Sauve qui peut dans l’intelligence artificielle: les marchés financiers reculent lundi sous le coup du plongeon des mastodontes technologiques, sonnées par la montée en puissance d’une start-up chinoise, qui a dévoilé la semaine dernière un modèle concurrent de ceux de l’américain OpenAI.
Menacé par cette concurrence bien moins chère, Nvidia, géant des semi-conducteurs américain fournissant les puces nécessaires au développement de l’intelligence artificielle, voyait vers 16H50 GMT son titre sombrer de 17,11%.
L’entreprise a perdu plus de 500 milliards de dollars de valorisation.
Les autres géants de la tech américains, qui ont investi des milliards d’euros dans le développement de l’intelligence artificielle, plongeaient aussi vers 17H00 GMT, à l’image de Microsoft (-3,78%), Amazon (-1,06%) et Alphabet (-2,93%). Seul Meta se reprenait, après avoir reculé à l’ouverture(+1,56%).
L’indice américain Nasdaq, à dominance technologique, chutait de 3,11%. Le S&P 500 perdait 1,80%. Le Dow Jones s’affichait lui à l’équilibre.
«On peut parler de mouvement de panique», explique à l’AFP Eymane Cherfa, analyste de Myria AM.
«La nouvelle est potentiellement très significative» et «tout d’un coup, le marché prend un virage dans sa thèse d’investissement» dans le secteur de l’IA, commente Raphaël Thuin, directeur des stratégies de marchés de Tikehau Capital.
En Europe, Paris a perdu 0,27%, Francfort 0,53% et Amsterdam 0,72%. Londres est restée à l’équilibre (+0,02%), tout comme Milan (-0,03%). A Zurich, le SMI a gagné 1,05%.
Somme «dérisoire»
DeepSeek a été conçu par une start-up basée à Hangzhou (est de la Chine) une ville connue pour sa forte concentration d’entreprises technologiques. Selon une publication de DeepSeek détaillant son développement, son modèle n’a été entraîné qu’avec une fraction des puces utilisées par ses concurrents occidentaux.
Or, nombre d’analystes pensaient que l’avantage des États-Unis en matière de production de puces hautes performances, ainsi que leur capacité à limiter l’accès de la Chine à cette technologie, garantirait leur domination en matière d’IA.
«Les marchés se rendent compte que l’exceptionnalisme américain peut être remis en question», selon Eymane Cherfa, de Myria AM.
D’autant que DeepSeek a déclaré n’avoir dépensé que 5,6 millions de dollars pour développer son modèle, ce qui interroge les investisseurs sur les milliards dépensés par les groupes américains dans l’intelligence artificielle ces dernières années.
«La baisse des coûts est une bonne nouvelle sur la tendance long terme de l’IA. En revanche, ça interroge sur la valorisation et le positionnement qui entoure la tech américaine», abonde Raphaël Thuin.
D’autant que le secteur est sous les projecteurs cette semaine, Microsoft, Meta, Tesla et Apple publieront leurs résultats et tiendront des conférences à cette occasion.
«DeepSeek devrait maintenant devenir le sujet principal» et «les entreprises devront expliquer comment elles comptent monétiser l’IA dans un monde qui pourrait ne pas être dominé par OpenAI et les États-Unis», ajoute Jochen Stanzl, analyste pour CMC Market.
Incertitude
Tous les secteurs qui soutiennent la croissance de l’IA sont en repli lundi et sur toutes les places financières.
La branche des semi-conducteurs, dont une grande partie de la croissance est liée à la demande pour l’IA en puces électroniques, a souffert. A Amsterdam, ASML a chuté de 7,01%, ASM de 12,15%, BE Semiconductor Industries de 8,17%. Soitec a reculé de 1,06% à Paris et Infineon de 1,91% à Francfort.
A Wall Street, Broadcom dévissait vers 16H50 GMT de 16,02%, AMD lâchait 6,25%, Micron décrochait de 11,17% et Marvell Technology sombrait de 16,72%.
Les géants français des équipements électriques, dont le développement de centres de données pour l’IA constituent une perspective majeure, Schneider Electric (-9,48%) et Legrand (-7,03%), ont reculé très fortement à Paris. A Francfort, Siemens Energy a sombré de 20,21%.
Dans ce contexte de forte incertitude, les obligations d’État, valeurs refuges, étaient demandées, ce qui fait reculer leurs taux d’intérêt. L’emprunt américain atteignait 4,54%, contre 4,62% la veille en clôture.