Une culture très européenne

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Il y a beaucoup plus à faire à Zurich, en Italie, en Espagne, au Luxembourg ou en Angleterre qu’en Asie» estime Frédéric de Poix de Notz Stucki.

Notz Stucki évolue. Mi-mai, la société de gestion genevoise annonçait la nomination de Frédéric de Poix à la tête du Wealth Management. Damiano Paternó Castello lui cédait la place pour se concentrer sur le développement en Suisse alémanique à partir de Zurich et siéger au conseil d’administration. Changement ou continuité? Quelques explications avec Frédéric de Poix.

Votre nomination à la tête du Wealth Management marque-t-elle une volonté de changer de direction ou au contraire d’assurer une continuité?

Notre société a une longue histoire, ce qui implique forcément qu’elle a vu et connu beaucoup de transformations. Pour autant, j’entends garder le même cap. Je connais bien Damiano - que je suis appelé à remplacer - et nous travaillons ensemble depuis de longues années, dès 2013 lorsque j’ai rejoint Notz Stucki. Sans compter que, dans une autre vie, nous avons collaboré chez Morgan Stanley. Nous sommes donc tous les deux sur la même longueur d’ondes.

«Même si la place financière zurichoise ne nous a pas attendus pour se développer,
le face à face avec les grands gérants alémaniques ne nous fait pas peur.»
Notz Stucki annonçait récemment que la Suisse alémanique devenait un «pôle de développement stratégique». Pourrez-vous faire face aux grands gérants zurichois?

Pour commencer, je dirais qu’on ne peut pas être en Suisse sans être à Zurich, raison pour laquelle Damiano s’y installe pour développer tant le Wealth Management que l’Asset Management auprès d’une clientèle institutionnelle. Même si la place financière zurichoise ne nous a pas attendus pour se développer, le face à face avec les grands gérants alémaniques ne nous fait pas peur. Peu de sociétés peuvent revendiquer un historique et des performances comme les nôtres. Nos ambitions sont fortes mais nous pensons avoir les moyens de ces ambitions.

Vous avez fermé votre bureau de Singapour. Comment orientez-vous votre développement régional – bassin alémanique excepté?

Nous avons fermé Singapour quand nous avons compris que notre métier était très culturel et que notre style de gestion ne convenait pas au marché asiatique. Il y a beaucoup plus et mieux à faire à Zurich ainsi qu’en Italie, en Espagne, au Luxembourg ou en Angleterre où nos bureaux de gestion privée apportent une vraie valeur aux clients.

A quelle clientèle vous adressez-vous?

Historiquement à une clientèle privée suisse et européenne dont nous avons beaucoup travaillé la typologie. Nous venons d’ouvrir les comptes d’une 3e génération - petites -filles et petits-fils – de familles qui nous font confiance depuis bien longtemps. Notre clientèle compte aussi pas mal de professionnels de la finance, en raison de notre savoir-faire en matière de hedge funds. Nous avons également développé un volet purement institutionnel pour lequel nous construisons des solutions sur mesure.

«En ces temps de turbulence extrême, la gestion alternative
a été à la hauteur de ses promesses et a bien défendu les portefeuilles.»
Après 10 ans de suprématie des stratégies long only (et des ETF), l’année 2020 marque-t-elle le retour de la gestion alternative?

En ces temps de turbulence extrême, la gestion alternative a été à la hauteur de ses promesses et a bien défendu les portefeuilles: notre fonds long/short européen affiche une performance positive. Même si nous traitons également les fonds long only depuis 2010, l’alternatif appartient à notre tradition et nous y sommes continûment présents car il y a toujours eu, de génération en génération, de grands gérants de hedge funds - comme TCI ou Egerton - offrant l’opportunité de livrer des performances régulières. Avec l’assimilation de JAM Research, acquis l’an dernier, nous avons désormais accès à une nouvelle génération de gérants alternatifs, plus jeunes, plus tournés vers les nouveaux marchés comme l’Asie. Ce n’est pas qu’une histoire d’intégration, mais aussi de nouvelles synergies, un renouvellement permanent.

Qu’en est-il de votre gestion long only?

Après une très belle performance l’an dernier, nous avons réorienté la gestion sur les thèmes du futur dès février. Vers la pharma, la tech et la consommation.

Songez-vous à une extension de l’offre de solutions d’investissement. Vers le private equity ou la private debt?

Nous tenons à faire ce que nous faisons bien: notre métier de gérants actifs et de sélectionneurs de fonds. Nous laissons le reste à d’autres pour le moment.

Notz Stucki opère trois lignes de métier. Nous venons d’évoquer les deux premières. Comment se portent les activités de ManCo?

L’administration de fonds UCITS en marque blanche («white labelling») se développe très bien en Suisse, mais également de manière de plus en plus internationale, en Europe et jusqu’au Moyen-Orient et en Asie. 

«Nous avons beaucoup investi en infrastructure et en technologie
et sommes prêts à accueillir d’autres sociétés de gestion.»
Cherchez-vous toujours à vous profiler en consolidateur sur le marché des gérants indépendants?

C’est effectivement toujours le cas. Nous avons beaucoup investi en infrastructure et en technologie et sommes prêts à accueillir d’autres sociétés de gestion. L’intégration avec JAM Research s’est très bien passée mais la difficulté reste éternellement l’harmonie des personnalités. Nous aimerions en faire plus et avons quelques discussions en cours mais rien de formel.

Et en termes de croissance organique? Le système de rétention qu’ont mis en œuvre les banques ne vous gêne-il pas dans l’acquisition de nouvelles forces?

Le système de rétention opéré par les banques est bien plus fort qu’avant mais les bons banquiers ne manquent pas. Tous les recrutements que nous avons faits ces dernières années ont été couronnés de succès comme le démontrent nos afflux nets d’argent entrant. Ce qui nous différencie, c’est d’être une structure à taille humaine, mais surtout notre attachement à garder des relations privilégiées, sans oublier naturellement des performances très convaincantes

Quel sera l’impact de la crise actuelle? L’inflation sera-t-elle au rendez-vous?

Grâce à nos investissements technologiques, nous sommes passés de 10% à 90% du personnel en home office sans le moindre problème. Même conversion chez nos clients. Nos investissements sont devenus beaucoup plus sélectifs par secteurs. En matière d’inflation, nous observons beaucoup de tensions sur les coûts et sur les prix parallèlement à un afflux de liquidité. Mais le lien entre hausse des coûts et inflation n’est pas encore visible et nous savons que nous resterons encore longtemps en taux faibles ou négatifs. Il est donc difficile de prendre position aujourd’hui. Restons humble. Il y a trop d’inconnues. Qui aurait cru que les marchés pouvaient chuter autant et récupérer si vite? Dans ces situations, ce qui compte, c'est la rapidité de réaction et la capacité d'adaptation. C'est bien plus facile pour une structure lègère mais solide comme la nôtre.

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