SharingAlpha: une communauté d’investisseurs professionnels

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Partie 1. L’habileté du manager à naviguer lors des périodes difficiles. Avec Guy Schochet de Toledo Capital.

Mise en ligne en avril 2016, SharingAlpha s’est rapidement imposée comme la plus grande communauté mondiale d’acheteurs de fonds avec ses 12’000 membres actifs. Partant du postulat qu’aucune équipe de recherche – même la meilleure – ne peut à elle seule couvrir l’infinité de l’univers, la plateforme s’appuie sur sa communauté de professionnels pour échanger et partager leurs idées. Selon le site, près de 95% des fonds existants ne sont pas couverts par une analyse indépendante, et de ce fait, ne reçoivent pas les encours qu’ils méritent. Dans une première interview, Guy Schochet de Toledo Capital à Zurich, un membre chevronné de la plateforme, explique comment il sélectionne ses fonds.

Comment choisissez-vous les gérants de fonds?

J’ai pour habitude de fréquenter les évènements de Citywire, que je compare à du speed dating car l'on peut y discuter brièvement avec les gérants. Je visite également d’autres foires d’investissement européennes. J’aime également bien me renseigner sur les managers par le «bouche à oreille» de mon réseau ainsi que sur la base d’articles de l'hebdomadaire financier Barron’s. Pour donner un exemple, après avoir lu un papier sur un fonds alternatif liquide, j’ai réussi à trouver un bon Hedge Fund UCITS US equity chez J.P. Morgan. J’ai ensuite fait ma due diligence avec Bloomberg en m’intéressant tout particulièrement à son track record, à ses avoirs sous gestion, etc. Puis, je me suis finalement entretenu avec son manager sur la stratégie du portefeuille. Je lui ai notamment demandé comme il avait atteint sa performance ainsi que d’autres détails sur son portefeuille.

La période durant laquelle nous gardons ces fonds dépend de leur performance.
Comment choisissez-vous certains fonds en particulier et quels critères utilisez-vous?

Cela dépend si je connais le manager ou pas, et si le fonds est émis par un gestionnaire connu ou pas. En 2020, nous avions investi dans des CLO qui est une classe d'actifs très volatile mais investie principalement par des investisseurs institutionnels. A l'époque, leur valorisation était une excellente raison d'y entrer, ce que nous avons fait via la boutique zurichoise ISP dont nous connaissions très bien l’équipe de gestionnaires. J’attache aussi beaucoup d’importance à l’habilité du manager à naviguer lors des périodes difficiles, comme en 2008, lorsque certaines émissions ont fait défaut car si le fonds est très volatil, il ne pourra pas convenir à tous les clients. Il est aussi intéressant de comparer la volatilité entre différents fonds, ainsi que de déterminer en combien de temps ils ont retrouvé leur performance après des pertes importantes. Je compare aussi les stratégies longues avec les ETFs. En effet, pourquoi acheter un fonds si l’ETF, qui coûte moins cher, fait mieux. Parfois, il faut mieux préférer les ETFs aux fonds si l'on souhaite une meilleure diversification. Dans ce cas, on a moins de risque d'avoir un accident comme avec Wirecard...

Quelle est votre approche d’allocation de fonds?

Nous utilisons une approche dite Core-Satellite. Pour le cœur du portefeuille, nous utilisons des fonds obligataires sans contraintes qui permettent aux managers de naviguer en période difficile, par exemple avec une couverture sur les durations. Les fonds flexibles m’évitent de vendre ou d'acheter des parts fréquemment, ce qui constitue un gain de commission significatif pour mes clients. En ce moment, j’ai en portefeuille un fonds flexible de Silex qui affiche une performance de 4% depuis le début de l’année, alors que les ETFs avec des obligations Investment Grade sont négatifs. Nous détenons également des fonds alternatifs off-shore et des fonds alternatifs liquides censés naviguer lors des périodes volatiles qui peuvent ainsi rester dans les portefeuilles sur une longue période. La partie Satellite est formée avec des thèmes, comme par exemple, en ce moment, les financières, l’Europe et les biotechs. La période sur laquelle nous gardons ces fonds dépend de leur performance.

Que pensez-vous des fonds ESG?

Nous employons un stagiaire universitaire d’une vingtaine d’année très enthousiaste des fonds ESG comme beaucoup de personnes de son âge. Mais pour ma part, je ne pense pas y investir énormément ces prochains temps car j’ai le sentiment qu’ils doivent encore faire leurs preuves. Et nous n’avons pas beaucoup de demandes de la part de nos clients. Chaque jour, davantage de managers rejoignent le créneau et les sociétés souhaitent vraiment s’améliorer dans l’ESG, ce qui va attirer dans le futur davantage de talents. A un certain moment, les fonds ESG seront alignés aux fonds classiques…Et bien naturellement, à performance identique, je choisirai l’ESG. Quelle que soit l'approche, nous investissons dans des fonds où le gestionnaire peut décider des entreprises sur lesquelles investir. Si ce dernier pense qu'une entreprise se porte bien, que ce soit en raison de l'ESG ou pour toute autre raison, il investira dans cette entreprise.