Risques sur le Royaume-Uni

Salima Barragan

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«Un no-deal du Brexit est toujours possible», estime Paul Jackson d’Invesco.

Hausse de la livre sterling et des actions au Royaume-Uni; c’est avec allégresse que les marchés ont fêté l’élection de Boris Johnson. Dès à présent, le premier ministre devra s’atteler pour faire de son slogan «Get the Brexit done» une réalité. Paul Jackson qui est basé à Londres et responsable de la recherche de l’allocation d’actifs chez Invesco, est moins optimiste et fait part de son inquiétude: «Nous courrons toujours la possibilité d’un «No-deal» du Brexit mais ce risque n’est plus intégré dans les marchés».  A l’occasion d’un passage à Genève, il a dévoilé sa stratégie d’investissement pour l’année prochaine. Il favorise les actions européennes…exceptées les anglaises. Entretien.

Quelles sont vos principales convictions pour 2020?

L’immobilier et les actions continueront à surperformer les autres classes d’actifs mais je n’attend aucune catastrophe sur les obligations.

Quels sont vos commentaires sur la victoire de Boris Johnson? Et sur l’impact de son programme sur les classes d’actifs au Royaume-Uni?

Les marchés se réjouissent de l’élection de Boris Jonson estimant que sa majorité parlementaire sera suffisante pour garantir un Brexit «soft» avant le 31 janvier. Or, il est difficile de deviner son approche lors des négociations sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne. Le vrai travail commencera en réalité dès le 31 janvier. Les négociations et la mise en place d’accords sera un travail de longue haleine alors que le Premier Ministre ne disposera que de six mois, sauf s’il accepte de prolonger la période de transition au-delà de 2020. Nous courrons donc toujours le risque d’un «No-deal» du Brexit bien qu’il ne soit plus intégré dans les marchés. S’il se matérialise durant 2020, la livre sterling va redescendre et il y aura plus de volatilité sur toutes les classes d’actifs.

Malgré les baisses de taux, nous n’éviterons pas
une récession en 2021 ou 2022.
Concernant une éventuelle récession, vous êtes plus optimiste qu’il y a deux ans et pensez qu’elle n’aura finalement pas lieu en 2020. Pour quelles raisons?

Les banques centrales et les gouvernements de cinquante pays ont prolongé le sursis de l’économie de 12 à 18 mois. Mias malgré les baisses de taux, nous n’éviterons pas une récession en 2021 ou 2022. Plus on l’attend, plus elle sera dure! D’autant que les banques centrales seront à court de munitions…

Sur la part actions, vous surpondérez l’Europe au détriment des Etats-Unis. Le Vieux Continent sera-t-il plus résilient?

La zone euro bénéficiera effectivement davantage d’un éventuel rebond. Cette année, les nouvelles sur le front européen ont été exécrables. La décélération allemande a impacté les économies et les places boursières de la zone alors que les actions américaines atteignent des niveaux dangereux.

Bien que les actions japonaises soient à la traîne vis-à-vis de leurs homologues occidentales, vous estimez qu’elles procureront les meilleurs rendements en 2020…

A court terme, la croissance des dividendes est assez attrayante et le ratio de distribution du dividende est plus bas qu’en moyenne; ce qui signifie que les sociétés japonaises disposent encore de marge de manœuvre pour augmenter leurs dividendes même si leurs bénéfices diminuent. A plus long terme, un renforcement du yen impactera les exportateurs nippons. Dans cinq ans, le cours pourrait atteindre 85 yens contre un dollar.

. Très cyclique, le marché suisse est similaire à celui de la zone euro
même si sa composition est différente.
A onze mois des élections américaines, quelles sont vos vues sur le dollar américain?

Le dollar qui est assez cher pourrait s’affaiblir de 1% ou 2%, notamment contre l’euro et le franc suisse. Une victoire de la démocrate Elisabeth Warren affaiblirait davantage le billet vert car elle s’oppose farouchement aux banques. Mais pour l’instant, elle est redescendue dans les sondages au profit de Joe Biden qui est le nouveau favori.

Après la résurgence d’environ 20% de l’or en l’espace d’un an, quelles sont vos perspectives?

L’or est survalorisé pour plusieurs raisons. D’abord parce que les taux réels – un coût d’opportunité pour l’or – sont bas. Ensuite, parce que le facteur Trump a créé une divergence entre le prix de l’or et notre modèle. Une crainte s’est exprimée dans son prix alors que les actions mondiales ont célébré son élection. Je ne crois pas qu’il sera élu une deuxième fois et m’attends à la disparition de la «prime Trump» sur l’or. Enfin, l’inflation est retombée à des moyennes historiques mais les taux longs sur la dette sont en-dessous de la moyenne. Lorsque ces derniers remonteront, l’or se normalisera.

Pour finir, quelles sont vos vues sur le marché des actions suisses?

Très cyclique, le marché suisse est similaire à celui de la zone euro même si sa composition est différente. Le franc suisse - actuellement surévalué – devrait s’affaiblir, ce qui favorisera les actions suisses sur les européennes. En revanche, le marché suisse compte beaucoup de banques et peu de métaux, de matières premières ou de valeurs industrielles ce qui en fait un marché de début de cycle. Il n’est donc pas à privilégier en cette fin de cycle.

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