Renaissance économique du Portugal

Nicolette de Joncaire

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Durement touché par la crise, le pays s’est redressé. Son secteur bancaire aussi. L’analyse de Jose Salgado de la Millennium Banque Privée.

Le Portugal vient d’annoncer la plus forte croissance de son économie en 17 ans. Les industries orientées vers l’exportation se sont renouvelées, le tourisme est florissant, le taux de chômage en baisse régulière et l’immobilier en hausse. Quant au secteur bancaire, il a retrouvé la santé. On évoque un miracle portugais mais que reste-t-il à faire? Entretien avec Jose Salgado, directeur général de la Millennium Banque Privée.

Quel rôle a joué sur la croissance la fiscalité favorable introduite par le Portugal en 2009?

Le Portugal n’est pas le seul pays qui a introduit une fiscalité de ce type. La Grèce et l’Italie en ont fait autant mais peut-être avec moins de succès car notre pays garantit une sécurité juridique importante née du consensus politique autour duquel cette réforme s’est décidée.

Quel rôle cette réforme a-t-elle joué?

La réforme n’en est pas l’unique raison – la croissance des exportations a joué un rôle, de même que le Printemps arabe, en particulier sur le tourisme – mais le Portugal a été en quelque sorte «découvert» dans les dernières années. Avant la crise, le niveau de détention de propriétés par des étrangers au Portugal était très faible. Si faible que le Fond Monétaire International (FMI) s’en alarmait. Jugé insuffisamment «ouvert», le pays a fait un gros effort de promotion pour attirer résidents étrangers et touristes. Avec pour corollaire un alignement sur des normes similaires à celles du sud de la France ou de l’Espagne. Aujourd’hui le tourisme représente un quart des recettes du pays. Ironiquement, le FMI s’inquiète de ce que la dépendance au tourisme puisse devenir une faiblesse!

Les centres urbains rencontrent-ils des difficultés semblables à celles de Barcelone?

C’est le cas à Lisbonne ou à Porto, bien qu’il n’y ait pas eu de violence comme à Barcelone. Difficile de trouver un bien immobilier au centre-ville. Les prix dans la capitale peuvent atteindre 14'000 euros au mètre carré.

«Les services de promotion économique ont su se tourner très tôt
vers le potentiel offert par les réseaux sociaux.»
Revenons sur le redressement spectaculaire du pays. Comment s’est-il opéré?

En 2009 puis en 2011, le Portugal a été frappé par une crise économique dramatique. Le chômage y avait presque atteint 18%.  Mais cette crise a été bien gérée, en «bon élève» du FMI, sans soulèvements sociaux graves et avec le soutien de l’Union européenne qui lui a apporté un cadre clair et constructif. Les deux moteurs du redressement ont été les exportations et le tourisme. Par ailleurs, les services de promotion économique ont su se tourner très tôt vers le potentiel offert par les réseaux sociaux.

Quelles sont les principales exportations du pays?

Les biens de consommation, en particulier les textiles et les chaussures, les aliments et boissons (vins, huile d’olive, jus de fruits) et l’automobile. Dans le domaine des textiles et des chaussures, le pays s’est spécialisé dans les produits haut de gamme pour se démarquer de la compétition chinoise.

Vers quelles destinations?

L’Union européenne essentiellement : France, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne. Le commerce avec nos marchés traditionnels a été ralenti par leurs propres difficultés, celle de l’Angola en particulier.

Le ratio de dette au PIB reste élevé.

C’est exact mais les dépenses publiques sont en baisse, les taux d’intérêt de la dette ont chuté, le pays dégage un surplus primaire de sa balance commerciale. En outre, la dette est progressivement prise en charge par le pays lui-même alors qu’elle était complètement en mains étrangères auparavant.

Comment se porte le secteur bancaire?

De mieux en mieux. A 160%, le ratio prêts/dépôts des banques portugaises était dangereusement élevé en 2010. Il a chuté aujourd’hui à 94% ce qui est infiniment plus raisonnable. La capitalisation des banques portugaises s’est également fortement améliorée. Le ratio de Tier 1 est passé de 7,4 en 2010 à 13,5 au troisième trimestre de 2017.

«L’absence d’un réseau ferroviaire satisfaisant se fait durement sentir.»
Que reste-il à faire?

Les dépenses publiques d’investissement sont insuffisantes. L’infrastructure du pays est dans l’ensemble de bonne qualité mais l’absence d’un réseau ferroviaire satisfaisant – tant pour le transport des personnes que des marchandises – se fait durement sentir. La croissance est tirée par la demande extérieure et la consommation domestique n’est pas à même de prendre le relai.

Quels sont les objectifs de Millennium Banque Privée?

Millennium Banque Privée en Suisse est une filiale à part entière de Millennium BCP, la plus grande banque en mains privées portugaise et la seule à racines portugaises encore existante. En Suisse, nous jouons le rôle de centre international du private banking pour le groupe, au croisement du Portugal, de la Suisse, de l’Europe (en particulier en Pologne où nous avons une forte implantation), de l’Amérique Latine et de l’Afrique*. Avec l’arrivée au capital de Millennium BCP du groupe chinois Fosun, l’an dernier, nous voulons saisir l’opportunité d’étendre encore notre périmètre en ouvrant un desk chinois à Genève. Notre business model performant nous permet aujourd’hui d’avoir une stratégie de croissance.

Quels services apportez-vous à votre clientèle?

Notre vision est à 360 degrés et nous offrons, en toute transparence, tous les services associés à la gestion de fortune: allocation d’actifs, advisory, gestion discrétionnaire ou wealth planning. En outre, nous pouvons nous appuyer sur notre positionnement international et sur les services de notre banque d’affaires au Portugal pour proposer des solutions aux entrepreneurs désireux de s’implanter dans une nouvelle région. Pour éviter les conflits d’intérêt et renforcer ainsi notre indépendance, nous avons de plus pris la décision de ne pas développer nos propres produits et sommes restés en architecture ouverte. J’ajoute enfin que notre flexibilité réduit de manière importante le time-to-market.

* 15% du capital de Millennium BCP est détenu par la société angolaise Sonangol.