Rallye élargi pour 2024

Salima Barragan

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La Fed devrait baisser ses taux dès l’année prochaine. Les intervenants se tiendront prêts pour le véritable rebond. Avec Paul Jackson d’Invesco.

Les marchés ont toujours un temps d’avance sur l’économie. Malgré une conjoncture au ralenti, Invesco table sur un rebond plus large des indices lors du premier semestres 2024, en contraste avec la hausse actuelle portée par une poignée de titres technologiques. Paul Jackson, responsable de la recherche en l’allocation d’actifs, estime que la Fed commencera à abaisser ses taux en 2024. De quoi alimenter l’euphorie des traders. D’ailleurs, dans cette interview pour Allnews, il partage également le résultat de ses recherches en finance comportementale. Ces dernières portent sur les liens entre hormones, volatilité et appétit au risque.

Malgré le ralentissement conjoncturel, vous envisagez un rebond élargi des marchés en 2024. Pour quelles raisons?

Les récessions ou les phases de croissance atones constituent toujours les portions les plus courtes du cycle économique. Une fois en récession, les choses ne peuvent que s’améliorer ! Le risque s’amoncelle en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde pour la seconde partie de l’année. Puis, nous nous attendons à une relance dès le premier semestre de l’année prochaine. Premièrement, en raison de l’affaiblissement de l’inflation qui implique une progression des revenus réels des ménages. Deuxièmement, parce que les politiques monétaires seront moins contraignantes:  les banques centrales cesseront d’augmenter les taux, puis commenceront à les réduire en 2024. Les marchés anticiperont cette relance, d’où une expansion des multiples à venir…

D’ici ce rebond prévu pour 2024, quelle est votre stratégie d’investissement au second semestre de cette année?

Nous nous méfions des derniers développements: près de la moitié du mouvement haussier du S&P 500 s’explique par la flambée de 3 valeurs technologiques liées au phénomène de l’IA. Alors que l’économie faiblit, nous ne pouvons pas continuer à voir les prix à ces niveaux tandis que les taux souverains continuent de monter. Les marchés vont bientôt prendre conscience de l’incompatibilité des deux tendances. Ce qui se matérialisera par à une légère baisse ou une consolidation des indices pour la deuxième partie de l’année.

Il manque un ingrédient à la recette d’une bulle: l’abondance des liquidités, comme lors de l’éclatement des valeurs technologiques dans les années 2000, ou la chute d’une poignée de titres spéculatifs lors du Covid.

Les écarts de crédit sont également moins larges qu’ils ne devraient l’être. Le second semestre sera laborieux pour toutes les classes d’actifs risquées.

Pourquoi préférez-vous la Chine et les marchés émergents aux développés?

Délaissée par les investisseurs, la Chine est devenue bon marché. Nous y voyons une opportunité sur un horizon de cinq ans. De plus, la croissance chinoise à court terme sera supérieure à celle des pays développés. Ce momentum va porter les valeurs chinoises.

Nous voyons une divergence de croissance entre les deux blocs, car les politiques monétaires chinoises restent complaisantes, tandis que la décélération des masses monétaires aux États-Unis et en Europe a déjà commencé à tempérer leurs économies.

Selon vos recherches en finance comportementale, la volatilité augmenterait l’appétit au risque via une augmentation de l’hormone du stress: le cortisol. Pouvez-vous nous expliquer cette thèse?

J’ai écrit en 2018 un papier portant sur l’appétit au risque et la testostérone. Il est basé sur des recherches académiques. Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, la volatilité ne rend pas averse au risque; elle incite à en prendre. Selon des études conduites sur des sujets, la volatilité agit sur le cortisol, qui augmente à son tour la prise de risque dans un premier temps. Cependant, nous avons aussi découvert qu’à plus long terme, elle déprime les intervenants qui finiront par perdre leur goût au risque. Par exemple, les fluctuations s'atténuent en fin de crise. Le problème: les acteurs passent ainsi à côté de points d’entrée.

Quels sont les liens entre la prise de risque et la testostérone?

On entend souvent parler du mythe de la testostérone qui règne dans les salles de trading. C’est un environnement hautement masculin, dans lequel les courtiers, en compétition les uns avec les autres, se lancent dans des paris risqués. Les études académiques ont corroboré cette idée sur les salles de marché. Elles ont clairement démontré que la testostérone augmente la prise de risques.

Ce qui explique pourquoi les femmes ont la réputation d’avoir un style de gestion plus conservateur que leurs pairs masculins. Revenons aux marchés. Voyez-vous une bulle sur l’intelligence artificielle?

Nous y voyons la prochaine bulle spéculative. Il est difficile d’anticiper l’essor des technologies, mais elles nourrissent l’imaginaire et les rêves les plus fous. S’il est certain que l’AI sera importante dans les ventes et les bénéfices des sociétés, le terrain demeure fertile pour toutes sortes de spéculations et d’estimations. C’est ce qu’on appelle le FOMO (Fear of Missing Out); la peur de rater la tendance. Cependant, il manque un ingrédient à la recette d’une bulle: l’abondance des liquidités, comme lors de l’éclatement des valeurs technologiques dans les années 2000, ou la chute d’une poignée de titres spéculatifs lors du Covid.

Êtes-vous toujours baissier sur le dollar américain?

Oui, car il va poursuivre son déclin dans les 12 prochains mois. Sa chute va favoriser les actifs émergents, ainsi que les actions américaines vis-à-vis des étrangères, car le dollar reste actuellement cher face à un panier de devises.

En contraste, le yen est relativement faible. Mais dès que la Bank of Japan commencera à resserrer sa politique monétaire, nous pouvons nous attendre à un mouvement abrupt et opportun pour les investisseurs internationaux.

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