 2019

L’institution de Francfort, qui vise une hausse des prix légèrement inférieure à 2% sur le moyen terme, persiste à croire que la croissance des salaires va finir par faire monter les prix, sans que ce phénomène n’apparaisse nettement jusqu’à présent.

Dans ce contexte, les spéculations vont déjà bon train sur l’échéance de la prochaine hausse de taux, qui sera la première depuis 2011.

Deux responsables de la BCE ont apporté une réponse légèrement divergente à la question, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, voyant une hausse intervenir «l’été prochain au plus tôt», quand Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, a estimé que les attentes du marché calées sur octobre 2019 - juste avant la fin du mandat de M. Draghi - lui semblaient correctes.

«En vérité, si certains membres (du conseil des gouverneurs) sont impatients de voir les taux d’intérêt relever, la grande majorité» attend de «juger selon les données reçues», estime Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics.

A ce stade, «la BCE ne prendra pas le risque ici d’expliciter quoi que ce soit», estime Dirk Schumacher. Alors que ses annonces de juin n’ont pas donné lieu à de forts mouvements de marché, «il ne sera pas nécessaire d’intervenir jeudi prochain pour les calmer».

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