Avec une progression qui avoisine les 30% depuis janvier, l’or compte parmi les classes d’actifs qui affichent la plus forte progression depuis le début de cette année, loin devant les valeurs technologiques comprises dans l’indice Nasdaq 100 (+19,8%) par exemple. Comment expliquer la hausse régulière affichée par le cours de l’or depuis maintenant près de deux ans – et cette progression peut-elle se poursuivre au cours des prochains mois? Le point sur la situation avec Ned Naylor-Leyland, expert or chez Jupiter Asset Management.
Depuis le début de cette année, les prix de l’or ont volé de record en record. A quoi attribuez-vous cette hausse – à la baisse attendue des taux d’intérêt, aux achats effectués par les banques centrales, à l’évolution du dollar?
S’agissant du premier aspect, je ne crois pas que la baisse des taux d’intérêt ou le début du cycle d’assouplissement annoncé par la Fed à la mi-septembre ait eu l’impact le plus déterminant sur le cours de l’or ces dernières semaines. Désormais, les investisseurs considèrent l’or comme un actif sans risque global qui peut être négocié mondialement, indépendamment des décisions prises par les banques centrales ou les gouvernements. Le fait que certains pays émergents tendent à se détourner du dollar en tant que monnaie de réserve joue clairement un rôle dans la demande pour l’or. C’est le cas de la Chine, notamment. Cette tendance a encore été renforcée par le fait que certaines banques centrales ont réduit ces dernières années leurs achats de bons du Trésor américains ou d’autres titres de dette des gouvernements et ont, au lieu de cela, acheté constamment de l’or au cours des cinq dernières années. Ce n’est donc pas un phénomène complètement nouveau mais cela n’a fait que de renforcer la place qu’occupe l’or en tant qu’actif sans risque sur les marchés financiers.
«Désormais, les investisseurs considèrent l’or comme un actif sans risque global qui peut être négocié mondialement, indépendamment des décisions prises par les banques centrales ou les gouvernements.»
Pourquoi la hausse des cours de l’or n’entraîne-t-elle pas dans son sillon les prix d’autres métaux précieux comme l’argent par exemple?
Un aspect différencie l’or d’autres métaux précieux: alors que le platine, le palladium ou l'argent font l’objet d’une demande à la fois dans leur rôle en tant métal précieux ou et pour leur emploi dans différents usages industriels, la situation est très différente en ce qui concerne l’or. Très peu d’investisseurs achètent de l’or pour le détenir physiquement ou pour en faire un usage concret. L’or est acheté en tant qu’actif de réserve dans un but de diversification de ses placements ou parce que certains investisseurs sont convaincus que son prix va encore augmenter. 95% des achats d’or ne correspondent à aucune transaction réelle. Les seules exceptions à ce sujet sont peut-être les achats physiques effectués par certaines banques centrales ou la demande émanant de la clientèle de détail dans des pays comme l’Inde ou la Chine. En Chine notamment, beaucoup de jeunes gens, qui disposent de quelques économies, préfèrent acheter de l’or plutôt que d’acheter des appartements compte tenu de la crise que traverse le secteur immobilier chinois. Dans l’ensemble, le rôle joué par les achats physiques d’or demeure très marginal. Enfin, il ne faut pas oublier que beaucoup de gens achètent de l’or en faisant un pari sur l’évolution future de son prix.
«L’évolution du cours de l’or est influencée par la demande de produits qui suivent simplement les tendances du marché. Quant le prix de l’or monte, certains investisseurs en achètent davantage...»
Cette tendance va-t-elle encore se renforcer si d’autres actifs sans risque, comme des placements monétaires, offrent une rémunération encore moins attractive à l’avenir compte tenu de la baisse attendue des taux d’intérêt?
Dans ce domaine, il faut faire attention de ne pas trop se fier aux expériences passées et à la capacité à pouvoir modéliser l’évolution future des prix. A la différence du marché obligataire, où il est possible d’établir une relation claire entre l’évolution des taux d’intérêt et le prix des obligations, la corrélation n’est pas si évidente pour l’or. Ce n’est pas non plus le cas en ce qui concerne la relation entre force du dollar par rapport aux autres monnaies et le cours de l’or. En définitive, il ne faut pas oublier que l’évolution du cours de l’or est influencée par la demande de produits qui suivent simplement les tendances du marché. Quant le prix de l’or monte, certains investisseurs en achètent davantage... Cela ne fait que renforcer la tendance haussière du prix de l’or.
En décembre 2023, vous écriviez dans un commentaire que si l’or dépassait le seuil des 2100 dollars, cela briserait une résistance importante et que cela ouvrirait la voie à une poursuite du mouvement haussier. Pensez-vous que le cours de l’or pourrait à l’avenir atteindre ou franchir le seuil des 3000 dollars l’once, contre un peu plus de 2670 dollars l’once actuellement?
Oui, je m’attends à ce que le seuil des 3000 dollars l’once soit cassé à un moment donné, compte tenu du fait que les dépenses du gouvernement américain et les déficits aux Etats-Unis évoluent uniquement dans une seule direction.