Un «medical family office» à l’ère de la pandémie

Yves Hulmann

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Pour Robert Maciejewski de Swiss Insurance Partners, le COVID-19 a changé la perception sur l’importance de l’accès aux soins à l'international.

A la fin des années 1990, Swiss Insurance Partners (SIP) a été fondée comme une caisse maladie présente à l’internationale qui proposait ses services à des personnes actives dans différents pays, des expatriés ou des personnes fortunées qui disposent de plusieurs domiciles à travers le monde. Au fil des années, Swiss Insurance Partners a développé une approche qui présente de nombreuses similarités avec les «family office» actifs dans la gestion de fortune mais en l’appliquant au domaine de la santé. Quels sont les avantages d’une prise en charge globale des questions liées à la santé? Entretien avec Robert Maciejewski, directeur de Swiss Insurance Partners.

Swiss Insurance Partners se présente comme un «medical family office». Que recouvre ce concept?

A l’image des «family office», qui sont connus dans le domaine de la gestion de fortune pour protéger et planifier le patrimoine de leurs clients, un «medical family office» prend en charge l’ensemble des aspects en lien avec la santé pour le compte des individus et des familles mais aussi parfois pour les employés d’entreprises ou de sportifs, par exemple.

«Le système axé sur le bien-être des patients est passé à un système
basé sur l'aspect financier, pas toujours au bénéfice des patients.»

Nous protégeons et gérons leur santé à l'aide de programmes préventifs de pointe, notamment des tests génétiques, des tests pharmacogénétiques - qui permettent de vérifier si certains médicaments leur conviennent avant même qu’ils ne les prennent - et des programmes de contrôle réguliers. Nous participons aussi très activement aux développements les plus récents des thérapies et technologies de longévité et de lutte contre le vieillissement.

En outre, nous offrons l’accès à un réseau mondial des meilleurs spécialistes médicaux, dont nous avons personnellement vérifié les qualifications, et dont nous pouvons être sûrs qu'ils ne «sur-traiteront» pas les patients avec des opérations et des traitements inutiles. Malheureusement, cela est devenu un gros problème car les systèmes de soins de santé mondiaux sont passés d'un système axé sur le bien-être des patients à un système basé sur l'aspect financier, pas toujours au bénéfice des patients.

Pourquoi les personnes actives à l’international ne préfèrent-elles pas s’assurer auprès des caisses maladie existantes dans les différents pays où elles se rendent?

Différents problèmes vont rapidement se poser pour ces personnes. Par exemple, dans de nombreux pays, le libre choix du médecin – tel qu’on le connaît en Suisse – n’est pas proposé par la plupart des caisses maladie locales. Avec ces dernières, vous ne pouvez pas choisir le meilleur spécialiste global et vous devez donc vous contenter d’un traitement dans votre pays. En outre, quand quelqu’un change fréquemment de pays de résidence, notamment pour des raisons professionnelles, cela peut entraîner d’importantes complications, surtout lorsqu’il s’agit de personnes qui ont déjà eu des opérations ou des traitements. Pour les plus jeunes, ce n’est en général pas compliqué. Mais si vous avez déjà eu un antécédent de maladie, cela peut rapidement devenir un véritable casse-tête car si vous devez dénicher une nouvelle assurance dans un nouveau pays, les compagnies d'assurance vous refuseront ou excluront vos conditions actuelles. Un client de SIP a au contraire la garantie de ne jamais être confronté à une insuffisance de couverture, où qu’il se rende et il peut choisir d'être traité là où il est en mesure de trouver la meilleure option dans le monde.

«Le prix d'une couverture d'assurance maladie internationale peut aller jusqu'à 60'000
à 70'000 francs l’an pour les personnes qui ont des besoins très spécifiques.»
Avec quel budget faut-il compter pour bénéficier d’une telle couverture à l’international?

Cela dépend des situations. Le prix d'une couverture d'assurance maladie internationale démarre généralement avec une bonne assurance privée locale, entre 5000 et 10’000 francs selon l'âge du client, mais peut aller jusqu'à 60'000 à 70'000 francs l’an pour les personnes qui ont des besoins très spécifiques et qui souhaitent la meilleure couverture mondiale possible. Pour les dossiers plus complexes, tels que ceux impliquant des athlètes professionnels de haut niveau dans des sports à risque, les coûts peuvent toutefois dépasser ce montant. Les prix de nos services de «family office» médical se veulent très compétitifs: une adhésion sur l'année commence par un forfait mensuel d'environ 250 dollars comprenant des consultations illimitées et SIP agissant comme le véritable «protecteur» de la santé de ses clients. Un montant qui peut aller jusqu'à 24'000 euros par an si d'autres services de conciergerie s'avéraient nécessaires, tels qu'un traducteur médical sur place lors de consultations médicales ainsi que l'organisation de voyages et d'hébergements lors de traitements à l'international.

Vous insistez beaucoup sur la qualité des réseaux de médecins ou du choix des hôpitaux partenaires. Est-il possible de compter sur un réseau de médecins adéquats dans tous les pays où vos clients se rendent?

L’accès à un réseau de médecins de premier plan à travers le monde entier est un des aspects clés de notre offre de services basée sur un conseil neutre. Ces deux dernières décennies, nous avons mis sur pied un réseau global de médecins qui ont des compétences pointues dans tous les domaines de la médecine.

Y a-t-il certaines situations où vous préférez rapatrier certains de vos clients directement vers la Suisse?

Dans certains cas, c’est déjà arrivé. Par exemple pour traiter un cancer très spécifique, où il aurait été difficile de trouver un spécialiste adéquat dans le pays où se trouvait le client. Toutefois – et c’est un aspect important à souligner -, SIP n’est pas un «medical tourism provider». Nous ne recevons pas d’argent de la part de médecins ou de cliniques pour faire venir traiter des patients dans des cliniques en Suisse. Bien au contraire, nos clients nous paient pour bénéficier d’un conseil neutre. Ils paient une commission annuelle pour obtenir un conseil objectif. Nous ne percevons aucune rétrocessions ou kick-back pour recommander tel ou tel médecin ou clinique. C’est un comité médical qui prend la décision de savoir vers quel médecin ou clinique on va orienter tel ou tel patient.

Nous ne sommes pas non plus un service de rapatriement. La décision de rapatrier des patients, même suisses, vers la Suisse n’est pas un objectif en soi.

«La clientèle suisse représente une part d’environ 20%.»
De quels pays proviennent vos clients?

80% de notre clientèle est internationale. Ils sont issus de 65 pays différents. La clientèle suisse représente une part d’environ 20%. Il y a aussi des situations où la nationalité du client ne joue pratiquement aucun rôle dans le processus de décision: par exemple, un client russe qui possédait un domaine vinicole en Italie, avait besoin d’un traitement spécifique. Dans ce cas, nous lui avons organisé un traitement en Italie. L’objectif n’était pas de le ramener en Russie.

Outre le fait de pouvoir compter sur un réseau de médecins sur place, nous gardons à disposition un dossier médical standardisé à propos de nos patients qui peut être accessible aux docteurs dans le monde entier. C’est important à la fois pour la préparation des opérations et leur suivi. C’est un aspect clé pour ne pas perdre de temps et faciliter les contacts avec les médecins sur place.

La pandémie de coronavirus a-t-elle modifié votre manière de travailler depuis 2020?

Je dirais que la pandémie a surtout changé la perception d’une partie de notre clientèle par rapport à l’importance de l’accès aux soins et des questions de santé en général. Avant la pandémie, beaucoup de gens n’avaient pas conscience des complications qui peuvent survenir même lorsque l’on est en bonne santé. Quelqu’un qui doit planifier une opération simple en Amérique latine peut, en temps normal, compter sur des infrastructures de relativement bonne qualité dans cette région du monde. Que se passe-t-il toutefois lorsque les hôpitaux sont fermés ou réservés aux seuls patients atteints du Covid? De même, certains patients qui avaient prévu un traitement ou une opération à leur retour en Europe n’avaient tout d’un coup plus la possibilité de voyager pendant plusieurs semaines. Pour tous ces cas de figure, le fait de pouvoir compter sur un réseau sélectionné de médecins présents dans plusieurs pays fait une grande différence dans la qualité des soins dont un patient peut bénéficier.

Quel est l’âge ou le profil type des clients de SIP?

Grosso modo, ils sont âgés entre 30 et 80 ans. Dans la catégorie des 30 à 50 ans, il y a beaucoup d’«expats» ou de gens très actifs à l’international professionnellement. Chez les plus âgés, il s’agit parfois de personnes qui ont décidé de passer une partie de leur retraite ailleurs que dans leur pays d’origine. Chez les plus jeunes, nous comptons aussi des sportifs de pointe, comme des footballeurs, parmi nos clients

«Un athlète de haut niveau n’a pas nécessairement
envie que ses sponsors sachent tout de l’évolution de sa blessure.»
Leurs clubs ne prennent-ils pas en charge les questions d’assurance maladie?

Les choses peuvent se révéler compliquées en cas de changement fréquent de pays au cours de leur carrière. En outre, la question de la prise en charge et du suivi des blessures peut être une question très délicate. Grâce à notre réseau de médecins, un sportif pourra rapidement trouver le meilleur orthopédiste capable de traiter une blessure donnée.

Est-ce aussi une manière de ne pas ébruiter ce type de problèmes?

Pour ce type de clients, notre discrétion est aussi un atout majeur. Un athlète de haut niveau n’a pas nécessairement envie que ses sponsors sachent tout de l’évolution de sa blessure. Chez SIP, la protection de la sphère privée est un aspect clé: d’ailleurs, il n’y a en général que deux ou trois de nos employés qui connaissent le vrai nom de certains de nos clients. Toutes les données médicales se rapportant aux patients sont sévèrement protégées. Nous n’envoyons jamais un dossier à un médecin par e-mail – les données sont transmises uniquement via des réseaux informatiques protégés.

Pour en revenir au concept de «medical family office», comment avez-vous accès à vos clients potentiels?

Il y a plusieurs façons d’entrer en contact avec nos futurs clients. Premièrement, via notre site web, comme c’est le cas pour n’importe quelle activité. Deuxièmement, via des contacts personnels ou le bouche à oreille. Troisièmement, via différentes sociétés actives en tant qu’intermédiaires qui ont un profil de client similaire au nôtre, mais qui ne sont pas engagées de manière active dans des secteurs liés à la santé – par exemple des gérants de fortune, des family offices, des cabinets d’avocats – qui sont aussi à la recherche de solutions pour accompagner leurs clients sur le plan médical. S’agissant des entreprises, nous comptons aussi certaines sociétés clientes qui préfèrent nous confier la prise en charge des questions d’assurance pour l’ensemble de leurs équipes présentes dans des villes, comme Hong Kong ou Singapour par exemple.