Les structurés s’imposent toujours davantage

Anne Barrat

3 minutes de lecture

Pourquoi les gérants font-ils de plus en plus de place aux produits structurés? Les réponses de Xavier Huttepain, co-fondateur de Marigny Capital.

 
Fondée en 2013 par deux experts des produits structurés ayant fait leur classe chez Commerzbank, Marigny Capital vient de s’implanter à Genève pour être au plus près des gérants de fortune indépendants suisses qui représentent une part importante et en pleine croissance de sa clientèle. Laquelle tend, depuis une dizaine d’années, à accroître la part des produits structurés dans le portefeuille de leurs clients finaux. Modularité est le maître mot de ce succès, explique le Managing Director de Marigny Capital, Xavier Huttepain.
 
Vous avez près de 20 ans d’expérience dans les produits structurés. Comment expliquez-vous l’engouement croissant pour cette classe d’actifs?

La première raison est d’ordre structurel. Une tendance de fond voit les gérants et leurs clients privilégier des produits qui offrent la possibilité d’une exposition à une classe d’actifs sans les inconvénients de l’investissement direct, (par exemple le risque de change ou la perte en capital dès le premier 1% de baisse notamment). Avec un produit structuré, il est possible de réaliser un investissement similaire à un investissement direct sans subir le risque de change, par exemple d’investir en franc suisse sur une valeur américaine sans se soucier de l’évolution CHF/USD. Autre avantage majeur: un produit structuré permet de packager un instrument financier qui n’existe pas sur le marché. Par exemple, un certificat sur la dette Aviva avec une duration de 3 ans alors que l’obligation originelle n’existe que sur 6 ans. La seconde raison tient à la conjoncture des taux d’intérêt négatifs, qui a rendu très complexe la recherche de solutions de gestion du cash rentables. Le rendement sans risque n’existe plus. Par construction, un produit structuré comporte un système de barrière au sein duquel le capital est protégé.  Ainsi, la baisse des marchés provoquée par le choc de la crise sanitaire l’année dernière n’a pas entraîné de perte de capital de la plupart de nos produits structurés parce qu’elle n’a pas dépassé le niveau des barrières. Ces produits constituent aujourd’hui une des meilleures manières de maximiser le rapport risque rendement, permettant d’espérer des taux de 5, 6 ou 7% avec un risque mesuré. Autant d’arguments qui expliquent que les gérants peuvent intégrer jusqu’à 15% de produits structurés dans les portefeuilles.

Nous installer en Suisse allait de soi.
Est-ce pour accompagner cette croissance que vous ouvrez un bureau à Genève?

Nos trois premiers clients en 2013 étaient des GFI suisses.  Notre relation avec la Suisse est à la fois ancienne et très forte. Je m’occupais déjà des clients suisses chez Commerzbank. C’est un pays qui fait preuve d’une ouverture internationale, d’une culture et d’un écosystème uniques, favorables à l’innovation, dans la finance notamment. Nous avions déjà une centaine de clients suisses avant d’ouvrir le bureau de Genève. Nous installer en Suisse allait donc de soi. Nous connaissons bien le terrain ainsi que son environnement réglementaire - nous sommes affiliés à l’ARIF -, et nous avons une grande expérience des contraintes locales. Par exemple nous faisons particulièrement attention à la bonne communication des informations concernant nos produits à la plateforme Six-Telekurs. Offrir un service local répondait à notre objectif de favoriser les contacts avec nos clients existants et les futurs clients, au sein du vivier de 3’000 gérants indépendants en Suisse. Le bureau de Genève compte 3 personnes, qui pourront s’appuyer sur les ressources de notre structure parisienne de 17 personnes.

A vos yeux, quel est l’élément le plus différenciant dans cette industrie?

L’humain d’abord. Nous sommes convaincus que rien ne remplace la valeur ajoutée des personnes et le conseil pour optimiser un portefeuille, Un robot advisor ne le fera jamais aussi bien. Notre objectif est toujours de préserver le capital, de garantir une approche conservatrice. Le sens du service ensuite. Nous passons beaucoup de temps à réfléchir pour optimiser nos réponses aux quelques centaines de RFQ (Request For Quotation) que nous recevons par an. Nous travaillons comme des artisans. Les partenaires enfin. Nous avons des relations privilégiées avec 20 à 25 banques dans le monde (Europe, Etats-Unis, Asie, Amérique latine) avec lesquelles nous travaillons quotidiennement. Nous sélectionnons les 4 ou 5 susceptibles de traiter au mieux la demande de cotation en fonction notamment de la taille de cette dernière, du type de produit et de ses autres caractéristiques. Les tiers gérants reçoivent toutes les réponses à ces appels d’offres et choisissent la plus adéquate – qui n’est pas forcément celle qui offre le meilleur rendement brut, mais, par exemple, la gestion la plus sécurisée du risque. Ces banques partenaires nous accompagnent également sur les campagnes que nous lançons auprès des gérants sur la base d’un thème auquel nous croyons.

Nos principaux clients restent les tiers gérants.
La technologie est-elle un facteur de différenciation?

Nous ne voulons pas devenir un Amazon des produits structurés, ce qui reviendrait pour nous à retirer la valeur ajoutée du conseil humain. Bien sûr, nous avons un outil de Life Cycle Management et de reporting appelé Marcap, qui permet à nos clients de suivre en temps réel la performance de leurs lignes. C’est un outil en constante évolution, indispensable, aussi bien pour les gérants dès qu’ils ont plusieurs dizaines de lignes chez Marigny Capital que pour nous qui lançons environ 800 produits par an.

Diriez-vous que vos clients ont évolué depuis vos débuts ? Comment vous êtes-vous adapté?

Le profil de nos clients a évolué à la marge. Les principaux restent les tiers gérants (environ 300 actifs aujourd’hui, 500 en consolidé depuis notre création). Cela dit, nous avons de plus en plus de clients institutionnels (corporates, assurance vie, caisses de pension) en France, qui font appel à nous pour des solutions de gestion de trésorerie. Encore une fois, nous souhaitons nous concentrer sur notre expertise. Mieux vaut faire une chose mille fois que mille choses une fois. Leur origine géographique a, elle, évolué: à la France et au Bénélux se sont ajoutés les Emirats Arabes Unis et la Russie. Leur demande a elle aussi évolué. Parmi les tiers gérants, certains préfèrent acheter au secondaire des produits que d’autres ont choisi, d’autres sont friands de produits sur-mesure. Cette seconde catégorie tend à s’étoffer avec les années. C’est pourquoi nous avons recruté un stratégiste qui analyse en permanence les évolutions des marchés. Il nous aide à identifier des thèmes porteurs, souvent contrariants, plus souvent encore judicieux. Notre domaine de prédilection est celui des actions monde (2/3 de nos campagnes) – un biais payant, en constante croissance depuis 2013.

Avez-vous des exemples?

Actuellement, nous travaillons sur une campagne qui aura pour thème central le marché des camping-cars aux Etats-Unis: Nous sommes convaincus que cette industrie devrait fortement bénéficier de la tendance de « revenge spending » post-Covid chez les consommateurs américains

L’indépendance des tiers-gérants leur tient à cœur,
Les évolutions réglementaires récentes ont-elles entraîné une consolidation chez vos clients?

L’expérience de la France nous a montré que ni Mifid 1 en 2007, ni Mifid 2 en 2018 n’ont entraîné de consolidation majeure du secteur des tiers gérants. Tout au plus se sont-ils regroupés pour mutualiser les coûts administratifs et de compliance. Mais leur indépendance leur tient à cœur, nombreux sont passés par les banques et ne souhaitent pas perdre leur pouvoir de décision. LEFin et LSFin auront probablement sur les GFI suisses un impact similaire:  des regroupements pour générer des synergies sur les frais liés aux contraintes documentaires de KYC et à la due diligence, sans entamer la volonté d’indépendance, gage de valeur ajoutée pour leurs clients.

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